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"Nous"
Ayant appris que le Russe Evgueni Zamiatine avait écrit en 1920 un roman de science- fiction défini comme une « anti-utopie prophétique » (dénomination curieuse) dont se sont inspirés George Orwell pour 1984 et Aldous Huxley pour Le meilleur des mondes, j’ai donc lu ce roman intitulé Nous. L’étonnant est que Zamiadine qui avait participé à la révolution d’octobre a pris conscience très tôt des dérives du système soviétique et ce livre en fait la critique féroce. Le postulat de base de ce roman est l’antinomie entre la liberté et le bonheur. Moins on est libre plus on sera heureux. L’objectif de la société décrite est le bonheur sous l’égide d’un « Bienfaiteur ». Les individus n’ont pratiquement aucune décision à prendre, car prendre une décision est inconfortable et en prendre est l’inconvénient de la liberté. Tout est mathématiquement programmé (les Tables) et pour éviter les conflits, chaque individu n’est qu’un numéro, il n'est qu'une cellule de l'organisme social telle une fourmi dans la fourmilière ou une abeille dans la ruche, et tous les individus font la même chose. Ils mangent, se promènent, travaillent et dorment en suivant les mêmes horaires. Une société à ce point transparente que les immeubles sont en verre, et que chaque individu est visible par tous. Une exception cependant : on tire les stores pour les rapports sexuels, mais ceux-ci sont tout de même organisés. Bien entendu, l’imagination et le rêve étant les formes de liberté les plus intimes, elles sont surveillées et si elles affleurent dans une conversation, les « gardiens » les dépisteront et l’individu coupable d’imaginer ou de rêver sera traité comme un malade, voire éliminé par la « Machine » pour ne pas contaminer les autres afin de garantir le bonheur de cette société de décérébrés ou de "unicérébraux" de "l'Etat Unique". Une utopie qui dépasse largement la simple critique du système soviétique.
Dans la société décrite par Zamiatine, s'il existe une rébellion, la majorité est satisfaite de son sort et aspire à retrouver la stabilité béate antérieure. A rapprocher de la nostalgie que l'on constate parfois dans les anciens pays communistes pour le régime imposé par l'URSS qui assurait un certain confort si l'on faisait profil bas. Dans les régimes totalitaires que nous connaissons aujourd'hui, la propagande ne suffit plus à embrigader la population et à obtenir l'assentiment de la majorité, les moyens de communication sont trop développés (la majorité est-elle acquise en Corée du Nord ?). Mais une religion totalitaire comme l'Islam dont le principe est la soumission et qui intervient dans tous les actes de la vie est peut-être proche de la société décrite par Zamiatine. Dans les démocraties libérales, s'ils existe un formatage de la population par la publicité, la consommation, les médias, et les groupes de pression dont l'influence est parfois disproportionnée par rapport à leur nombre, la population peut être au contraire désorientée par la multiplicité des vérités proposées.
Illustration : Sheeler « Windows »
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Commentaires
De saines lectures...
Cependant, il faut garder à l'esprit que les "héros" de ces romans (D503, Winston Smith et John Savage) seraient considérés par certains comme de méchants complotistes naïfs ou obtus dans la vraie vie d'aujourd'hui, je veux dire ici et maintenant (pour reprendre le titre d'une collection de livres de SF).
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Vendredi 17 Mai à 13:14
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"La multiplicité des vérités proposées"? Elle n'est qu'apparente et ne sert qu'à donner l'illusion de la liberté. A tel point qu'il est difficile d'imaginer et surtout de tenter de mettre en œuvre d'autres vérités, des vérités hors système, sans recevoir un rappel à l'ordre des médias, des autorités ou de ses compatriotes (les autres). Le déviationnisme est encore un délit.
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Vendredi 17 Mai à 17:53
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Il y a quelques années une sociologue roumaine travaillant en France me disait qu'il y avait en Roumanie beaucoup de nostalgiques de l'époque communiste.
À l'époque, si on ne faisait pas de politique, si on ne contestait pas la hiérarchie au boulot, si on n'imputait pas les problèmes du quotidien (coupures d'eau d'électricité, pénuries, pannes d'ascenseur...) au système, hé bien dans ce cas, on vivait tranquillement, paisiblement une vie doucereuse dans laquelle rien de très heureux mais surtout rien de grave ne semblait pouvoir arriver...
sauf bien sûr ( c'est ce qui lui est arrivé et l'a conduite à s'exiler) si un collègue jaloux de votre promotion va raconter au commissaire politique que vous avez ricané pendant le dernier discours de Ceausescu.
Mais bon, ça n'arrive pas à tout le monde. Les autres continuent donc à regretter le temps béni du communisme.
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Vendredi 17 Mai à 19:36
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Vendredi 17 Mai à 22:08
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Vendredi 17 Mai à 22:49
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6Souris doncSamedi 18 Mai à 08:31Les "bienfaiteurs" sont les dictateurs.
Vous n'avez plus besoin de vous torturer à choisir parmi la multitude d'options proposées en démocratie, parfois détournées par un politicard. Et de lever l'étendard sanglant.
L'Histoire retient leur nom. Les Staline, Mao, Fidel, Pinochet, Hitler, Pol Pot, Mussolini. Et inspirent des films.
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Samedi 18 Mai à 08:35
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7Souris doncSamedi 18 Mai à 10:478BrindamourSamedi 18 Mai à 10:48Petit rappel. Le communisme ne s’est pas effondré parce que les gens se sont rebellés contre l’absence de liberté mais parce qu’il s’est effondré économiquement.
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Samedi 18 Mai à 11:06
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Les deux livres "184" et "Le meilleur des monde" m'avaient effrayés, je ne lirais pas celui-ci et il faut espérer que nous ne tomberons pas sous la coupe de l'islam, qui me fait horreur, j'ai du mal à comprendre pourquoi les hommes mais surtout les femmes y adhèrent ???
Peut-être que ces femmes aiment la soumission.