• Le virus de l'opportunisme

    "...Il y a, mine de rien, une tentation qui se profile chez quelques-uns de nos commentateurs et tribuns : oublier la souffrance des gens, se jucher sur les épaules des morts et des réanimés pour pousser leur chansonnette et prouver que l’on avait raison de fustiger les méfaits du libéralisme et du progrès – ah ! cette jubilation bonasse (mais, en réalité, cynique car se jouant sur le dos des victimes) pour saluer la « revanche » du réel sur l’« arrogance » des hommes et leurs « péchés » divers et variés ! 

    Et puis il y a, enfin, une niaiserie : l’idée que le virus serait intelligent ; qu’il aurait un message à délivrer ; et que ce virus-là en particulier, ce coronavirus, autrement dit ce virus couronné, ce roi des virus, serait investi, telle une ruse de l’Histoire hégélienne, d’un peu de l’Esprit du monde – comme si un virus pensait ! comme si un virus savait ! comme si un virus vivait ! s’il y a une chose, une seule, à savoir sur les virus c’est, disait mon maître, Georges Canguilhem, patron de l’école française d’épistémologie, qu’à la différence de la bactérie qui reste un être vivant, le virus n’est ni vivant ni mort et n’est, le plus souvent, que la radicalisation et la métaphore de l’être-pour-la-mort… 

    De cette pensée magique, de ce providentialisme noir et à la petite semaine, de ce catéchisme virologique, nul n’est tout à fait indemne. 

    Mais il y a deux familles intellectuelles et politiques où les dégâts sont considérables. 

    À gauche : ceux des écologistes, souverainistes et autres antimondialistes qui, donc, « l’avaient bien dit » ; ces J’vouslavaisbiendit trop heureux de nous rappeler qu’il fallait « sortir des traités » (Mélenchon) ! « produire français » et ne manger que des fruits de saison (Montebourg) ! se méfier des « marchés internationaux » (Philippe Martinez et les dix-huit autres signataires de l’appel « Plus jamais ça ») ! bref, ces médecins imaginaires (non plus « Le poumon, vous dis-je », mais « Le virus, vous dis-je ! ») qui ne veulent pas manquer le « rendez-vous » avec la pandémie, qui sont obsédés par le risque (cela s’est écrit !) de « rater la catastrophe » et qui nous saoulent avec leur fameux « jour d’après », cette version évangélique du Grand Soir d’autrefois, où rien ne devrait plus être « comme avant » – l’« avertissement de la nature » de l’un ! l’« ultimatum » de l’autre ! et, chez tous, cette servilité à l’égard du virus qui fait de la profession médicale, qui n’en demandait pas tant, une caste sacerdotale consacrée au nouveau rituel !

    À droite : telle église pentecôtiste américaine qui voit le Covid-19 comme un jugement de Dieu, un reckoning, punissant ceux des États qui ont légalisé l’avortement et le mariage pour tous ; tel évêque français, Mgr Aillet, à Bayonne, expliquant, dans une église vide, que « Dieu utilise les peines qui nous frappent » pour que nous en tirions des « leçons de conversion et de purification » ; telle ancienne ministre, Mme Boutin, tweetant que « nous savions tous que quelque chose allait se passer » et qui jubile, elle aussi, de voir la planète, gentille maman, nous faire enfin panpan cucul ; tel prêcheur islamiste, Hani Ramadan, frère de son Frère, pour qui le coronavirus est le fruit de nos « turpitudes » et apparaît comme un rappel à l’ordre de la morale et de la charia ; sans parler des dirigeants qui, comme Viktor Orban en Hongrie, bondissent sur l’occasion et interprètent, eux aussi, le marc de café nanométrique de la moderne idole coronale pour nous sortir, comme on sort du bois, les éléments de langage de leur reprise en main illibérale…" 

    C'est un extrait de la chronique de Bernard-Henri Lévy parue dans Le Point d'aujourd'hui et avec lequel je suis d'accord. Il dit mieux les choses que je ne les aurais dites. Non pas que les déclarations des opportunistes soient forcément fausses, mais attribuer la preuve de leur éventuelle justesse au covid-19 et profiter de l'épidémie pour se grandir et même se réjouir me semble indécent. Les idéologues ne recherchent aucune preuve de la véracité de leur idéologie dans les milliers de morts provoqués chaque année par la grippe, mais une épidémie virale inhabituelle en devient une. Or depuis quelques années les épidémies virales venant d'Asie se succèdent. Si les précédentes ont peu touché l'Europe, les prochaines risquent fort de le faire régulièrement comme elle fut touchée jadis par la peste qui fut toujours interprétée par nos ancêtres comme un signal, le plus souvent divin. On y ajoute aujourd'hui le bien fondé de ses opinions aussi profanes et décalées soient-elles.

