• La dictature de papier

    La dictature de papier

    On a vu des manifestants brandir des petites pancartes accusant l’Etat français d’être une dictature, venant ainsi compléter celles qui, ailleurs, l’accusaient d’être raciste, brandies par des antiracistes dont le trait dominant est d’être racistes. L’Etat français serait donc une dictature raciste. Est-ce vraiment le sentiment ressenti par tous ces brandisseurs de pancartes ? Sont-ils débiles ou incultes ? Ils sont plus vraisemblablement malhonnêtes.

    Les esprits totalitaires ou unidirectionnels ont une propension irrépressible à vider les mots de leur sens et à utiliser un langage inversé à l’appui de leur cause. On appelle ça de la propagande, c’est à dire un discours péremptoire contraire à la vérité, mais qui finit par faire douter d’elle. Goebbels avait été assez remarquable pour inverser le sens des mots. On a eu l’effroyable « le travail rend libre » à l’entrée de l’abattoir d’Auschwitz, mais aussi les démocraties populaires qui n’étaient ni démocratiques, ni populaires. Tous ceux qui prétendent parler au nom du peuple finissent par utiliser un langage inversé pour masquer les crimes à son égard.

    Le brandisseur de pancarte accusant Macron d’être un dictateur se rend bien compte que sa durée de vie serait plutôt brève s’il manifestait dans une authentique dictature. Il serait bien embarrassé si on lui demandait combien de prisonniers politiques sont aujourd’hui dans les geôles en France, combien parmi eux ont été torturés, combien d’opposants ont été assassinés, combien de manifestants ont été tués par balles réelles, combien d’élections ont été manipulées et combien d’entre elles n’ont eu qu’un seul candidat autorisé à se présenter. Car tous les dictateurs tiennent à se revêtir des oripeaux du démocrate.

    Comme les brandisseurs de pancartes dans les démocraties tiennent à revêtir les oripeaux des révolutionnaires. Alors il faut inventer une dictature pour jouer aux dissidents ou aux insoumis, car sans elle où est la dissidence, où est l’insoumission ? Certes, le jeu est sans risque, mais au moins revendiquer le statut de dissident ou d’insoumis, même si ce n’est que pour acquérir une stature de papier à l'abri des flammes.

    Illustration Yue Minjun

    « !?Quand le bâtiment va, tout s’en va »

  • Commentaires

    1
    Samedi 25 Janvier 2020 à 19:23
    Pangloss

    Si vous crevez les baudruches, vous risquez d'être accusé de sympathies fascistes.

      • Samedi 25 Janvier 2020 à 23:13

        Si les nostalgiques du fascisme sont toujours à l'extrême droite, les comportements fascistes semblent avoir sérieusement touché les agités de l'extrême gauche, qui en effet n'admettent pas la contradiction

    2
    Samedi 25 Janvier 2020 à 21:10

    Je souscris entièrement à cette analyse. Et si on a pu croire à un moment qu'il était possible de discuter avec l’extrême droite "modérée" (Marine) et l’extrême gauche "modérée" (Jean-Luc) , on comprend à nouveau aujourd'hui pourquoi c'est impossible : parce que ce n'est pas seulement sur les valeurs qu'on n'est pas d'accord, mais aussi sur les faits.

      • Samedi 25 Janvier 2020 à 23:16

        Les extrémistes tordent toujours la réalité dans le sens qui leur convient.

    3
    Dimanche 26 Janvier 2020 à 11:37

    Il est évidemment abusif de parler de dictature sans tempérer l'expression par des qualificatifs tels que "molle", "soft" ou "modérée", comme il existe des musulmans modérés, extrémistes, radicalisés ou déséquilibrés. Et donc de parler de "dictateur"...

    Tout au plus pourrait-on parler d'un petit tyranneau de province, la France considérée comme une province de l'Union Européenne et du Monde Nouveau. L'irrésistible ascension du candidat Macron, telle que décrite par "Parker-Pointu" -en tant que "manipulation" d'élection- (voir dans mon article y consacré), ne pouvant déboucher que sur ce genre de situation. Evidemment sans chars dans les rues ni d'exécutions sommaires au petit matin.

    Ou alors, il s'agirait d'un gros bêta qui fait rien que des bêtises, la dernière en date étant un parallèle (forcément mal interprété par tout le monde) entre la guerre d'Algérie et la Shoah. Ce qui pourrait n'être pas mieux.

    Et il va sans dire et aussi en le disant que évoquer le destin de Louis XVI ou de J.F. Kennedy même pour rigoler comme le font certains est du niveau -100 de la réflexion et de l'argumentation, et donc de l'intelligence ou de la prétention à l'intelligence politique.

