• Les intellectuels sont-ils anticapitalistes par ressentiment ?

    Les intellectuels sont-ils anticapitalistes par ressentiment ?

    Portraits de Mao par Andy Warhol

    Les intellectuels défendant le capitalisme sont plutôt rares. Rainer Zitelmann, un historien et sociologue allemand, s’est exprimé dans Le Point le 29/06/20 sur les raisons qui pousseraient beaucoup d’intellectuels à être anticapitalistes, contre les « lois » du marché, le libre-échange, la mondialisation et bien sûr les Etats-Unis.  Un capitalisme qu’ils accusent de tous les maux de la planète, de la misère en Afrique au changement climatique.

    Je me permets quelques remarques :

    Beaucoup d’intellectuels ont été marxistes et certains le sont encore, jusqu’à défendre des régimes indéfendables et criminels. Sartre en fut le prototype, mais ils furent légion. Nous avons encore sur les plateaux et sur les ondes des bavards qui exposent leurs convictions tout en prenant soin de taire celles qu’ils défendaient jadis et qui ne sont plus présentables. Mais les Mao, Pol Pot ou Staline, que ceux qui sont encore en vie n’hésitaient pas à soutenir, sont remplacés par les régimes cubain ou vénézuélien qui leur semblent préférables au régime démocratique sous lequel nous vivons, et qu’ils accusent, sans sourciller, de dérive autocratique.

    Il n’est pas étonnant que les intellectuels soient très friands de constructions intellectuelles car ils ont toutes les armes pour les construire dans l’idéal selon les normes de la raison. Ces idéologies pensées de A à Z s’opposent au capitalisme dont l’évolution est spontanée, même si l’on s’efforce de le réguler. Cette régulation vient à posteriori, alors que l’idéologie est un a priori : une feuille de route à appliquer par l’Etat, et à insérer dans le réel quitte à le casser quand l’une ne rentre pas dans l’autre. Ainsi les intellectuels donnent un rôle prédominant à l’Etat, un étatisme qui ne peut que limiter la liberté, ce qui ne semble pas les gêner puisque la « servitude volontaire » du peuple est pour son bien. Les intellectuels savent toujours ce qui est bien pour le peuple, et cela les pousse à parler en son nom.

    Rainer Zitelmann donne une raison pour le moins originale comme une des explications de l’anticapitalisme si commun chez les intellectuels : « Les penseurs n’adhèrent pas à l’économie capitalisme car elle obéit à des règles différentes de la méritocratie scolaire »… « Afin de comprendre pourquoi les intellectuels sont fréquemment anticapitalistes, il convient de tenir compte du fait qu'ils constituent une élite ou se considèrent comme une élite et que leur anticapitalisme se nourrit de l'opposition à l'élite économique. À cet égard, il s'agit d'une compétition entre différentes élites. Si davantage d'éducation et d'enseignement supérieur ne se traduisent pas naturellement par plus de revenus et un statut plus élevé, c'est que, selon les intellectuels critiques du capitalisme, les marchés sur lesquels de tels développements sont possibles sont « injustes »… « Du point de vue de l'intellectuel, l'entrepreneur qui, peut-être, n'a pas beaucoup lu et a éventuellement été un étudiant au mieux moyen, n'a rien de comparable à lui : il n'a pas de diplôme de doctorat ni de liste de publications. » et pourtant il a « des revenus et un patrimoine supérieurs à ceux du philosophe, du sociologue, de l'expert de la culture ou des arts habilités (ce qui) entraîne un scepticisme général contre un ordre économique basé sur la compétition. » « l’injustice qui en résulte (doit être corrigée) par une redistribution massive. En enlevant aux riches ce qui ne leur revient pas, du point de vue de l'intellectuel » 

    Rainer Zitelmann considère donc que dans l’anticapitalisme des intellectuels il y aurait une part de ressentiment, disons même de jalousie assortie de mépris pour ceux qui n’auraient pas suivi un cursus universitaire, et qui ont eu néanmoins le toupet de réussir mieux qu’eux dans la compétition de la vie.

    Notons d’abord que s’ils sont contre un ordre économique basé sur la compétition, ces intellectuels ont également émergés à la suite d’une compétition. Rien n’empêche d’ailleurs les diplômés de gagner de l’argent, ce que certains font d’ailleurs. Mais les anticapitalistes partisans d’une redistribution massive oeuvrent surtout comme philosophe, sociologue, expert de la culture ou des arts, occupations qui ne prédisposent pas à faire fortune.

    Si l’analyse de Rainer Zitelmann est exact, ces intellectuels penseraient que les diplômes leur donneraient tous les droits alors qu’ils n’ont probablement pas le talent d’entreprendre ou de réussir dans le commerce. L’idéologie n’a jamais fait marcher l’économie et quand l’économie ne marche pas, il n’y a rien à redistribuer.

