• L'Etat et moi

     

    « Que l'autorité se borne à être juste, nous nous chargerons d'être heureux. », telle est la maxime dépassée de Benjamin Constant.

    Que ferais-je si l’Etat restait neutre ? Choisir moi-même ? Tout seul ? Vous n’y pensez pas !

    L'Etat est un peu mou des genoux quand il s'agit d'exercer ses prérogatives régaliennes, un tantinet impuissant quand il s'agit d'économie, mais il est toujours là pour moi. 

    Il me surveille, il est aux petits soins, il me protège, il me console de mes bobos et même me donne parfois de l’argent de poche quand je me plains.

    Pour ma descendance, cela commence maintenant dès la petite école. On n'y apprend pas toujours à penser et sur quoi penser, mais ce qu'il faut penser. D'ailleurs depuis cette année on ne parle plus seulement d'instruction civique, mais également de morale. Alors que je m'étais forgé progressivement et avec l'expérience de la vie une morale personnelle, les bambins, eux, vont pouvoir bénéficier d'une morale  toute mâchée, et de l'indication des comportements à suivre. Ils auront aussi la chance de choisir leur sexe et de rejeter les horribles stéréotypes artificiels imposés par la société à chacun d'entre nous.

    Pourquoi ne suis-je pas né plus tard ! Quand je pense que je trimbale mon sexe depuis ma naissance sans pouvoir m'en débarrasser si j’en avais eu l’envie.

    L'Etat veille affectueusement à ce que je dois penser et dire. Il me conseille fermement d'abandonner pour mon bien des phobies dangereuses, et m'encourage à aimer même ceux qui me haïssent, un élan chrétien qu’il est bon de ne pas qualifier ainsi pour  ne pas discriminer ceux qui ne le sont pas.

    Mais il se préoccupe aussi de ma santé en me conseillant les activités bonnes pour  moi, et même ce que je dois manger pour devenir immortel. Cependant, le conseil des "5 fruits et légumes par jour" me laisse une liberté un peu déroutante dans son application : 5 fruits + 5 légumes ou 5 au total? Et dans ce dernier cas : 1 + 4 ou 3 + 2 ? Et le nombre de légumes doit-il être supérieur au nombre de fruits ? Et rien n'est dit sur la quantité de chaque catégorie. C'est un des rares cas où l'encadrement de l'Etat laisse à désirer.

    L'Etat est par contre de plus en plus vigilant dans mes relations avec les femmes. Il me donne des conseils amicaux pour éviter un harcèlement sexiste, notamment dans les transports en commun. Bien sûr, mon éducation ne me prédispose pas à les siffler même de façon admirative, je baisse désormais les yeux pour ne pas avoir un « regard insistant », je serre les genoux pour ne pas écarter les jambes (ce qui serait une « présence envahissante »), mais devrais-je me sentir sexuellement agressé si ce sont les femmes qui les écartent, rien n’est dit sur ce sujet sensible.

    Lorsque renonçant aux transports en commun, je prends ma voiture, en tant qu'automobiliste, je suis particulièrement choyé. On me fait faire et acheter des tas de choses pour ma sécurité. Discipliné, je ne manque jamais de souffler dans l'alcootest après une soirée. Petit ballon qui s'est rapidement envolé mais qui a fait la fortune du fabriquant.

    L'Etat nous materne chaleureusement et ne répugne pas à nous verser des indemnités pour nos déboires. Il se fend parfois d’une pension lorsque l’on se présente (avec l’aide d’une association, il y en  a toujours une) comme une victime, par exemple lorsqu’on affirme ne pas supporter les ondes électromagnétiques ou même si un de ses proches  a eu la vision de sa mort après un accident, indemnité transformant le proche du décédé en victime d’un préjudice (l’angoisse de sa mort prochaine !) par procuration (voir « L’indemnisation universelle »).

    Qui pourrait protester contre une telle prise en charge ?

