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Grain de sel sur l'art
A propos de mon billet sur Basquiat (« Basquiat était-il un génie ? ») un ami blogueur (Âne debout) pose la question de la définition de l’art. A cette question, qui a été l’objet de beaucoup de littérature, je ne pense pas que l’on puisse répondre dans l’absolu, comme on ne peut pas répondre à la question : qu’est-ce qui est beau ?
Chacun a son idée sur l’art, chacun a ses critères pour le définir, aussi vais-je tenter de donner mes trois critères qui n’ont rien d’originaux et qui ne sont sûrement pas valables pour tout le monde.
Il y a d’abord le savoir-faire, le côté artisanal de l’art, celui qui necessite un apprentissage, un travail et comme le disait Brassens : « le don sans technique n’est qu’une sale manie ». Le peintre doit apprendre à dessiner, à faire ses couleurs, le sculpteur doit apprendre à tailler et à maîtriser la matière, le danseur doit maîtriser son corps et obéir à une chorégraphie, le musicien doit travailler de longues heures sur son instrument ou sur les finesses de la compostion.
Ensuite arrive l’œuvre elle-même, le résultat de ce travail et en donnant trois exemples, je vois trois possibilités (pour se limiter à la peinture) :
Soulages peint des tableaux entièrement noirs, on peut aimer ou ne pas aimer, mais il y a là un savoir-faire et un travail qui en font des œuvres d’art, le noir devenant autre chose que la négation de la lumière.
Andy Warhol a peint des boites de soupe, il y a là un travail, mais est-ce de l’art puisque ces œuvres ne dépassent pas le niveau d’une affiche publicitaire plutôt médiocre et sans aucune transcendance du réel ?
Et je crois que l’on ne peut plus parler d’art lorsqu’il n’y a pas d’œuvre, car il arrive que l’on expose des non-œuvres : une toile blanche, un morceau de bidoche, un bidet ou des excréments où il y a plus de perversion ou de provocation que de savoir-faire.
Enfin, il y a le ressenti du spectateur ou l’auditeur, celui-ci a sa définiton de l’art et des émotions personnelles devant une oeuvre qui viennent de son vécu, de son éducation, des influences qu’il subit, de son snobisme, de son intérêt personnel s’il doit vendre ou acheter, tous ces facteurs vont jouer dans son jugement. C’est un niveau indéfini et éminemment variable. Si quelqu’un vous dit qu’il ressent un émotion devant une toile blanche ou une merde, on ne peut que s’incliner, mais ressentir une émotion devant une non-œuvre me semble suspect, c’est ce type de jugement qui, dans l’art contemporain, a transformé rien en quelque chose, contribuant à la dégradation de l’art mais en permettant un commerce lucratif de la nullité.
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Commentaires
Moi j'ai une définition très large et je considére qu'une oeuvre d'art est une création humaine que son auteur (ou quelqu'un d'autre) a qualifié d'oeuvre d'art. Si César fait une compression et dit "ceci est une oeuvre d'art" ca devient une oeuvre d'art. S'il avait dit "ceci un détritus à jeter à la décharge" le même objet ne serait pas une oeuvre d'art.
Ce que je refuse, par contre, c'est qu'on me dise qu'il y a de l'objectivement beau (ou émouvant ou interpellant)! qu'on me dise qu'une oeuvre est objectivement géniale, et qu'il n'y avait pas de discussion possible, comme s'il fallait l'aimer malgré moi et qu'en la matière il n'y a pas d'opinion, de goût et de sensibilité possible.Bonjour Paul...La question de l'art se pose à toutes les éqoques...L'art étant subjectif, il répond à une attente, à une morale, à une mode...La peinture et la sculpture ont subie des modifications, des changements voire des pressions tout au long des siècles...L'artiste répond lui-même à plusieurs contraintes dont celle de vivre, ce qui l'oblige souvent à être en dehors de son art, à chercher une voie qui pourrait attirer les regards sur son oeuvre...Au fond, l'art, comme l'homme, manque cruellement de liberté. @ bientôt, TibicineIl y a une confusion au départ sur la définition du mot, c'est à dire entre "art" et "beaux-arts". L'art est une contrainte imposée à la nature des choses. Voir l'expression "dans les règles de l'art" ou se souvenir que la médecine est un art. Les beaux-arts contraignent à la fois la nature des matière utilisées et la Nature à laquelle ils imposent une organisation dans le but de mettre en évidence un de ses éléments. Ce peut être la beauté comme à certaines époques ou une interprétation du monde ou de l'actualité. Certains tableaux de Goya, par exemple, ne sont pas "beaux" et le peintre ne les a pas peints pour qu'ils le soient. Ils n'en sont pas moins ds "oeuvres d'art".L'oeuvre de Cesar répond à mes deux premiers critères. Que quelqu'un affirme que ce qu'il montre fait partie de l'art est un argument discutable. Le ressenti est personnel et devrait être sincère mais il est influençable (ne serait-ce que par l'éducation). Les critiques ont leur rôle en particulier pour découvrir de nouveaux talents, mais il faut s'efforcer d'être indépendant de leur jugement.
Dr WO
Vous avez tout à fait raison. L'évolution dans le temps est primordiale à la fois pour l'artiste et celui qui reçoit l'oeuvre.Il y a une évolution évidente de l'art et du jugement sur les oeuvres. Les impressionnistes ont été rejetés à leur époque et sont aujourd'hui admirés. Il est donc probable que ce que je rejette aujourd'hui sera peut-être admiré demain. Par ailleurs les grands artistes les sont parce qu'ils se libèrent.
