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39. Le rendez-vous des thérapeutes
Le médecin sait à l’évidence qu’il livre un combat d’arrière-garde en retardant si possible la défaite. Il ne peut assurer l’immortalité aux malades dont la famille n’accepte pas le décès même à un âge avancé. Un auteur anglais aurait dit sur son lit de mort : « Je savais bien que nous étions mortels, mais je pensais que l’on aurait fait une exception pour moi ». Chacun pense un peu comme lui. La mort n’est pas prouvée, c’est une constatation statistique avec une très, très haute probabilité et comme le disait V. Jankélévitch « Il n’est jamais nécessaire de mourir ».
Mais…« Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts ; les morts, au contraire, instruisent les vivants » (Chateaubriand)[1].
Le rendez-vous des thérapeutes est une expression d’autodérision qui n’est plus guère employée par les médecins. L’idée que ceux qui avaient soigné un patient se rendent systématiquement à la morgue (on disait aussi : « aller chez Morgagni ») pour constater l’effet de leur thérapeutique n’a plus cours. L’endroit les rendait modestes mais n’empêchait pas leur curiosité lors de la dissection du cadavre qui leur réservait parfois des surprises. Cette méthode anatomo-clinique inaugurée par l’Italien Morgagni (portrait) au XVIIIe siècle a été suivie par les Français Bichat, Corvisart, Bayle, Laennec, et consistait pour les médecins à confronter les signes cliniques du malade vivant avec l’examen de ses organes après sa mort et vérifier jusqu’à quel point ils s’étaient trompés dans leur diagnostic et leur traitement :
Pierre-Fidèle Bretonneau illustra à sa manière la méthode anatomo-clinique. Il escaladait les murs des cimetières pour déterrer les enfants morts en ville de la diphtérie et vérifier qu’ils avaient bien les mêmes lésions que ceux morts à l’hôpital. C’était un esprit original à plus d’un titre : bon médecin sans diplôme (il n’était qu’officier de santé et a passé son doctorat en 1814 à l’âge de 36 ans), préférant faire carrière en Touraine plutôt qu’à Paris, épousant, jeune homme, une femme plus âgée que lui d’un quart de siècle, mais rétablissant largement l’équilibre en épousant, presque octogénaire, une jeunesse de 18 ans. Jalousé par ses confrères, bien avant son second mariage.
Les techniques modernes utilisant la lumière froide des endoscopes, les ultra-sons, les rayons X, la résonance magnétique nucléaire, les isotopes permettent d’avoir de l’intérieur du malade vivant des images précises dépourvues de sang et d’odeur et les thérapeutes actuels ne se rendent que rarement à ce rendez-vous.
Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora
[1] La vie de Rancé, Livre XXVI chap. 9
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Commentaires
1Pascale ZugmeyerMardi 4 Novembre 2008 à 13:41En définitive, nous sommes bien peu de choses ! ...RépondreSans doute ces méthodes ont-elles permis de progresser dans la connaissance de l'anatomie et des maladies. Il fallait quand même avoir "le coeur bien accroché" et une sacré soif de connaissance ! C'est très rassurant de savoir, à l'heure actuelle, de quoi on meurt, très exactement !Il vaut mieux qu'on en soit informé avant de rendre le dernier soupir. Pour ne pas mourir idiot. Molière a tiré un effet comique de cette pratique dans "Le malade imaginaire".Il a fallu et il faut toujours parfois en passer par là. Je sens comme une touche d'ironie dans la dernière phrase. Il faut aussi savoir très exactement de quoi on est atteint pour en guérir.
Dr WOInformé du dernier rendez-vous avec les thérapeutes ? Le patient ne risque pas de manquer la consultation quand elle a lieu (car elle est de plus en plus rare). Mais lors de ce rendez-vous c'est le médecin qui consulte le patient.
Dr WOCe dernier rendez-vous ne s'appelle-il pas autopsie? Je préfère le "premier rendez-vous" de la chanson.Il existe des vivants a priori immortels, mais ils sont végétaux : on connaît un houx royal estimé à 43 000 ans, en Tasmanie. Il durera jusqu'à ce qu'un papetier chinois lui règle son sort...Ce houx a vu passer beaucoup de thérapeutes. J'espère que le papetier chinois ne viendra le soigner.
Dr WO
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