     

      • Dimanche 26 Janvier 2020 à 11:50

        Que Macron dise et fasse des bêtises dont certaines peuvent heurter le bon sens  et avec lesquelles on peut être en désaccord est une chose, mais vider les mots de leur signification est toujours dangereux (la dictature en France n'est ni dure, ni molle, elle n'existe pas). Je pense que la violence qui se déchaîne contre lui et les institutions qu'il représente n'est pas anodine. L'Histoire a montré que cela se termine parfois très mal. Il est licite et même sain de s'opposer mais pas de détruire.

      • Dimanche 26 Janvier 2020 à 15:36

        En fait, tous ceux qui pensent qu'il faut changer l'eau du bain (pour le bien-être du bébé) s'entendent toujours répondre "oui, oui, je suis d'accord, il faut jeter l'eau du bain... et le bébé avec !" smile

      • Dimanche 26 Janvier 2020 à 15:50

        Et parfois le bébé s'appelle démocratie jetée en réclamant, bien sûr, plus de démocratie.

    4
    Lundi 27 Janvier 2020 à 17:13

    Cette violence m'inquiète car, comme vous, je ne la trouve pas anodine. Elle me semble d'autant plus inquiétante qu'elle ne relève d'aucune logique, d'aucune réalité tangible. Malgré ses maladresses et ses erreurs Macron ne mérite pas ce déferlement de haine. J'ai l'impression d'assister à un lynchage en règle et je n'aime pas ça ; pour personne ! 

      • Lundi 27 Janvier 2020 à 18:30

        Ces derniers mois, les Français semblent avoir perdu la raison, une déraison dangereusement encouragée par des politiques irresponsables.

    5
    André
    Dimanche 2 Février 2020 à 00:18

    Pas besoin d'avoir un régime coercitif, parce que la dictature s'est "diluée". Il n'y a plus de grands despotes, mais des dictateurs au petit pied parce que la dictature commence d'abord par la dictature de la pensée. Or, qui sont ces petits dictateurs? Ceux qui appartiennent au camp du 'Bien". Il y a toujours un petit flic qui sommeille chez eux. Il n'y a pas besoin d'avoir un régime du genre "1984" car ce qui, à mon avis, semble se développer de plus en plus, c'est le modèle "Le meilleur des mondes". Réalité virtuelle, conditionnement, et bientôt le clonage reproductif (dans le roman: la "bokanowskisation"), une société hiérarchisée allant des "Alphas" (les dominants) jusqu'aux "Epslion  semi avortons" (le sous-prolétariat), la prochaine léglisation du cannabis (d'abord "thérapeutique" puis, pourquoi pas, le cannabis non trafiqué en attendant les autres drogues) , tout est dedans. La dictature avec acceptation tacite parce que non coercitive, mais terriblement séductrice parce que jouant avec les faiblesses et les paresses de l'être humain, c'est ce qui nous pend au nez.

      • Dimanche 2 Février 2020 à 09:46

        Vous avez raison. En dehors du despotisme dont il existe quelques exemples sur la planète, il existe ce que l'on pourrait appeler le "formatage" qui tente de réduire l'espace de liberté de chacun dans ses actes et son expression publique. Mais ce "formatage" est un des principes de la vie en société, sans le respect de règles et donc des abandons de sa liberté, ce serait la "loi de la jungle". Tout dépend de la rigueur de ces règles et du consensus pour les respecter. Nous assistons en ce moment, d'une part à une tyrannie des minorités où les groupes les plus bruyants imposent leur point de vue à la majorité, d'autres part à une tyrannie de la technologie qui nous impose insidieusement un mode de vie malgré nous.

      • Dimanche 2 Février 2020 à 09:53

        Bien entendu ce "formatage" existait dans le passé avec en particulier le cadre rigoureux du christianisme et celui très sévère des classes sociales.

