• Les dessous du PIB

    Les nouvelles normes du « Système européen des comptes » préconisent d’ajouter dès septembre prochain les activités souterraines dans le calcul du PIB car elles participent à la création de richesse d’un pays, donnant enfin leurs lettres de noblesse au sexe, à la drogue et aux trafics. Les états membres de l’UE pourront choisir le mode d’estimation de leur croissance qui leur convient, mais en fournissant des données harmonisées à l’institut européen des statistiques.

    La question est d’estimer avec une exactitude satisfaisante l’importance de ces activités qui s’efforcent d’être justement invisibles car les états dans leur ingratitude et leur aveuglement cherchent à les éradiquer. La méthodologie suggérée est d’aborder la prostitution sous l’angle de l’offre et en prenant en compte la location d’un appartement et l’achat de matériel (la nature de ce matériel est-elle explicitée dans le document communautaire ?). Pour la drogue, la précision de l’Eurostat devient admirable car cet organisme « conseille de multiplier la quantité consommée par le prix moyen ayant cours dans la rue, tout en faisant jouer le paramètre du « ratio de pureté » des produits stupéfiants et des « coûts de transport et de stockage » des narcotrafiquants ». Il faut donc supposer que tous ces paramètres sont bien connus des autorités.

    Il est à noter que l’Espagne, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Estonie, la Finlande, la Norvège, la Slovénie ou la Suède intègrent déjà les revenus de la prostitution et parfois de la drogue dans leur activité économique. En fait, les activités illégales peuvent être incluses depuis 1995, mais l’UE exprime aujourd’hui le souci de les définir et d’harmoniser la façon de les estimer. Dans le document communautaire (cité par Le Monde.fr), il est spécifié : « Les activités économiques illégales ne sont considérées comme opération qu’à partir du moment où toutes les unités concernées y participent de commun accord. Dès lors, l’achat, la vente ou l’échange de drogues illicites ou d’objets volés constituent des opérations, alors que le vol n’en est pas une ». On respire.

    Si l’Italie tenait compte de « l’économie criminelle » sa croissance passerait de 1,3 à 2,4 en 2014 et son déficit diminuerait. En France, l’Insee exclut la drogue et la prostitution de ses calculs mais effectue, comme les autres, un « redressement » pour tenir compte de l’activité dissimulée (qui inclut le travail « au noir »).

    Les états ont une moralité à géométrie variable. La Suède réprime la prostitution mais gonfle son PIB avec. Pour améliorer la vitrine de notre économie, le gouvernement français sait ce qui lui reste à faire : considérer la prostitution comme « une activité de services [qui] participe à la création de valeur » (Friedrich Schneider, professeur à l’université de Linz) et fermer les yeux sur la vente de drogues, ce qu’elle fait déjà plus ou moins pour le trafic de rue.

    Faut-il les encourager ? La question se pose. Le projet de salles de shoot va dans ce sens, mais la taxation des clients des prostituées apparait comme contre-productive alors que l’on devrait au contraire les pousser à consommer davantage à condition, toutefois, que les prostituées soient consentantes et le code de leur travail respecté. Grâce à l’UE, elles pourront désormais s’estimer fières du service rendu à leur pays.

    Source (pour le sérieux) : Le Monde.fr (« Les décodeurs »).

    Toulouse-Lautrec

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 8 Juin 2014 à 11:52

    On ne saurait mieux dire que la politique n'a que faire de la morale.

    Ce calcul est imbécile dans la mesure où il ne compte que la colonne crédit des activités criminelles. Il ne tient pas compte au débit des coûts pour la société, par exemple le budget des services de police,  les soins de drogués, le préjudice subi par les prostituées contraintes d'exercer leur métier par les proxénètes trafiquants de chair humaine, l'entretien des prisons et les traitements des gardiens mais aussi -puisque le recel est comptabilisé- l'indemnisation des victimes de vol etc.

