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Le marché aux maîtres
On s’était aperçu que changer de camp, passer d’un parti à un autre n’était pas simple. Or, comme les convictions étaient devenues secondaires, les actions des uns pouvaient être approuvées par les autres et les opposants auraient sans doute fait la même chose s’ils avaient été aux affaires, même s’ils étaient dans l’obligation de dire le contraire.
Pourtant, passer dans le camp opposé était mal vu : le camp que l’on quittait traitait le transfuge de traître et le camp qui l’accueillait le traitait d’intrus car il usurpait une place que les fidèles auraient aimé occuper, si bien que l’on confiait au transfuge les actions les plus extrêmes et les plus impopulaires.
Le Congrès se réunit afin de clarifier et de simplifier les choses. Les élus de la nation décidèrent d’innover, avec un courage digne d’éloges, en créant un marché aux maîtres à l’image d’un marché aux esclaves.
Chaque année eut lieu une exposition à la Porte de Versailles où chaque parti devait montrer les hommes et les femmes politiques susceptibles d’être cédés. Exposés sur l’estrade à la vue de tous, ils devaient être à leur avantage, maquillés, costumés, un maroquin sous le bras. Il était demandé à chacun de prononcer un bref discours en utilisant la langue de bois et de répondre sans rien dire à quelques questions des journalistes présents.
Le parti au pouvoir était certes avantagé, il avait plus à proposer aux transfuges que le parti dans l’opposition, mais il avait aussi intérêt à se débarrasser de quelques exemplaires dont il ne savait que faire, et les opposants pouvaient leur donner l’espoir des plus hautes fonctions au moment de l’alternance. En fait, l’essentiel des transactions se faisait sous la forme de trocs : un politicien contre un autre, sachant que chacun d’eux pouvait changer de discours à la demande.
Le marché aux maîtres donna à la politique plus de souplesse, plus d’ouverture, moins d’hypocrisie et d’agressivité, car il s’avéra qu’un transfuge sommeillait dans chaque politicien et que quel que soit son sexe, c’était avant tout une personne à tout faire, même quand elle ne faisait rien.
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Commentaires
Vous êtes sûr que c'est une fable ? J'ai comme une impression de déjà vu ou entendu...Edgard Faure disait à ceux qui lui reprochaient de tourner comme une girouette : "ce n'est pas moi qui tourne, c'est le vent"
Dr WOCe texte est magnifique... tout y est dans l'analyse de notre politique actuelle
Je l'ai lu deux fois, puis une à voix haute...
Vous êtes génial...Beau billet Doc, et belle analyse de nos politiques
Ce ne sont que des opportunistes :les champions de l’anémotropisme….. !
Bonne journée
Bizzzzzzzzzz
ZAZAEt si les maîtres eux-mêmes changent de camp, qu'est-ce qui se passe ?Ils entraînent les petits maîtres avec eux, en affirmant qu'ils restent droits dans leurs bottes.
Dr WO13leonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:23Le peuple? la aussi il y a de la girouette.14leonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:23Dans toute cette mascarade on trouve tout un petit monde qui : change de veste, retourne sa veste, se prend une veste etc... mais qui mouille sa chemise?
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Ce sont les politiciens qui en font le moins qui sont les plus appréciés par le peuple qui voit dans leur immobilité un signe de bienveillance.