• 271. Ce qui n’est pas dit ou montré, n’existe pas.

    Mais on pourrait également affirmer l’inverse : ce qui est dit ou montré n’existe pas toujours ou n’est pas forcément vrai.

    En septembre 2012, j’avais écrit un petit article après la publication d’une étude du Pr Gilles-Eric Séralini censée montrer la toxicité d’un maïs génétiquement modifié (voir 118. Les OGM, graines de discorde). Cette étude fit grand bruit et fut bien orchestrée sur le plan médiatique avec notamment une couverture du Nouvel Observateur que certains pourraient qualifier de putassier et que je qualifierais de malhonnête et d’irresponsable :

    271. Ce qui n’est pas dit ou montré, n’existe pas.

    Rapidement, il est apparu que la méthodologie de cette étude était très critiquable et qu’il a semblé que le Pr Séralini mêlait un peu trop science et militantisme puisqu’il est persuadé de la nocivité des OGM, et que, comme tout militant, il possède la réponse avant de débattre de la question. Devant les biais de cette étude, sa publication dans une revue scientifique (Food and Chemical Toxicology) fut par la suite retirée, à noter cependant que son comité de lecture aurait pu s’en apercevoir avant de la publier.

    Quoi qu’il en soit, le Pr Séralini fit suffisamment de bruit avec ses rats boursoufflés de tumeurs pour provoquer une inquiétude de la part des autorités et susciter des études plus sérieuses. C’est ainsi que les autorités françaises et européennes ont lancé trois programmes de recherche concernant la toxicité des maïs génétiquement modifiés (GRACE, GTwYST et GMO90+). Leurs résultats ont été présentés au mois de juin par l’Association française des biologistes végétaux (AFBV) et viennent contredire l'étude de Séralini :

    « Les résultats de ces programmes de recherche confirment l’absence d’effets sur la santé des maïs porteurs de MON 810 et NK 603 dans les études à 90 jours. (…) Les études à long terme (un an et deux ans), ne mettent en évidence aucun effet toxique des maïs analysés et n’apportent rien de plus que les études à 90 jours, comme l’avaient prévu les toxicologues. Ainsi, l’AFBV constate que ces nouvelles études réfutent les principales conclusions tirées des études de GE Séralini sur la toxicité des maïs « OGM » analysés : aucun risque potentiel n’a été identifié. En outre, elles contredisent ses propositions sur la nécessité de réaliser des études à long terme. Pour l’AFBV, il est donc important que les consommateurs européens soient maintenant informés des résultats de ces études qui devraient les rassurer sur la qualité pour leur santé des plantes génétiquement modifiées autorisées à la commercialisation et sur la procédure d’évaluation européenne, déjà la plus rigoureuse du monde » (communiqué de l’AFBV rapporté par JIM.fr).

    Bien que le service de presse de l’AFBV ait envoyé les conclusions de ces travaux à 150 journalistes et 250 parlementaires, on ne peut pas dire que leur divulgation ait eu le même retentissement que l’étude fracassante de Séralini « Même l’AFP n’a pas voulu passer une ligne » affirme un représentant de l’AFBV.

    Il est évident que pour les médias une information rassurante est beaucoup moins « sexy » qu’une information inquiétante, et qu’une information faisant état de leurs erreurs reste discrète. A cela il faut ajouter que les mouvements d’opposition comme celui des anti-OGM semblent avoir la sympathie des médias, toujours attirés par les conflits, sans parler de leur prudence devant le caractère souvent belliqueux des militants en règle persuadés d’être détenteurs de la vérité même lorsqu’elle n’a pas été démontrée.

    On peut attendre en vain une couverture rectificative du Nouvel Obs aussi péremptoire que la précédente affirmant que l’on vient de démontrer que « Non, les OGM ne sont pas des poisons ! ». Les médias ont préféré donner la parole à GE Séralini en parlant de « guerre de communication ». On voit que le « chercheur » de Caen préfère quitter le domaine scientifique, et la confrontation sur la valeur des études en cause, pour rejoindre celui de la médiatisation. Le Pr Séralini a en effet tout intérêt à quitter la science où sa faiblesse est manifeste, pour rejoindre celui de la communication où il a prouvé en 2012 sa maîtrise.

