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Sondocratie (bis)
Chaque jour nous sommes arrosés d’une rafale de sondages sur les intentions de vote pour la prochaine présidentielle d’une cohorte de personnes prêtes à être sondées pour régurgiter l’avenir. Il n’y a pas de doutes que ces prévisions ont une influence sur la sélection des candidats et le choix des électeurs même si le corps électoral se livre parfois à des écarts libertins. Devant l’importance que prennent les sondages à chaque élection il m’a semblé que l’on pouvait leur donner un rôle plus décisif, ce qui m’a poussé à écrire sur ce blog, il y a près de 13 ans, un billet intitulé « sondocratie » que je réédite aujourd’hui :
Un jour, le suffrage universel fût supprimé. Dans les pays plus ou moins totalitaires, près de la totalité des électeurs votaient régulièrement pour l’homme ou la femme (beaucoup plus rarement) déjà au pouvoir par un élan unanime qui tenait du miracle et dans les pays dits démocratiques, il était finalement apparu dangereux de donner carte blanche pour plusieurs années à quelques-uns habilités à prendre des décisions pour tous et que la plupart contestaient par la suite. La sanction de l'élection suivante s'étant révélée insuffisante : les élus avaient le temps de faire leurs bêtises, d'étaler leurs incompétences et de créer des situations difficiles à corriger par les suivants. Les uns utilisaient ainsi l'essentiel de leur mandat à défaire ce que les autres avaient fait. On s'était aussi aperçu que les gens votaient plus par fidélité que par choix et qu'ils pardonnaient à leurs candidats ce qu'ils n'auraient pas pardonné à leurs adversaires.
A cette situation illogique et inefficace vint s'ajouter le constat que nombre d'hommes politiques censés gouverner, ne le faisaient qu'en fonction des résultats des sondages, mais que ces résultats étaient plus ou moins valables et plus ou moins partiaux.
La solution était simple, évidente et parfaitement démocratique : les hommes politiques, intermédiaires incertains et vantards (comment ne pas l'être si l'on veut être élu), furent supprimés ou convertis en fonctionnaires non élus, recrutés par concours et révocables par sondage. Le rôle de ce corps d’état devint celui d'appliquer et de réaliser les décisions issues des sondages. Ceux-ci, permanents, bien organisés, institutionnels et contrôlés, cessèrent d'être anarchiques et téléguidés et purent représenter les opinions de la majorité de la population dont le pragmatisme rangea dans les oubliettes de l’histoire les idéologies fumeuses et fumantes qui traînaient encore dans la tête de certains.
Partis et syndicats n’avaient plus lieu d’être. Les journalistes et les intellectuels devinrent indépendants (c’est là où l’on rencontra les plus grandes difficultés), leur rôle fût de rapporter les faits et d’exposer les arguments pour permettre aux sondés de répondre aux questions (toujours multiples pour éviter l’ambiguïté) en toute connaissance de cause.
Et c’est ainsi que les statistiques prirent le pouvoir.[1]
[1] Ceci n’est qu’une fable
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Commentaires
Les sondages reflètent-ils les intentions de vote des électeurs ou celles de ceux qui paient les sondages? Je n'ose imaginer que ce soient les intentions de ceux qui paient les candidats.
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Lundi 13 Décembre 2021 à 18:48
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Pour l'essentiel, les Gilets jaunes n'ont fait que reprendre les grandes lignes de cet article : Décisions prises par RIC (qui serait, compte tenu de sa lourdeur, tôt ou tard remplacé par Comité citoyen et sondages) et enfin personnel politique transformé en exécutants des décisions prises par RIC sans aucune marge de manœuvre.
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Lundi 13 Décembre 2021 à 18:46
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Ceci n'est pas une fable, nous l'avons testé dans la vie réelle hélas !
Quand à l'avenir, Dieu seul sait ce qui nous y attend, tandis qu'en Allemagne s'installe une homme de fer qui ne va rien laisser passer paraît-il ?
Les fables ont toujours un fond de vérité.