    6
    André
    Dimanche 2 Février 2020 à 12:35

    Le formatage vient surtout des élites et des classes dirigeantes, pour assurer la survie et la perpétuation de leur caste. La technologie, les techniques ne sont que des moyens. Celui qui possède la technique, le savoir, le savoir-faire est gagnant. Autrefois, c'était la noblesse, puis quand celle-ci est devenue décadente, elle a été remplacée non pas par le "peuple", c'est à dire les "sans-culottes" ou les "sans-dent", mais par la bourgeoisie, celle qui a pu s'enrichir et prendre les leviers de commande. La base, elle, a toujours suivi ceux qui la dirigeaient. Ca permettait peut-être de maintenir une certaine "paix sociale", pendant un bon bout de temps, parce qu'avec le pouvoir économique, la bourgeoisie possède le pouvoir politique et le pouvoir médiatique. Aujourd'hui, cette caste fait tout pour se maintenir, y compris à semer la confusion, le désordre et le chaos pour se maintenir au pouvoir et pour cela, elle a intérêt à abêtir les masses, susciter les plus viles passions, soutenir et entretenir les groupes les plus subversifs et regarder.  La paix sociale ne se fait que par l'accord tacite et la collaboration du plus grand nombre. Si les masses se mettaient à réfléchir, à se cultiver et à s'instruire, les beaux jours de la classe dirigeante seraient comptés parce que plus personne ne voudrait collaborer avec elle. Or, on n'a jamais eu autant l'occasion de se cultiver et de s'instruire. Les livres ne sont plus des objets de luxe et grâce au net, on peut accéder plus facilement aux informations. Le tout, c'est de donner envie de se cultiver et de s'instruire au lieu de se divertir. Mais ça, personne ne peut le faire à notre place.

      • Dimanche 2 Février 2020 à 17:00

        C'est le moteur de l'histoire : le dominé cherchant à prendre la place du dominant qui cherche à se maintenir à cette place. Votre commentaire laisse supposer un plan prémédité dans le but d'abêtir les masses : technologie abrutissante, création du chaos. Je pense que c'est aller un peu loin en faisant surgir le spectre du complot. La technologie a d'abord pour but de faire gagner de l'argent aux entreprises qui la possède plus qu'un but politique. La domination est surtout économique, même si elle peut passer par une domination de la pensée pour y parvenir..

    7
    André
    Dimanche 2 Février 2020 à 18:10

    Je ne sais pas s'il y a au départ volonté délibérée et un plan mis en oeuvre depuis un bon bout de temps, ce qui effectivement laisserait penser à un complot, ou si les choses se sont faites "naturellement", par la force des choses. Le chaos était-il programmé depuis longtemps ou est-il la conséquence d'une certaine décadence de ceux qui étaient sensés être les meilleurs? On ne le saura pas et vous avez raison d'en appeler à la prudence.  Le constat reste le même, malgré tout. Mais je reste persuadé qu'il n'y a que l'information, l'instruction, la réflexion comme remède à tout ce chaos.

      • Dimanche 2 Février 2020 à 18:46

        Dans l'évolution historique les paramètres sont trop nombreux pour penser à un plan d'ensemble. Ce qui n'exclue pas une volonté humaine comme moteur de certains évènements de grande ampleur comme ce fut le cas pour Hitler ou Lénine, même si leur apparition est le résultat d'une situation à multiples facteurs. La culture d'une population est évidemment importante, mais elle n'est aucunement un frein au chaos. La barbarie d'une bonne fraction de la population allemande s'est épanouie dans le pays le plus cultivé d'Europe.  

    8
    André
    Dimanche 2 Février 2020 à 19:49

    La rencontre de certains individus doté d'une forte volonté et de circonstances favorables... Sans aucun doute.

    Je crois me souvenir que c'était Adolf Hitler qui disait dans un de ses discours "oui, nous voulons être des barbares". Et puis il y a eu aussi des autodafés et pourtant, l'Allemagne, comme vous le soulignez, était un pays plutôt cultivé. Les plus barbares, c'étaient, si je ne m'abuse, les plus fanatisés, ceux qui étaient dans les troupes de choc ou dans les camps de concentration. Le reste de la population, quand elle n'a pas activement collaboré, a laissé faire. A titre individuel, certains n'étaient peut-être pas des barbares mais d'un point de vue collectif, il y avait bien une organisation systématique de la barbarie. On aurait intérêt à mieux étudier l'histoire et se pencher sur certains faits historiques si on veut comprendre l'actualité et si on veut éviter de répéter les mêmes erreurs.

    Le plus inquiétant, pour moi, c'est que cette barbarie, cette sauvagerie, semble se développer de plus en plus individuellement. Nous avons une histoire et une culture aussi riche que celle des autres pays mais qui s'en soucie encore? C'est surtout le manque de réflexion qui met les individus et les collectivités en danger, les facilités, le divertissement, l'oubli de la transmission, le nombrilisme et ne vivre que dans le moment présent.

      • Dimanche 2 Février 2020 à 20:46

        Je crains que fondamentalement l'homme est resté un barbare, il suffit que l'occasion se présente pour qu'il le redevienne et notamment lors du changement des normes de la société. Cette vision pessimiste est heureusement tempéré par l'existence de justes comme remparts de la civilisation.