    Le Nouvel Obs. à peine troublé par les trois études qui viennent contredire celle de Séralini, lui a donné plutôt la parole. Je suis incompétent pour juger des arguments avancés pour sa défense (qui m'ont cependant paru à la lecture un peu tirés par les cheveux), mais le mis en cause s’est surtout élevé contre le détournement de fonds publics pour « discréditer » ses travaux. Je ne connais pas le Pr Séralini mais je trouve qu’il ne manque pas de culot : il publie une étude discutable, mais inquiétante, et il proteste que l’on soit dans l’obligation d’en vérifier la validité dans le strict respect d’une démarche scientifique. Il est en effet regrettable que la peur des pouvoirs publics après son étude d’emblée sujette à caution ait conduit à dépenser plusieurs millions d’euros pour l’infirmer. On comprend aussi que le Pr Séralini aurait préféré que l’on ne vérifie pas les résultats de son étude. C’est humain, mais détestable.

    « La risette de la chimèreHystérie collective »

  • Commentaires

    1
    Souris donc
    Dimanche 15 Juillet 2018 à 00:29

    Séralini : Wackes Seppi (= André Heitz, onusien retraité, section droits intellectuels en biotechnologie) lui a taillé un costard. 

      • Dimanche 15 Juillet 2018 à 06:46

        L'argumentaire de Séralini développé dans le N. Obs. me paraissait "tiré par les cheveux", mais évidemment, André Heitz connait bien mieux la question que moi pour le critiquer. Ce qui m'a surtout choqué est qu'il proteste que l'on puisse consacrer des fonds publics pour vérifier ses dires alors que c'est lui le responsable de ces dépenses. A quoi s'attendait-il ? Que l'on accepte ses conclusions alarmistes sans les vérifier ?

      • Souris donc
        Dimanche 15 Juillet 2018 à 08:35

        Prendre des rats développant spontanément des tumeurs discrédite en soi toute "l'expérimentation" Séralini.

        De plus, les 3 groupes de rats sont soumis à des produits suspectés d'être toxiques pour l'homme (OGM, Roundup, eau contaminée au Roundup). Mais aucun groupe témoin ne recevant rien.

        Méthodologie douteuse et irrecevable dès le départ. Jamais on n'aurait dû donner tant d'ampleur médiatique à ces manips.

      • Dimanche 15 Juillet 2018 à 09:03

        Mais avec la complicité des médias (le titre du N.Obs de septembre 2012 est scandaleux) et d'une revue scientifique (de second ordre) qui s'est rétractée par la suite mais en donnant au passage  une approbation.

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    2
    Dimanche 15 Juillet 2018 à 10:08

    Quelle différence entre ces gens et les talibans pakistanais qui refusent tout vaccin au motif que ce sont des poisons pour tuer les musulmans ? 

    Aucune finalement ! Les deux estiment que c'était mieux avant, que l'humanité à vécu, il y a plus ou moins longtemps, dans un monde sans maladie, sans misère et sans famine et qu'en arrêtant  les progrès de la science, on pourrait revenir à cet Eden rêvé

      • Dimanche 15 Juillet 2018 à 10:20

        Ce qui rapproche les anti-OGM (je ne parle pas des pesticides dont on connait les inconvénients) et les anti-vaccins est la part de croyance qui les motive et le rejet des démonstrations scientifiques qui iraient à son encontre.

      • Dimanche 15 Juillet 2018 à 10:47

        Oui, et la bêtise et la naïveté n'ayant pas de limite, ils pensent que les pays qui auront pris une avance scientifique irréversible sur nous, nous laisseront vivre tranquillement dans notre petit nid écolo et douillet. 

        PS : Contrairement à ce que nous avons fait avec les Amérindiens et les Africains quand nous avons eu une grande supériorité scientifique sur eux. Mais les autres peuples de la terre sont plus gentils que nous, c'est une vérité bien connue , surtout des écolos! )

         

      • Dimanche 15 Juillet 2018 à 11:45

        Bêtise, naïveté macérant dans une culpabilité masochiste.

