• Pèlerins hypocrites

    Pèlerins hypocritesJ'ai assisté à l'arrivée au pouvoir du Général De Gaulle en 1958. Je me souviens de la farouche opposition qu'il a suscitée. Je me souviens des tentatives pour le renverser ou l'assassiner. Alors quand je vois cette unanimité pour tenter de rattacher son action à celle du général, quand je vois ces pèlerins douteux se déplacer pour lui rendre hommage à Colombey les deux églises, y compris par les héritiers de ceux qui voulurent l'assassiner, j'avoue que j'ai une pointe de nausée. Un article de Jean-François Khan intitulé : "Quand De Gaulle était le diable" paru ce jour dans Le Point le dit mieux que je ne pourrais le dire (illustration Egon Schiele "La colère") :

    "Qui prétend que la France est déchirée ou archipelisée ? Elle n’a jamais été aussi unie, au contraire, puisqu’elle communie unanimement dans le culte du général de Gaulle. Même la gauche a pris, a posteriori, sa carte du RPR. On va à Colombey comme on défilait de la République à la Nation.

    Tous gaullistes ! même Marine Le Pen Même Zemmour qui dans son Destin français expliquait – je cite – que « les troupes pétainistes ont contribué beaucoup plus à la libération que celles de la France libre », que « Pétain, lui, contrairement à de Gaulle, n’a pas réalisé de coup d’État » (ce qui, d’une certaine manière, est vrai), que « le meilleur de l’après-guerre nous vient de Vichy », que « les résistants ont violé les lois de la guerre » et que « la grande politique étrangère du général de Gaulle a été un échec total ».

    Peut-être un rapide retour en arrière en stupéfiera donc quelques-uns.

    Surenchère d’opposants

    Nous sommes en novembre 1965 – année d’élection présidentielle. Représentant le centre et la droite antigaulliste, Jean Lecanuet déboule. « Savez-vous, décoche-t-il d’emblée lors de son premier passage à la télévision, que la France est la dernière en Europe pour la croissance de sa production, la construction de logement, la hausse des salaires, l’amélioration des revenus ? Savez-vous qu’il y a plus de 800 000 personnes âgées qui doivent se contenter pour survivre, ou plutôt pour ne pas mourir, de quatre francs par jour ? »

    Lors d’un débat qui l’oppose à Michel Debré, Pierre Mendès France, remet le couvert : « Tout en France va moins bien que dans les pays voisins. » « Ceux qui étaient derrière nous, lance-t-il, se sont rapprochés ou nous ont rattrapés. Notre croissance sera la plus faible de toutes celles du marché commun ! »

    Surenchère d’opposants ? Certes… Mais un sondage Ifop (en ce temps, donc, de gaullisme triomphant) indique que 32 % seulement des Français sont satisfaits de la politique sociale conduite (contre 51 % hostiles), 29 % de satisfaits chez les ouvriers, 31 % de satisfaits de la politique économique (encore moins que pour Macron), 21 % contre 41 % de la politique agricole et que seule la politique étrangère est plébiscitée.

    De Gaulle, clame Ferdinand Beghin, roi du sucre, actionnaire important du Figaro, « c’est un dirigiste. Depuis trois ans, en France, gagner de l’argent est considéré comme honteux… ».

    Dictature totalitaire

    Quant à la gouvernance, c’est à qui stigmatisera le plus ardemment le pouvoir personnel, celui « du coup d’État permanent », comme l’avait théorisé Mitterrand et dénoncera, comme le président du Sénat, Gaston Monnerville, les « forfaitures » de ce régime qui, à en croire alors la droite extrême (et en partie la gauche), frisait la dictature totalitaire et versait le sang des patriotes.

    Jean-Jacques Servan-Schreiber, dans L’Express, en appelait même à l’émergence d’un Brutus pour arrêter notre dangereux César. Entre romanciers de droite, les fameux « Hussards » (Antoine Blondin, Roger Nimier, Jacques Laurent ou Michel Déon), et certains intellectuels de gauche, c’était à qui fustigerait avec le plus de virulence l’imposteur élyséen.

    Nul ne pouvait imaginer que, parmi les plus fervents admirateurs du Général, on retrouverait, cinquante-cinq ans plus tard, les héritiers de ceux qui avaient condamné à mort de Gaulle en août 1940, tentèrent de l’assassiner à quatre reprises au moins dans les années 1960, puis de le renverser par un putsch militaire.

    Il est vrai que, quand nos grands leaders politiques s’appellent Christian Jacob, Stanislas Guerini ou Olivier Faure, cela incite à devenir gaulliste."

    « Photo de classeFormer ou déformer ? »

  • Commentaires

    1
    Vendredi 12 Novembre 2021 à 19:53

    La principale qualité de De Gaulle, c'est qu'il soit mort.

      • Vendredi 12 Novembre 2021 à 19:57

        En tout cas il est plus grand mort que vivant.

    2
    Halleyjc
    Vendredi 12 Novembre 2021 à 20:18
    Saine colère !
      • Vendredi 12 Novembre 2021 à 20:52

        Oui, il y a des postures indécentes...Et incohérentes.

    3
    Samedi 13 Novembre 2021 à 09:02

    Je ferais quand même une grosse différence, aussi bien pour hier que pour aujourd'hui, entre d'une part manifester et traiter le pouvoir en place de dictature (excès de langage permis en démocratie mais interdit en dictature) et d'autre part traiter les dirigeants élus de "traitres", "d'ennemis", "d'anti-France" et organiser ou soutenir des attentats contre eux. 

    Ce sont les descendants politiques de cette deuxième catégorie (le pétainiste Zemmour en tête) qui sont d'un ridicule achevé d'aller se recueillir sur la tombe de l'ennemi d'hier.

    PS : L'auteur de cet article, c'est bien le Jean-François Khan qu'on connait tous ?  Et il n'aurait jamais eu un mot méchant pour le pouvoir gaulliste ?  j'ai comme un doute smile

     

      • Samedi 13 Novembre 2021 à 09:19

        Bien sûr, les pires sont ceux dont les ascendants et leurs partisans voulaient le tuer, ils sont indécents. Les tenants de gauche sont, eux, ridicules. Quant à JFK j'ignore si en tant que jeune homme il s'est opposé à la venue au pouvoir de De Gaulle, mais je ne crois  pas qu'il se déplace à Colombey pour lui rendre hommage.

    4
    Souris donc
    Samedi 13 Novembre 2021 à 09:53

    Instrumentaliser De Gaulle ? Si c'est pour la bonne cause. Même les chansonniers l'ont fait (Henri Tisot).

    Heureusement que De Gaulle est parti sans voir Colombey-les-Deux-Mosquées.

      • Samedi 13 Novembre 2021 à 10:06

        Il a dupé son monde mais pour la bonne cause. Il est étonnant que ceux qui ne parlent aujourd'hui que du danger islamique auraient été les premiers à vouloir conserver les trois départements algériens, ce qui aurait conduit à une majorité musulmane en France.

    5
    Samedi 13 Novembre 2021 à 11:25

    Il était très grand vivant (pas par la taille) par son amour pour la France, mais c'est vrai qu'aujourd'hui tout le monde le vénère est-ce un tic du moment, ou alors ils se rendent vraiment compte de leur inanité ?

      • Samedi 13 Novembre 2021 à 11:45

        Quand je dis qu'il est plus grand mort que vivant (en référence à la parole attribuée à Henri III après l'assassinat de Henri de Guise), je veux dire que l'on efface toutes les critiques que l'on pourrait lui faire, ne serait-ce que l'abandon des harkis.

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