• Demande de remboursement

    Demande de remboursementDans une interview, Régis Debray a déclaré que, pour lui, le maître en littérature était Julien Gracq. J’avais jadis lu un de ses livres sans avoir été suffisamment accroché pour en retenir le titre. Impressionné par le jugement de Régis Debray, et soucieux de ne pas rater un plaisir de lecture, j’ai donc acheté « Le rivage des Syrtes » qui est l’œuvre la plus connue de Julien Gracq. Dire que je n’ai pas adhéré à ce roman est un euphémisme car je l’ai trouvé franchement…ennuyeux. L’intrigue est d’une minceur filiforme qui ne s’épaissit que vers la page 200, et il a fallu m’accrocher pour y arriver, alors que les cent dernières pages auraient pu faire un roman convenable. L’histoire, un tantinet hermétique, se déroule dans un pays imaginaire ressemblant à l’ancienne Venise – celle des Doges - où l’on nage dans un anachronisme mêlant le Moyen Âge et le contemporain (on se déplace en automobile et on fume des cigarettes dans un monde qui évoque la Renaissance). Mais en laissant cela de côté, j’ai surtout trouvé l’écriture insupportable. Un verbiage élégant, à la limite du pompeux, une complaisance à aligner les phrases longues qui parfois ne veulent plus rien dire, une propension à accumuler les images énigmatiques où une éventuelle perle poétique est noyée dans un coulis interminable de comparaisons qui s’enfilent les unes les autres, si bien que l’on finit par perdre le point de départ de l’avalanche de digressions. Les dialogues sont rares, et lorsqu’ils existent, les personnages semblent se comprendre, mais le lecteur a plus de mal à saisir leur conversation pleine d’allusions. En définitive, j’ai eu du mal à supporter une prose qui laisse à penser que son auteur se regardait écrire en semblant dire au lecteur : « regardez comme j’écris bien ». Une demande de remboursement auprès de Régis Debray serait licite, à moins qu’il ne me soit rétorqué que je n’ai rien compris, ce qui est fort possible, car ce roman fut couronné par le prix Goncourt, mais que Julien Gracq refusa. Loin d’être féru de littérature, il me semble bien que Le rivage des Syrtes, livre paru en 1951, n’est qu’une imitation lourde, volontaire ou non, du roman bien plus réussi de Buzatti : Le désert des Tartares paru onze ans auparavant.

    « L’original et sa copieUn mariage de déraison »

  • Commentaires

    1
    Jch
    Mercredi 13 Septembre 2023 à 08:00
    Jch
    Vous avez sombré dans les sables mouvants. Fatalité des Fatalités !
      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 10:57

        Je me suis noyé dans la lagune.

    2
    Souris donc
    Mercredi 13 Septembre 2023 à 08:03

    Le roman, et la fiction en général, me tombent des mains au bout d'une vingtaine de pages. Ils vont à la boîte aux livres fabriquée par une association de réinsertion. Je me suis demandée pourquoi. Je crois que la perte du sens de la concision y est pour beaucoup. Concis = le maximum en peu de mots, le contraire du délayage accablant.

    Donc, terminé, la fiction. Je ne lis plus que des biographies et des essais.

    En ce moment :

    L'ensauvagement de la France : la responsabilité des juges et politiques

    On le voit souvent sur C'News, c'est un ancien juge d'instruction, passionnant. On lui doit aussi Gare aux gourous, sur les dérives thérapeutiques.

    georges fenech sur fr.wikipedia.org

      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 10:55

        Même pas un petit roman policier de temps en temps ?

      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 11:44

        Itou.

        Je me méfie surtout des prix littéraires, des best-sellers ou des meilleures ventes, des "lectures préférées des Français" et autres "choix des libraires"...

        Sinon en vrac : Umberto Eco, Jean Raspail, Pierre Boulle, Henri Vincenot, Michel Jeury#1 Michel Jeury#2...  Rien de "les 20 titres qu'il faut lire au moins une fois dans sa vie".

        Et aussi, parfois, quelques thrillers bien hémoglobinisés.  

         

      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 11:53

        Je préfère éviter l'hémoglobine une fois sorti du cadre professionnel.

      • Souris donc
        Mercredi 13 Septembre 2023 à 12:40

        Les romanciers, payés à la pige ? Comme les journalistes. 

        Unité de calcul : le feuillet = production de 1500 caractères (espaces compris) = le contraire de la concision.

      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 16:13

        L'aphorisme devrait donc vous satisfaire : l'expression la plus courte pour la signification la plus grande

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    3
    Mercredi 13 Septembre 2023 à 16:40

    Vous avez bien du courage. Inspiré par un ouvrage lu il y a longtemps, j'applique depuis quelques principes de base : 

    - C'est à l'auteur de vous donnez envie de le lire. S'il n'a pas réussi après 100 pages, poubelle (ou revente ou don ou cadeau à votre belle-mère) ou alors lecture rapide en diagonale (si c'est un "livre obligé")

    - vous avez le droit de sauter les descriptions interminables de "feuillage d'automne qui sous le soleil rougeoyant de ce novembre blafard, donnait à la ville cette ambiance crépusculaire qu'on ne trouve que dans les romans de..."

    - vous avez le droit de penser que vous n'êtes pas le public auquel s'adresse le livre (poubelle ou lecture en diagonale)

    - vous avez le droit de penser que vous n'appartenez pas à la génération à laquelle s'adresse ce livre (poubelle ou lecture en diagonale)

     

    PS : Je suis quand même un peu surpris que vous soyez réceptif aux conseils de lecture de ce révolutionnaire de salon littéraire smile

      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 17:11

        Vos recommandations sont de bon sens et retirent toute culpabilité de ne pas être sensible aux trompettes de la renommée. Régis Debray n'a pas seulement été un révolutionnaire de salon littéraire puisqu'il fut assez stupide pour s'engager aux côtés de Che Guevara.

      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 17:45

        Assez stupide surtout pour se faire arrêter. Rappelons que ces dernières prises de positions politiques, entre deux réflexions sur la "transcendance de la religion",  sont en faveur de Mélenchon, contre l'appartenance à l'Otan, etc... 

      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 18:00

        A vrai dire j'ignorais ses dernières attirances...plutôt décevantes. Vous avez raison, j'ai eu tort de suivre ses goûts littéraires. Tout cela montre bien que la culture ne protège ni de la bêtise, ni de la barbarie.

      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 18:20

        Juste un petit mot supplémentaire pour expliquer l'antipathie que que m'inspire ce personnage. Il va faire la guérilla avec le Che en Amérique latine, très bien ! Mais quand il se fait arrêter et condamner à la prison à vie en Bolivie, il redevient un "Français détenu à l'étranger" et c'est la France de De Gaulle qui le fait libérer (au prix d'une belle rançon secrète).

        Un peu comme nos djihadistes d'aujourd'hui qui estiment qu'il peuvent aller tuer impunément des gens à l'étranger  tout en bénéficiant d'un droit au rapatriement en France quand ils se font prendre.

      • Mercredi 13 Septembre 2023 à 18:37

        Les deux cas ne sont pas similaires : les djihadistes sont clairement des ennemis de la France et l'ont prouvé de façon sanglante. Régis Debray avait participé à un combat où la France n'était pas partie prenante.

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