    3
    Dimanche 15 Juillet 2018 à 17:10

    Toute idéologie est mortifère puisqu'elle enferme au lieu de libérer et qu'elle tend à supprimer tout ce qui n'est pas conforme à la pensée du "groupe". Dernièrement des "végans" ont attaqué des boucheries et certains se sont réjouis de l'assassinat du boucher de Super U... 

    Quant au Nouvel Obs, il n'y a rien d'étonnant ! La dramatisation fait mieux vendre que les bonnes nouvelles. 

      • Dimanche 15 Juillet 2018 à 17:58

        "Quand je vois quelqu'un qui veut faire mon bonheur, je passe sur le trottoir d'en face"

    4
    Lundi 16 Juillet 2018 à 11:07

    Tous les OGM ne sont pas a priori nocifs mais certains, parce qu'ils ont été créés pour supporter les pesticides (eux-mêmes nocifs), le deviennent.

      • Lundi 16 Juillet 2018 à 14:08

        Il semble que les anti-OGM sont opposés à tous les OGM (comme pour le riz rouge), attitude idéologique sans fondement scientifique, et qui va laisser à la traîne l'Occident en matière agroalimentaire. Les OGM sont utilisés en Asie depuis plus de 10 ans et apparemment sans aucune conséquence sur la santé humaine ou sur les animaux nourris avec ces plantes (je ne parle pas des abeilles, dont la destruction est un vrai problème) et avec un meilleur rendement pour nourrir les populations.

        Dans l'étude de Séralini, celui-ci affirme la nocivité du maïs modifié en l'absence du pesticide, par un mécanisme pour le moins mystérieux. Il dit par ailleurs que le maïs modifié pour résister aux pesticides serait un véritable éponge à pesticide, ce qui serait évidemment dangereux, mais d'après de que j'ai lu cette affirmation serait une ânerie et l'utilisation depuis années ailleurs semble contredire cette affirmation.

         

    5
    Lundi 16 Juillet 2018 à 11:34

    Un débat, certainement intéressant et nécessaire, mais qui me dépasse à une hauteur grand-H et à une vitesse grand-V et qui continuera certainement à me dépasser tant que des arguments recevables par un béotien ignare comme moi ne seront pas expliqués clairement au journal de 20 h. C'est un peu, pour mes connaissances anorexiques dans ce genre de domaine, comme l'existence et les causes du réchauffement climatique ou la vérité sur le Masque de Fer si Louis XIV était son frère ?

     

     

      • Souris donc
        Lundi 16 Juillet 2018 à 12:53

        En ce qui concerne les OGM, les journalistes ne se donnent pas la peine. Plus commode, putassier  et vendeur : l'enfumage (fake news) et jouer sur les peurs. Même réputés pour leur sérieux, comme Elkabbach qui a failli s'évanouir quand Jules Hoffmann, le Nobel de médecine, a affirmé qu'il mangeait des OGM sans aucune réticence.

        Même les ministres de l'environnement ne se donnent pas la peine. Corine Lepage croit que l'on peut déposer des brevets auprès des agrosemenciers (néologisme lepagien).

        Les simplets vont faire comment, maintenant que leur Grand Satan, Monsanto n'existe plus en tant que nom, absorbé par Bayer ?

      • Lundi 16 Juillet 2018 à 14:26

        @ SOURIS DONC. Nous sommes dans l'irrationnel et volontiers dans le complotisme. Si les pesticides posent problème, s'opposer aux OGM parce qu'artificiels n'a aucun sens. Peut-être que ces mêmes opposants aux OGM ne trouvent rien à redire à l'insémination artificielle des femmes et à la gestion pour autrui pour fournir un enfant à deux homosexuels masculins.

      • Lundi 16 Juillet 2018 à 14:37

        Curieusement, dans les commentaires (notamment dans ma réponse à Pangloss) nous n'avons aucunement fait référence aux résultats des 3 études qui ont motivé le billet et qui ont montré tout simplement l'absence de nocivité des OGM incriminés. 

      • Lundi 16 Juillet 2018 à 14:42

        @ BEDEAU Par contre comme illustrateur vous êtes très performant.

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