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 23 Avril 2020 à 17:23
    Ça n'a évidemment rien à voir avec je ne sais quel châtiment divin mais ça ne doit pas nous empêcher de repenser cette mondialisation dont les méfaits sont bien réels :
    - pollution des océans
    - chômage de masse et destruction des classes moyennes
    - dépendance à la Chine
    Etc, etc... La liste est longue.
      • Jeudi 23 Avril 2020 à 17:46

        Ces constations sont indéniables et il n'y a pas besoin du covid-19 pour le constater. Ce virus (ou les autres ) n'en est pas une preuve. Je pense qu'il ne faut pas attribuer à la mondialisation tous les maux. Le rétablissement des frontières n'éviterait pas par ex. la pollution des océans et aurait d'autres inconvénients. Reste que la désindustrialisation de la France a bien été mise en évidence par cette pandémie par rapport par ex. à l'Allemagne, et nous nous trouvons dans une position de pays sous-développé avec la honte de voir que d'autres pays, dont le Maroc, ne manquent pas de masques et qu'en Pologne les masques sont disponibles dans des distributeurs automatiques comme le sont les préservatifs.

    2
    Jeudi 23 Avril 2020 à 18:12

    Inutile de préciser que je suis totalement d'accord et que j'espère toutes les crapules démagogiques qui utilisent la souffrance des gens pour tenter de nous refourguer leur programmes de merde seront remerciées par les électeurs comme ils le méritent, par un énorme coup de pied au cul électoral.

     

    PS : BHL étant considéré par beaucoup de gens sur le net comme l'archétype du juif sioniste mondialiste cosmopolite sarkozyste marcroniste, bref comme "un homme à fusiller, mais dans le dos" comme disait Maurras, j'attends avec une grande impatience les commentaires de votre article yes

     

      • Jeudi 23 Avril 2020 à 18:21

        Je sais que BHL n'est guère prisé (euphémisme) sur la blogosphère. Pour ma part j'ai la faiblesse de ne pas rejeter a priori ce que les gens disent ou font; je suis sensible aux arguments et aux faits.

      • Jeudi 23 Avril 2020 à 18:44
        Ben il faut dire qu'un homme qui intitule son site "La règle du jeu" (genre c'est moi qui la fixe) ne fait pas grandgchose pour se faire apprécier...
        II est d'une arrogance et d'une prétention !
        Et ça n'a rien à voir avec sa religion réelle ou supposée.
      • Jeudi 23 Avril 2020 à 18:53

        Il est  vrai qu'il a des travers qui expliquent sa mauvaise notoriété. Il est vrai aussi qu'il a parfois raison mais son message est toujours déprécié par son égo.

    3
    Orage
    Jeudi 23 Avril 2020 à 18:34

    Une niaiserie? Il en a tellement dites, de niaiseries qu'on pourrait nommer autrement que pour une fois qu'il est lucide... A-t-il arrêté de sniffer pour un temps?

      • Jeudi 23 Avril 2020 à 18:47

        Considérer que le virus a une volonté quelconque est en effet une niaiserie. Il faut toujours saluer la lucidité surtout si vous estimez qu'elle est exceptionnelle.

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    4
    Jeudi 23 Avril 2020 à 22:14
    Raboliot

    BHL a signé le texte.
    Mais il a une armée de grouillots à son service.
    Cette fois-ci, BHL a trouvé un grouillot doué, pour sa petite chronique.
    Les naïfs se laissent souvent tromper par cet imposteur.

      • Jeudi 23 Avril 2020 à 22:36

        Bien sûr, j'ignore ce qu'il en est et je suppose que vous avez les preuves de ce que vous avancez. L'utilisation d'écrivains fantômes pour des livres, c'est courant, mais pour une simple chronique... J'ai lu les premiers livres de BHL qui ne manquaient pas d'intérêt, sauf le seul roman qu'il ait écrit (à ma connaissance) et qui n'en avait aucun.

    5
    Souris donc
    Vendredi 24 Avril 2020 à 08:20

    Deux familles intellectuelles et politiques où les dégâts sont considérables : A gauche les écologistes..., à droite les églises.

    Jérôme Fourquet :

    Le discours écologiste fonctionne comme une religion.

    Un certain nombre de références chrétiennes sont mobilisées dans ce discours : le péché originel et la nécessité d'expiation de la faute, le jardin d'Eden en voie de destruction, le motif du prophète surgissant pour répandre la parole révélée (ici incarnée par Greta Thunberg) etc. Le propre des religions réside dans leur aptitude à produire des normes devant être suivies par les fidèles. Et les écologistes en produisent énormément, notamment sur la question alimentaire, avec l'idée que cela sauvera la planète et contribuera à la rédemption de l'humanité. Les thèses écologistes sur l'effondrement renvoient en outre à une vieille croyance millénariste qui se réveille aujourd'hui dans les nations occidentales.

    (13 mars, FigMag)

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