    2
    Dimanche 8 Juin 2014 à 12:08

    Vous avez tout à fait raison. La comptabilité a l'amour des colonnes et la colonne "entrées" est bien séparée de celle des "sorties". Mais quel est le bilan global ? Il y a des sociétés qui ne survivent que pas l'économie souterraine.

    3
    Dimanche 8 Juin 2014 à 12:31

    L'objectif est justement de tenter d'évaluer l'impact économique de l'économie souterraine.

    Les dépenses liées aux activités  illégales et criminelles ( dépenses de police, de soins, de justice, etc.) sont déjà enregistrées  dans les comptes publics.

    Doit-on pour autant y inclure les recettes du crimes et de la prostitution ?  Si on se place du point de vue des particuliers, on voit bien le problème qu'il y aurait à dire "mon voisin du premier travaille à la poste, il a 20.000 euros de revenus. Mon voisin du rdc est proxénète, il n' a pas de revenus".

    Il ne s'agit pas de légaliser le crime, mais d'évaluer ( de tenter de le faire) son impact sur l'économie. 

    Enfin... c'est comme cela que le néophyte que je suis comprend cette mesure !

    4
    Dimanche 8 Juin 2014 à 16:09

    Que l'UE tente d'évaluer l'économie souterraine est une chose mais qu'elle l'introduise dans le PIB d'un pays en est une autre, ce qui l'officialise et à la limite pousserait à la favoriser. L'évaluation est globale ce qui n'attribue pas un revenu "au voisin". Par contre il est arrivé à plusieurs reprises que le fisc réclame des arriérés d'impôt à un détenu pour trafic de drogues, ce qui tend à légaliser une activité illégale.

    5
    Dimanche 8 Juin 2014 à 16:14

    Il me semble que les prostituées paient des impôts et de lourdes amendes.. me trompais-je ?

    Tout cela est bien nébuleux.. vaudrait mieux que nos élus se préoccupent de trouver des solutions au chômage.. mais c'est un autre débat bien sûr.

    Le tableau de Toulouse-Lautrec est superbe. Merci

    Bon dimanche Dr WO

    6
    Dimanche 8 Juin 2014 à 17:24

    Je crois qu'elles sont imposées au titre de bénéfices non commerciaux (alors qu'elles font commerce de leur corps). Leur situation est particulièrement bancale en France.

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    7
    Dimanche 8 Juin 2014 à 17:56

    Quoi qu'on dise sur la logique qu'il y a à évaluer l'impact de l'économie souterraine, il n'en reste pas moins que l'intégrer au PIB est une aberration. Si, grâce à ce système, on en arrive à respecter la règle des 3% (il semble que ce soit le seul moyen qui nous reste), imagine-t-on Pépère se glorifier à Bruxelles de la bonne santé de l'économie française: "Les putes roumaines, les travelos brésiliens, les trafiquants de nos cités ont permis à la France de rentrer dans les critères de Maastricht; nous leur en sommes tous reconnaissants. Nous espérons faire encore mieux l'année prochaine en diminuant les opérations de police et en instituant la contrainte pénale. Et bienvenue aux touristes."

    Quant aux dépenses liées à la prévention et à la répression, ne peut-on dire qu'elles seraient moins importantes si cette économie souterraine n'était pas si florissante?

    8
    Dimanche 8 Juin 2014 à 18:02

    Votre titre appelle cette observation: les dessous du PIB ne sont pas très propres.

    Pas plus que ne le sont les pieds de la dame du tableau. Pour le reste, on ne voit pas bien: la technique de Toulouse-Lautrec n'est pas assez précise pour qu'on distingue le tréponème pâle.

    9
    Dimanche 8 Juin 2014 à 18:58

    Hollande remerciant les prostituées de leurs efforts serait assez pittoresque. L'élévation du PIB joue sur la croissance, et en effet plus le PIB s'élève plus les 3% augmentent et le déficit budgétaire admis aussi.

    En effet les pieds de la dame paraissent douteux, mais la cuisse et les bras aussi. Reste que la plante des pieds est toujours sombre. Le tréponème est trop pâle pour que l'on puisse le voir. smile

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