    « Chauve qui peutUne occasion de rire vert »

  • Commentaires

    1
    pangloss
    Mercredi 8 Juillet 2020 à 19:44

    Les intellectuels ont l'esprit de système. Ils organisent intellectuellement le monde et souhaitent l'avénement d'une société organisée selon les systèmes qu'ils élaborent. Le capitalisme fondé sur le "laisser-faire" est l'opposé de ce désir d'organisation extrême.

      • Mercredi 8 Juillet 2020 à 19:59

        C'est en effet l'opposition spontané/planifié concernant l'ensemble de la société. Il est très séduisant pour des penseurs de reconstruire le monde selon leurs souhaits. C'est un jeu intellectuel qui s'est toujours mal terminé. Le jeu le plus terrible et le plus délirant fut celui de Pol Pot au Cambodge.

    2
    Mercredi 8 Juillet 2020 à 20:43
    Raboliot

    Les intellectuels sont le nouveau clergé.

    Comme l'a bien diagnostiqué le britannique Roger Scruton, les intellectuels français sont des prêtres sans dieu.

    Ils sont d'ailleurs organisés en différentes chapelles qui passent leur temps à s'excommunier mutuellement.

      • Mercredi 8 Juillet 2020 à 21:01

        Sans Dieu, car les idéologies sont plus ou moins mortes. Il ne reste que les querelles et...l'écologie servie à toutes les sauces (y compris publicitaire), l'antiracisme raciste et tout ce qui tourne autour du sexe baptisé genre.

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    3
    Jeudi 9 Juillet 2020 à 00:05

    L'apprenti intellectuel sarcastic que j'ai été pendant mes premières années d'étude, s'est laissé enrôler dans une secte marxiste et je peux vous confirmer qu'il y a quelque chose de grisant à posséder UNE clé de compréhension universelle de tous les phénomènes sociaux et humains. On connaît le sens de l'Histoire avant même d'étudier les événements qui l'ont jalonné. La sociologie a pour mission la déconstruction de l'idéologie dominante qui se cache derrière les statistiques et le bon sens bourgeois.

    Quelques décennies avant, un savant soviétique nommé Lyssenko avait même réussi à prouver (?!) qu'il existait des gènes bourgeois et des gènes prolétariens.  Certains écolos (certains, pas tous)  me font penser à lui quand ils répètent  sans arrêt que "c'est la science qui le dit" pour nous imposer leur vision du monde.

      • Jeudi 9 Juillet 2020 à 07:46

        Il doit être satisfaisant pour l'esprit d'avoir une grille de lecture de la société quitte à modifier les faits pour la faire rentrer dans la grille, ce qui peut conduire à n'importe quelle absurdité y compris "scientifique" comme celles de Lysenko. Beaucoup d'écologistes sont tombés dans ce travers, et l'écologie est devenue la nouvelle grille de lecture du monde.

      • Souris donc
        Jeudi 9 Juillet 2020 à 09:46

        L'écologisme persécutoire (interdits et taxes) permet d'enfoncer les portes toutes vertes du confortable prêt-à-penser marxiste planqué derrière.

      • Jeudi 9 Juillet 2020 à 10:26

        Avec le train du progrès, une idéologie peut en cacher une autre.

      • Souris donc
        Jeudi 9 Juillet 2020 à 12:04

        ...Et pincer très fort

      • Jeudi 9 Juillet 2020 à 12:07

        Cette fois l'image est parlante.

    4
    Kobus van Cleef
    Vendredi 10 Juillet 2020 à 19:01
    Les intellectuels sont non seulement anticapitalistes par dépit mais aussi antiracistes
    Et là c'est par haine de leur origine
      • Vendredi 10 Juillet 2020 à 19:13

        On trouve néanmoins beaucoup d'intellectuels qui ne tombent pas dans l'antiracisme raciste et culpabilisant.

    5
    Kobus van Cleef
    Mercredi 15 Juillet 2020 à 14:32
    Des intellos ne donnant pas dans l'anti ouacizm ?
    Alors là vous m'étonnez !
    Tout ce que la planète merdia compte de grandes gueules ou de belles âmes ou de consciences citoyennes, tout celà sans exception, fait dans l'anti ouacizm le plus grégaire, avec l'empressement le plus paniqué, la trouille au ventre qu'on puisse le confondre avec la bête immonde
    Tout, vous dis je !
    Si vous avez des noms pour d'éventuels réfractaires, je suis preneur
    Ils doivent pas être nombreux, voyez vous, doivent pas se signaler avec des lampions, pas perdre leurs marqueurs de vertu ni risquer le pilori zozial
      • Mercredi 15 Juillet 2020 à 14:56

        Il n'y en a pas mal qui s'expriment dans le Point ou Marianne ou Causeur comme Pascal Bruckner, Finkielkraut, Peggy Sastre, Laetitia Strauch-Bonart...

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