• Boni-menteurs et boni-menteuses

    Je dois me rendre à l’évidence : je ne serai jamais influenceur. Un coup d’œil très bref sur la liste de mes abonnés m’en donne la confirmation. Pourtant, j’aimerais bien au cours d’un diner déclarer en bombant le torse à ceux qui me demanderais à quoi j’occupe mon temps : je suis un influenceur, des milliers de gens m’écoutent, je leur donne des conseils pour tout et n’importe quoi, en évitant bien sûr de les encourager à la prostitution. En fait, chacun dans sa vie a été amené à influencer les autres, notamment par sa profession, et la mienne s’y prêtait aisément, mais jusqu’à une époque récente on n’en faisait pas sa profession unique et l’influence avait en général un écho modeste.

    Boni-menteurs et boni-menteusesL’entrefilet ci-contre est tiré du Parisien. Que 100000 personnes, probablement proches de l’enfance, éprouvent le besoin de regarder, d’écouter et de suivre les conseils d’une gamine de 17 ans est tout même ahurissant, mais il est vrai que les enfants, persuadés d’être incompris des adultes, sont plus sensibles et plus perméables à la parole de jeunes proches de leur âge.

    Les réseaux sociaux ont permis de démontrer grandeur nature la crédulité et le niveau d’inculture d’une partie de la population. Là, il s’agit essentiellement de jeunes (la gamine que l’on voulait prostituer avait 13 ans), il faut espérer que le temps changera leurs pôles d’intérêt, mais ce n’est pas certain car comme le disait Aragon : « C’est avec les jeunes idiots que l’on fait les vieux cons ».

    Ce qui est également étonnant est la pullulation de la faune des influenceurs et influenceuses qui ont astucieusement trouvé un moyen de gagner de l’argent en montrant leur bobine et leur bagou sur les écrans, rejetant dans le passé les bonimenteurs et les vendeurs à la sauvette, petits artisans de rue qui ne manquaient pas de talent mais dont l’influence ne dépassait pas le trottoir. Influencer les autres est un des objectifs du commerce, l’astuce est ici d’avancer masqué et l’influence exercée par ce que les abonnés pensent être un copain ou une copine à qui on fait confiance et non par un vendeur ou une vendeuse qui officie à visage découvert. Cette faune d’influence commerciale contribue à formater très jeune le consommateur, la consommation étant la fonction essentielle du citoyen dans notre société. Les influenceurs seraient donc d’utilité publique en favorisant la consommation même en l’orientant de travers. Mais l’influence commerciale n’est qu’un moindre mal car l’influence peut s’exercer dans des domaines plus dangereux comme le montre l’entrefilet ci-dessus et en  diffusant de fausses informations notamment en matière de santé.

    Boni-menteurs et boni-menteusesLes influenceurs ou ceuses n'ont guère d'épaisseur mais avec leurs avatars virtuels, ils n'en ont plus aucune, ce qui n'empêche pas les gogos d'être hypnotisés par leurs prestations sans chair, mais avec tiroir-caisse.

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  • Commentaires

    1
    Lundi 4 Septembre 2023 à 21:22

    Il faut aussi savoir (mais vous le savez certainement déjà) qu'un "influenceur" n'est pas seulement ce brave ado (ou pre-ado, ou post-ado) qui montre sa bobine sur le web depuis son petit bureau dans sa petite chambre avec son petit ordinateur.

    C'est devenu un vrai métier, avec des cadences et des résultats exigés par le "sponsor" (on dit partenariat). C'et un métier qui s'apprend, il y a des formations pour ça :

    https://diplomeo.com/formations-metier-pour-devenir-influenceur

    https://www.je-change-de-metier.com/fiche-metier-influenceur

    https://www.cidj.com/metiers/influenceur-influenceuse

    Je crois même (je n'ai pas retrouvé une info que j'avais vu passer) que dans certains pays "plus avancés" que nous dans ce domaine, les influenceurs et influenceuses "pointent" en arrivant et en partant du "travail" qui se fait dans des mini-studios d'enregistrement vitrés sur un côté sous le contrôle d'un superviseur de la marque qui observe et note ce qui se passe dans les (8 ou 10 ?) studios sous sa responsabilité.

     

     

      • Lundi 4 Septembre 2023 à 23:11

        Ces influenceurs commerciaux sont des publicitaires qui jouent le copinage pour vendre. C'est la plus malhonnête des publicités, ça s'apprend mais si on s'y laisse prendre, c'est sans importance.

    2
    Souris donc
    Mardi 5 Septembre 2023 à 08:19

    Influenceur : nouveau métier prospère, yop la boom !

      • Mardi 5 Septembre 2023 à 09:04

        Vecteur de boniments à large diffusion.

    3
    Mardi 5 Septembre 2023 à 09:52

    En effet, on ne comprend pas pourquoi des gens et des gamines se permettent de donner des conseils de vie aux autres, surtout que je ne crois pas que leur bagage intellectuel soit tellement brillant !

      • Mardi 5 Septembre 2023 à 10:49

        Ce que l'on ne comprend pas, ce n'est pas que les influenceurs donnent des conseils puisqu'ils gagnent leur vie de cette façon, c'est que des milliers de personnes s'abonnent pour les écouter.

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    4
    Mardi 5 Septembre 2023 à 11:39

    Umberto Eco résume bien la notion d'influenceur :

    "Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d'imbéciles qui avant ne parlaient qu'au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel."