Dr WO
Je ne pense pas qu'il y a confusion mais l'utilisation du même mot pour désigner des choses différentes, les choses étant parfaitement distinguées. Chacun sait que l'art du médecin n'a rien à voir avec les beaux arts, par contre la distinction peut être difficile entre l'oeuvre de l'artisan dont la qualité et la beauté en font une oeuvre artistique. Si la beauté a été longtemps le seul critère de la valeur artistique, ce critère a cessé d'être obligatoire, l'impact émotionnel et le déclenchement du rêve sont venus s'y ajouter. Comme le dit Tibicine le facteur temps est important, l'art et les goûts évoluent bien évidemment.
Dr WO
Un exemple : dans une serre, posés sur des étagères, un grand nombre (je ne les ai pas comptés) de pots de fleurs en terre cuite, vides, peints en rouge. Intitulé de l'oeuvre : " mille peaux rouges ".
Critère 1 - savoir faire, technique : savoir utiliser un pinceau et un pot de peinture.
Critère 2 - oeuvre : le résultat d'un travail de patience.
Critère 3 - ressenti : tout ça pour un calembour. Vaste fumisterie.
Ce qui est grave c'est que le département (ou la région ?) a hébergé l'auteur pendant un bon moment et acheté son oeuvre, avec l'argent du contribuable.
Donc, malgré des réponses négatives, eu égard à vos 3 critères, certaines personne ont déclaré cela " oeuvre d'art ".Bonjour Dr Wo, je suis somme toute assez d'accord avec vous sur vos critères.
Il me semble cependant qu'il existe un quatrième critère largement épandu par les "faiseurs" d'art aujourd'hui. Celui de créer quelque chose de "novateur" utilisant de fait la provocation, les NTIC, la recherche du différent, le simple fait de faire quelque chose qui n'a jamais été fait rend elligible une production au statut d'oeuvre.
Dans certain cas cela fonctionnera, l'inconscient collectif sera ému du resultat. Le reste constituera selon moi ce vaste amoncellement d'objets que l'on nomme aujourd'hui "art contemporain".... C'est peut être l'essence même de la création ? BisesJ'ai parlé de la provocation pour les non-oeuvres. Il est certain que faire différent, faire nouveau est un moteur de la création, mais je ne pense pas que cela soit un critère de l'art. Tout dépend du résultat, de l'oeuvre réalisée. Un artiste animé que par la volonté de faire différent, sans volonté d'expression, ne fera que des oeuvres provocatrices sans qualité mais qui peuvent devenir commerciales par la volonté des marchands.
Dr WO
On peut aussi se demander si l'art est un travail. Autrement dit, un artiste doit-il vivre de son oeuvre? Est-il normal que les fonds publics subventionnent des artistes? La défense de la création artistique doit-elle être une affaire d'Etat?Merci à vous docteur Wo et a tous vos "commentateurs " pour ces echanges sur l'art qui m'emmenent à réflexion moi qui ne m'etais jamais vraiment interrogée ..
je suis en accord avec les 3 critéres ennoncés sur le billet mais toutes les réponses sont fort interessantes !Questions pertinentes. Il y a une minorité d'artistes qui vivent et bien de la vente de leurs oeuvres, d'autres survivent en exerçant une autre activité, faut-il aider les artistes qui ne vivent pas de leur création ? Faut-il que les artistes acquièrent sysématiquement une autre formation professionnelle ? Dans le passé, les commandes de l'Eglise et celles des mécènes ou les portraits des riches permettaient la création. Aujourd'hui l'Etat s'est plus ou moins substitué aux mécènes. La question est peut-être dans le choix des artistes à aider (ce qui est bien difficile en raison de l'évolution des goûts et du choix inconnu de la postérité). La culture d'une nation est une affaire d'état.
Dr WO
C'est heureusement un lieu où on peut débattre et ceux qui nous dirigent (pas très bien) pourraient en prendre de la graine.
Dr WO
Tout a été dit ou presque dans tous ces commentaires. Il me semble qu'une partie du "problème" actuel vient de ce que le "concept" prime sur le reste. Et c'est valable aussi bien en peinture qu'en sculpture ou musique. A patir de là, qu'un empilement de bouteilles d'eau minérale soit appelé sculpture, n'a rien de surprenant !Vous avez raison pour le concept, trop "d'intellectualisme" et pas assez de sensibilité et plus du tout de beauté.
Dr WO
Sans doute. Mais ce n'est pas pour cela que la création artistique doit baisser les bras.
Dr WO
Je me suis posée la question et y répond par "ce qui est à la fois inutile et indispensable est de l'art"...
J'aime beaucoup les propositions d'Hakim Bey sur la poésie et l'art !C'est une bonne définition. Sans utilité pratique, sûrement. Mais si je ne trouve pas qu'une oeuvre est indispensable, cesse-t-elle d'être de l'art ? Malheureusement je ne connais pas les propositions d'Hakim Bey...
Dr WO
J'ai posé quelques liens sous les images sensibles de ma chronique "OUF" sur les textes d'Hakim Bey, (qui sont en copy left).
J'aime beaucoup TAZ. J'ai eu envie de naviguer sur la toile grâce à ce petit livre qui dure un opéra, il y a 10 ans...
Il est aussi en consultation libre et je l'ai caché dans la chronique du 29 me semblet-il. Je fais un peu comme les écureuils avec mes liens !
Je poserai un extrait du "plaidoyer sur l'arbre" en guise de douceur du calendrier de l'Avent, vendredi... celle de jeudi est prête !24leonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:13L'artiste le plus prestigieux que je connaisse, c'est la nature elle même;)
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Zut, je n'arrive pas à copier le lien. Que se passe-t-il ?
Bon, l'article s'appelle " Art contemporain à Dinard " dans découvrage.