• 298. L’appel au SAS

    298. L’appel au SAS

    Lorsque j’étais en activité, je trouvais regrettable la fermeture de services d’urgences afin de les concentrer façon usine, associée à la fermeture drastique de lits hospitaliers.

    On justifiait la fermeture des « petits » services d’urgence par le fait que ceux-ci ne disposaient pas toujours de tous les équipements qui auraient pu s’avérer nécessaires pour prendre totalement en charge tous les patients, quelle que soit leur pathologie. La vérité est évidemment économique : concentrer les moyens et le personnel coûte moins cher.

    Quant aux raisons de la fermeture des lits, elles étaient et sont toujours essentiellement économiques, en s’imaginant dans une logique à la Gribouille que la disparition des lits diminuerait un nombre équivalent de malades, mais cela permettait aussi de respecter le quota réglementaire d’infirmières et d’aides-soignantes en fonction du nombre de lits. La fermeture de lits a permis un remplissage maximum des services, avec une réduction de la durée de séjour au point de faire sortir parfois des patients à moitié guéris et à favoriser (ce qui n’est pas un mal) l’hospitalisation de jour.

    La conséquence aujourd’hui est que devant l’afflux des patients se présentant aux urgences, on ne sait plus où les mettre lorsqu’une hospitalisation s’avère nécessaire. Ne parlons pas d’une éventuelle catastrophe.

    Notons qu’un lit vide ne coûte presque rien (le maintien de la propreté) mais les règlements ne sont pas pragmatiques, même non fonctionnel, un lit vide doit avoir son quota de personnel qui, lui, doit être payé.

    Quant à la fermeture de nombreux services d’urgence à laquelle nous avons assistée, c’était évidemment une ânerie, car s’ils n’avaient pas tous les derniers équipements, ils permettaient de faire un tri parmi les patients et de diriger sur de plus grosses structures la minorité de patients qui le nécessitaient (d'ailleurs le nouveau plan présenté prévoit la création de 50 "maisons médicales de garde")

    La ministre de la Santé devant la grogne qui règne dans les services d’urgence débordés vient de sortir un plan. Pour juger de son efficacité il faudra voir les résultats une fois appliqué. D’après ce que j’ai pu en lire il s’agit surtout d’un programme d’organisation et de distribution des compétences, et je n’ai pas vu grand-chose d’autre (notamment pour le nombre de lits et du personnel à disposition).

    La réforme présentée comme spectaculaire et qui me laisse dubitatif est la concentration sur un seul numéro de tous les appels à l’aide (si j’ai bien compris : santé, pompier, police) : le SAS (service d’accès aux soins). La ministre de la Santé Agnès Buzyn déclarant : "Je pense qu’il existe un continuum, qui va du conseil médical et demande d’orientation à la vraie urgence vitale, et nous devons répondre à ces besoins qui sont intimement liés", et elle appelle à cesser la "guerre de tranchée" entre les médecins libéraux, les hospitaliers et les secours d’urgence. Personnellement, je ne vois pas en quoi sont liés un conseil médical et une urgence vitale et je n'ai jamais vu de "guerre de tranchée" entre les libéraux et l'hôpital, mais mon activité était à la fois hospitalière et libérale.

    Evidemment, je ne sais pas comment la chose sera organisée, mais je crains un bordel monstre. Les robots seront très probablement de la partie et je vois d’ici la famille affolée taper la main tremblante le 1, le 2, le 3 ou le 4 et probablement plus, à côté d’un malade au plus mal et recommencer en cas d’erreur sans pouvoir accéder à une voix humaine. Il me semble plus simple et plus rapide d'accéder directement au service recherché plutôt que de suivre une filière. Mais je fais sans doute un procès d’intention : tout se passera bien en mélangeant la police, les pompiers, une demande de RV, un conseil médical, et un appel pour une urgence vitale. Il est prévu en outre de diriger éventuellement un patient vers un cabinet médical. Est-ce que Mme Buzyn est entrée dans une salle d’attente d’un cabinet médical ? Sait-elle que les médecins se font agresser par des patients parce que l’attente leur paraît trop longue ? Pense-t-elle qu’ils pourront se charger en plus des demandes du SAS ?

    Que l’organisation améliore les choses, je veux bien, mais ça n’augmentera pas le nombre de médecins, d’infirmières, d’aides-soignantes et autre personnel et de lits disponibles. Mais la ministre de la Santé actuelle hérite d'une situation dont elle n'est pas directement responsable et il faut des années pour former le corps de santé.

    Illustration : Goya et son médecin

    « Pour en finir avec une discriminationDélocalisation de l’activité cérébrale »

  • Commentaires

    1
    Mercredi 11 Septembre 2019 à 11:24

    C'est bien évidemment les robots qui seront au bout du fil, même si une plate-forme téléphonique à l'autre bout du monde ne coûte pas vraiment cher, mais avec l'accent... enfin, bref... passons...