    Et ca ne concerne pas seulement des jeunes crétins placeurs de produits de mode ou de sport, mais aussi beaucoup le domaine de la santé. Est un influenceur un blogueur, suivi par des milliers de Followers, qui affirme "les medesin se trompe. Le covid est un invansion de Big Pharma" ou encore "pour gérir le cancer, il fot boir votre urine le matin a jun

      • Mardi 5 Septembre 2023 à 11:54

        Le jugement d'Umberto Eco est de bon sens, avec la restriction suivante : les détenteurs de prix Nobel peuvent aussi dire des bêtises et c'est plus grave car on leur fait davantage confiance. Les réseaux sociaux ont permis une vaste offensive dangereuse contre les faits scientifiques démontrés...et l'orthographe.

      • Mardi 5 Septembre 2023 à 15:26

        Oui, vous avez raison : personne ne détient la vérité et surtout pas un intellectuel récompensé. Mais une discussion entre le professeur Raoult et Jean-François Delfraissy resterait, malgré tout, une discussion de qualité scientifique. Et les échanges entre  Sartre et Aron étaient des discussions philosophiques, quoi que l'on pense de Sartre. 

        J'évoquais plutôt le lanceur d'alerte qui prend son smartphone, va filmer le hall d'accueil de l'hôpital de son quartier et conclut en lettre majuscule : " ils nous mentent. Les hôpitaux ne sont pas débordés. Voici la preuve!!!"

      • Mardi 5 Septembre 2023 à 16:15

        Quand chacun peut s'exprimer le discours est le reflet de l'humanité, on y trouve le pire et le meilleur, et malheureusement plus souvent le pire que le meilleur. Mais ne doit-on pas admettre dans une démocratie que la parole ne doit pas être réservée qu'à une élite ? Si l'on postule que ne peuvent s'exprimer que les gens qui ont quelque chose à dire, le monde serait bien silencieux.

      • Mardi 5 Septembre 2023 à 17:45

        C'est vrai que la liberté est la règle. Et que les limites nécessaires sont difficile à définir. Par exemple, aujourd'hui, la Cour de Cassation demande que Zemmour soit condamné pour ses propos sur "Pétain sauveur de juifs". Et je suis partagé.

        D'un côté je suis contre : la justice n'a pas à se mêler de dire la vérité historique, c'est le travail des historiens. 

        Mais d'un autre côté, si on ne fait rien, des petits malins vont se prévaloir de cette liberté de parole pour battre la campagne en racontant que les juifs empoisonnent les puits les vaccins ou  la nourriture pour bébés...) Et dans ce cas, il n'y a plus de débats mais seulement des foules hystériques

        Pour ma part, je serais tenté de dire "la censure (y compris juridique) pour des intellectuels comme Zemmour, NON" mais OUI à la censure et à la condamnation des complotistes du genre Philippot ou Francis Lalanne,  ou Alain Soral ou Dieudonné et autres influenceurs toxiques.

         

        PS : pas la peine de mort, ni la prison, bien sûr. De fortes amendes seront aussi dissuasives que des peines "victimaires"

      • Mardi 5 Septembre 2023 à 18:16

        Vaste débat que celui des limites de la liberté d'expression. C'est une lame à double tranchant. Tout dépend de la nocivité de l'expression. Si l'on nie l'extermination des Juifs par les Allemands, cela engage à recommencer. Si l'on nie l'existence d'une épidémie et des moyens pour l'endiguer, on désarme la population contre elle et on devient nocif. Si l'on affirme que Pétain a sauvé des Juifs, c'est une affirmation en faveur de Pétain, mais  pas contre les Juifs. En instaurant une "zone libre" dans le sud de la France, des Juifs ont pu s'y échapper pour un temps, mais Pétain, antisémite notoire dont la police a amplement contribué à remplir les camps d'extermination, n'a pas instauré la zone libre pour sauver les Juifs mais pour diriger (transitoirement) un état croupion. On voit, comme vous le dites, qu'il s'agit d'une discussion historique qui ne devrait pas être soumise à procès.

    5
    Un cœur qui bat ♥️
    Jeudi 7 Septembre 2023 à 00:09
    Bonsoir Doc, Je vous confirme que vous ne serez jamais influenceur, et pour cause. Votre plume associée à votre intelligence est d’un autre niveau et vision de la jeunesse actuelle. Ne changez svp rien et encore une fois merci pour vos billets à lire sans modération, Belle soirée
      • Jeudi 7 Septembre 2023 à 08:19

        Voilà un commentaire que j'aime bien lire, vous devriez commenter plus souvent. L'âge n'entame pas la vanité.

      • Souris donc
        Jeudi 7 Septembre 2023 à 10:22

         Votre modestie dut-elle en souffrir, mille fois d'accord avec le commentaire. De tous les blogs que l'on trouve par hasard ou sur une bloglist, le vôtre est le plus pertinent par les problématiques traitées, le plus guilleret par l'humour et la distanciation que l'humour induit, le plus beau par le choix visuel des illustrations, photos, tableaux qui nous sont donnés à voir.

      • Jeudi 7 Septembre 2023 à 11:22

        Je sens que je vais passer une bonne journée. Pour ma part, je trouve que les commentaires de mes visiteurs habituels, dont le vôtres, ont souvent plus d'intérêt que le billet qui les suscitent. C'est même l'un d'entre eux qui a noté l'intérêt qu'il prenait à l'échange de commentaires, un intérêt que je partage.

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