    9
    André
    Dimanche 2 Février 2020 à 20:00

    Une autre réflexion qui me vient à l'esprit: pourquoi, de nos jours, le débat d'idée n'est plus possible, pourquoi le terrorisme intellectuel a pris autant d'importance, pourquoi a-t-on l'impression d'avoir de plus en plus affaire à des fanatiques? Sûrement par manque de réflexion. C'est la porte ouverte à toutes les idéologies, et donc à tous les fanatismes. C'est pour cela que l'instruction et la culture sont fondamentaux. Mais tout ça n'est pas suffisant, il faut des esprits suffisamment éclairés, qui ont poussé suffisamment loin leurs réflexions pour qu'ils puissent aussi éclairer les autres, pour qu'ils nourrissent leurs réflexions personnelles. Or de telles personnes sont de plus en plus rares, d'où mon obsession depuis le début de ce post: plus il y aura d'individus qui sauront se cultiver et surtout réfléchir, mieux on sera à même de résister à cette barbarie qui monte petit à petit. Mais ça n'est que mon avis, après tout.

      • Dimanche 2 Février 2020 à 20:55

        Je salue votre foi en la culture. Cependant, beaucoup de bourreaux ont été et sont cultivés. A côté des bourreaux nous avons eu leurs complices aveugles que furent les grands intellectuels (Sartre, Aragon etc...) en soutien à des criminels comme Staline, Pol Pot ou Mao, et nous avons toujours des gens cultivés en soutien à l'autocratie cubaine ou au régime du Venezuela. J'ajoute, à l'inverse, que les esprits éclairés ne manquent pas aujourd'hui, mais les idéologies sont bien plus puissantes que le bon sens.

    10
    André
    Dimanche 2 Février 2020 à 21:10

    "Je crains que fondamentalement l'homme est resté un barbare".

    Tout juste. J'en suis de plus en plus persuadé. Ah, ça donne une bonne baffe à ceux qui pensent que "l'homme est fondamentalement bon et que c'est la société qui le corrompt" mais il faut se rendre à l'évidence. Observez le comportement des gamins dans une cour de récréation et vous avez un petit aperçu de ce dont peut être capable un être humain. Pour moi, l'être humain ne peut faire autrement que de s'élever au dessus de la "nature", sous peine de rester barbare. C'est en s'affranchissant des contraintes de la "nature" qu'on se civilise et ça vaut aussi bien pour les individus que pour les sociétés. Autrement dit, être un être humain digne de ce nom demande à ce qu'on reste actif et qu'on ne se contente pas de se la couler douce et qu'on vive comme un petit animal. Ou comme un petit enfant (et ça rejoint un autre de mes commentaires, mais je crains de me répéter).

      • Dimanche 2 Février 2020 à 22:52

        C'est Rousseau qui pensait que l'homme est bon mais perverti par la société. A mon humble avis, c'est exactement l'inverse : la société dresse des règles qui tentent de faire vivre les hommes ensemble.

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    11
    André
    Dimanche 2 Février 2020 à 21:40

    "Cependant, beaucoup de bourreaux ont été et sont cultivés. A côté des bourreaux nous avons eu leurs complices aveugles que furent les grands intellectuels (Sartre, Aragon etc...)"

    J'ai peut-être du mal à m'exprimer et vous faites bien de me corriger. La culture n'est pas une fin en soi mais sans la culture, l'éducation, l'intelligence, la réflexion, est-on un être humain digne de ce nom? Je conçois la culture, l'éducation, l'intelligence en relation avec le côté pratique des choses. Ces gens que vous citez étaient peut-être cultivés, mais cette culture avait-elle des applications pratiques? Je pense plutot qu'ils étaient séduits par une idéologie mortifère. Mais qui est à l'origine de cette idéologie? Je crois savoir que Karl Marx, qui a écrit sur les ouvriers et les prolétaires, n'en a jamais vu un de sa vie et n'a jamais travaillé de ses mains. C'est le côté pratique qui donne toute sa valeur à la culture. Je ne sais pas dire autrement, je suis peut-être encore un peu confus dans mes idées, mais vous, comment voyez-vous les choses?

      • Dimanche 2 Février 2020 à 23:01

        Beaucoup d'idéologies en elles-mêmes paraissent séduisantes, mais les idées se heurtent à la réalité, c'est à dire à leur application par des hommes imparfaits qui finissent presque toujours par voir que leur propre intérêt. Ces intellectuels n'ont vu que les idées, négligeant la façon dont elles étaient appliquées ou pire ne voulant pas la voir.

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