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Laïcité à la russe
Le Courrier international rapporte la teneur d’un article du journal russe en ligne : Gazeta.ru qui relate la mésaventure survenue à un internaute de 38 ans habitant le sud de la Russie. Il fut surpris quand deux enquêteurs vinrent sonner à sa porte car il ignorait qu’il était visé par une enquête au pénal à la suite de deux commentaires qu’il avait postés, six mois plus tôt, en octobre 2014, sur un réseau social russe.
Dans une discussion sur une page dédiée aux habitants de la région de Stavropol, cet internaute dénommé Krasnov avait écrit que la Bible n’était qu’un “recueil de contes juifs” et que “Dieu n’existe pas”.
L’ennui est que deux de ses interlocuteurs, croyants orthodoxes, s’empressèrent de déposer une plainte au pénal pour avoir osé nier l’existence de Dieu.
« L’instruction a recours à l’article 148 du code pénal russe, qui punit d’une amende, de travaux d’intérêt général ou d’un an d’emprisonnement “l’insulte aux sentiments religieux des croyants”. Cet article a été ajouté au code pénal russe à la suite de l’affaire Pussy Riot, un groupe de militantes féministes qui se sont fait remarquer par une “prière punk” dans la principale cathédrale à Moscou en 2012.
A l’époque soviétique, c’est la croyance en Dieu qui avait mauvaise presse et était poursuivie, mais dans un esprit de continuité et de constance, les méthodes répressives sont restées semblables : l’internaute athée a été placé de force dans un hôpital psychiatrique pour une expertise, qui l’a reconnu tout de même sain d’esprit. Puis ses propos ont été soumis à une expertise linguistique ( ?), qui conclut que ceux-ci “revêtent un caractère offensif vis-à-vis des chrétiens orthodoxes et ont pour objectif de bafouer les sentiments religieux des croyants”.
Donc, dans un premier temps, affirmer l’inexistence de Dieu pouvait être considéré comme un signe de folie. Cependant être traité de fou par des fous n’est-il pas un signe de bonne santé mentale ?
Notons qu’il est impossible par le raisonnement de démontrer l’existence de Dieu ; c’est une croyance. De la même façon, il est impossible de démontrer l’inexistence de Dieu, l’athéisme est donc également une croyance. En tant que croyance, l’athéisme devrait logiquement être respecté comme les croyances religieuses.
Par une coïncidence que je trouve amusante (chacun s’amuse comme il peut), sur la paroi du wagon de métro où je me trouvais ce matin, j’ai remarqué en face de moi cette inscription au feutre que je n’ai pas pu prendre en photo en raison d’une tête malencontreusement interposée :
Jean-Paul Sartre 1907- 1987
« L’absence de Dieu
est plus divin que Dieu »
Je ne garantie pas l’exactitude de la citation car JP. Sartre est né en 1905 et est mort en 1980.
Dessin de Geluck
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Commentaires
J'ignore si la citation du métro est de Sartre mais elle correspond assez bien à votre première citation.
Le contraire d'une croyance n'est pas une autre croyance, car cela mettrait sur le même plan le croyant et l'athée alors que l'un se fonde sur la foi et l'autre sur la raison. Dans le monde occidental, nous subissons le poids de la tradition (ou de la culture) en accordant, parmi toutes les croyances de l'Humanité, une importance particulière à la croyance en Dieu (je parle de celui dont on dit qu'il est le même) des juifs, des chrétiens et des musulmans. Oublions Dieu et parlons d'une autre croyance: le Père Noël qui, pour les enfants -mais ne sommes-nous pas les enfants de Dieu? - est une croyance. Ne pas croire au Père Noël, est-ce une croyance? A l'évidence, non. On pourrait faire la même comparaison avec la croyance aux fantômes, à l'homéopathie, à l'astrologie, aux voyants, aux propriétés du nombre 13, de la patte de lapin ou du fer à cheval etc.
Le rapprochement entre Dieu et le Père Noël me plait bien, mais serait considéré comme particulièrement hérétique pour un croyant. La différence vient du fait que le Père Noël est une invention collective perçue comme telle par les adultes qui en sont les promoteurs, et dont les enfants sont pour un temps les croyants sincères.
Les monothéismes sont des croyances liées à une révélation perçue et affirmée par un seul individu et adoptée par une collectivité et certains cherchent par la suite à retrouver cette révélation (miracles, transes etc...). Le prophète est le seul témoin de la révélation et les autres ne font que croire en elle en s'appuyant sur le récit historique et/ou légendaire mais sans la moindre preuve de sa véracité.
Mais affirmer de façon formelle qu'il n'existe aucune transcendance est aussi fragile que d'affirmer qu'elle existe. C'est un domaine hors de la raison. Avec ou sans Dieu, le monde n'a aucune raison d'être. Cette immensité est fondamentalement absurde et particulièrement vide, de l'atome à la galaxie.
J'ajoute que pour les croyances superstitieuses que vous citez on peut démontrer statistiquement leur absurdité. On sait que l'homéopathie ne fait pas mieux qu'un placebo, mais on sait aussi que la croyance peut avoir un impact sur le fonctionnement cérébral.
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Étonnante cette anecdote, Doc.
C.Q.F.D. dans l'avant dernier de votre billet. Quant à la phrase que vous avez lu dans le métro, je doute qu'elle soit de Jean-Paul Sartre.
J'en connais deux qui affirme son athéisme
– “L’absence de Dieu n’est pas la fermeture, c’est ouverture sur l’infini”
– “Dieu, c’est la solitude des hommes… Si Dieu existe, l’homme est néant”
Bonne soirée à vous.