    L'intelligence artificielle (I.A., pour les initiés) fait des progrès tous les jours, contrairement à celle de certains de nos ministres, et le robot saura, en même laps très bref de temps; localiser l'appel du malade ou de ses futurs héritiers, retrouver le cabinet médical le plus proche, identifier le médecin qui a un trou dans son planning de consultations, prendre un rendez-vous urgent++, et faire redescendre le tout au malade ou à ses futurs héritiers...

    Sinon, concernant les SAS, je serais plutôt pour: j'ai quelques bouquins de Gérard de Villiers avec des photos d'infirmières en couverture... je vous dis que ça...

      • Mercredi 11 Septembre 2019 à 11:40

        Je pensais évidemment à Gérard de Villiers et à son Son Altesse Sérénissime en intitulant mon article et peut-être même que nos têtes pensantes  (qui sont cultivées) y ont songé, en dehors du passage à double porte. Je crains d'ailleurs que le futur demandeur reste coincé entre les portes du SAS et n'en sorte que les pieds devant.

      • Aristarkke
        Mercredi 11 Septembre 2019 à 21:13
        On vient de retrouver un malade échappé de son lit, mort dans un couloir désaffecté d'un hôpital marseillais. Couloir menant aux chambres des lits supprimés ?
      • Mercredi 11 Septembre 2019 à 23:22

        A la recherche de lits fantômes.

    2
    Mercredi 11 Septembre 2019 à 12:37
    Pangloss

    Ces réformes bouts de ficelle et cache-misère me font penser à la formule de Coluche: "Si vous avez besoin de quelque chose, écrivez-nous et on vous dira comment vous en passer".

      • Mercredi 11 Septembre 2019 à 16:34

        On fait souvent référence aux grands penseurs : Pierre Dac ou Coluche.

        COM indirect : On voit que vous n'êtes pas un grand amateur de foot.

    3
    Souris donc
    Mercredi 11 Septembre 2019 à 15:27

    Nous avions un "dispensaire" pour la bobologie : ça n'existe plus ? Et avec le numerus clausus, on doit maintenant importer des médecins roumains. Que des histoires avec eux : du jour au lendemain ils se tirent pour aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs.

    Je me suis fait virer par l'un d'eux, un dentiste. Ma question : pour un implant, quelle solution le temps de la cicatrisation ? Je ne sais pas ce qu'il a compris, il s'est fâché et m'a montré la porte.

     

      • Mercredi 11 Septembre 2019 à 16:36

        Il avait une dent contre vous ?

      • Mercredi 11 Septembre 2019 à 22:23

        d'après Google Translate, à un dentiste roumain, il faut dire:

        "Pentru un implant, care soluționează timpul vindecării ?"

        il fallait le savoir...cry

        (Léonarda Dibrani n'était pas roumaine ? ah, bon...)

         

      • Mercredi 11 Septembre 2019 à 23:25

        Il faut demander à Hollande.

    4
    Mercredi 11 Septembre 2019 à 16:43

    Il est tentant de penser (avec la CGT, le PC, la FI et le RN) que tous les problèmes du monde seraient dus à une insuffisance d’effectif et qu’il suffirait donc d’embaucher (sans rien changer d’autre) pour les régler. Mais je pense que cela ne tient pas la route sur le moyen et long terme. Abandonner le mail et revenir au courrier postal pour sauver des emplois de postiers n’est pas le bonne solution.

    Ce sont des sujets extrêmement complexes et j'ai conscience que mon avis ne vaut pas grand chose. Mais je crois intimement que le développement de petits hôpitaux et maternités mal équipés n'aboutirait qu'à une chose : une multiplication des plaintes envers les malheureux médecins qui y officieraient. Il me semble que dans beaucoup de spécialités médicales, les médecins spécialistes sont  totalement dépendant du matériel haut de gamme.

      • Mercredi 11 Septembre 2019 à 17:52

        Il n'y a jamais qu'une seule solution pour améliorer une situation de portée nationale. La seule solution proposée et imposée partout a été la concentration des moyens, ce qui a amené à fermer des structures qui fonctionnaient très bien.. Or les solutions sont à géométrie variable en les adaptant aux nécessités locales. Les établissement à taille humaine sont aussi efficaces que les grosses structures surtout en se spécialisant. Les cliniques ne sont pas moins efficaces, pour la plupart, que les hôpitaux monstrueux. Les centres de soin doivent être répartis sur le territoire permettant de faire un tri rapide. Bien sûr que l'on ne peut plus ses dispenser de l'imagerie, mais le minimum de l'imagerie nécessaire à un premier diagnostic est à présent accessible partout (il existe même des échographes portatifs). Les technocrates aiment les solutions uniques à appliquer partout sans connaître le terrain. Un de mes amis médecin a eu l'occasion de voyager en avion avec un de ces technocrates de la santé qui lui a exposé son plan pour la rénovation des hôpitaux et à la question de mon ami il a répondu qu'il n'avait jamais visité un hôpital pour en étudier le fonctionnement.

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