    Aussi, je remercie l’Etat pour sa sollicitude, et c’est avec joie que j’ai payé le solde de mes impôts le 15 de ce mois.

    « Que la rhétorique soit avec nous !L’absurde par les preuves »

  • Commentaires

    1
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 19:27

    Nous allons finir par être asphyxiés sous ce déluges de  bontés...

    2
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 19:34

    Quelle belle description de cet état providence Doc. Vous avez raison, nos petits enfants à ce tarif là seront complètement décérébrés et deviendront des robots formatés par l'état. Cette façon de materner existe depuis longtemps, mais ne fait que croître et embellir. En 2020, nous n'auront même plus besoin de chauffeurs pour conduire nos voitures ! Nous vivons effectivement une époque formidable ! clown Bonne soirée mon ami.

    3
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 20:32

    LIVIA. Bontés dont nous n'avons plu les moyens.

    4
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 20:37

    ZAZA. Plus que l'Etat providence, l'Etat intervient partout, souvent là il n'est pas très utile mais facile d'intervenir et n'intervient pas où il devrait le faire car plus difficile.

    5
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 21:52

    Belle description du totalitarisme soft de notre Etat-providence, Dr Wo..

    6
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 22:43

    Heureux de savoir que vous faites partie du club (de plus en plus restreint) des gentils contributeurs privés de la générosité publique.

    PS : si je puis me permettre d'ajouter (sur le même ton que vous) un domaine à ceux que vous avez cités, je dirais que je suis assez fier que ma modeste contribution ait servi à financer un plug anal et un vagin royal ! smile

    7
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 23:04

    SOURIS DONC. "Quand je rencontre quelqu'un qui veut mon bonheur, je change de trottoir"

    8
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 23:07

    CARLUS. Pour que les choses rentrent dans l'ordre, on pourrait faire se rencontrer ces deux chefs d'œuvre afin qu'ils puissent s'emboîter. bad

    9
    Jeudi 17 Septembre 2015 à 07:24

     

    Big Mamma is watching you et sait ce qui est bon pour vous.

    Plus vous êtes déresponsabilisé, plus la propagande et l’endoctrinement auront de prise sur vous.

    Vous vous plaignez des restrictions à votre liberté (de choisir, de penser, de parler) ?

    "Le bilan est globalement positif", comme disait G. Marchais qui avait le sens de la formule, quand on évoquait le goulag et le totalitarisme soviétique.

     

    10
    Jeudi 17 Septembre 2015 à 08:27

    Mais c'est comme l'œuf et la poule. L'Etat interventionniste est aussi la conséquence des revendications syndicales et associatives. L'individu a acquis des droits comme un enfant qui frappe du pied pour obtenir ce qu'il veut, et le pouvoir qui dépend des élections finit par lui accorder pour le conserver. L'individu qui se comporte comme un enfant devient un enfant. Je ne pense pas à une volonté délibérée de déresponsabilisation de la part de l'Etat mais d'une conséquence évolutive de la démocratie.

    11
    Vendredi 18 Septembre 2015 à 12:05

    Cela fait d'autant plus plaisir de payer ses impôts que l'on voit bien l'immense pertinence et le dévouement sans borne de tous ces gens qui se trouvent en charge de l'Etat. C'est rassurant notamment pour les générations futures dont l'éducation (nationale) les prédisposera forcément à accepter sans broncher toutes les avanies qui leur dégringoleront sur l'échine.

    Amitiés.

    12
    Vendredi 18 Septembre 2015 à 13:45

    Peut-être que les réseaux sociaux, la rapidité de la communication, la difficulté de maintenir longtemps un secret changeront la donne.

    13
    Mercredi 23 Septembre 2015 à 09:49

    "L’Etat, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde".

     

    (F. Bastiat)

     

    14
    Mercredi 23 Septembre 2015 à 10:53

    L'anarchie pourrait avoir la même définition.

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