• 66. Ambiguïté

    Le transsexualisme est habituellement défini de la façon suivante : « Condition d’hommes comme de femmes sans anomalies biologiques constantes connues qui ont le sentiment intense et pénible de ne pas être de leurs sexe de naissance, mais d’appartenir au sexe opposé. Les transformations corporelles qu’ils demandent en conséquence aux chirurgiens plasticiens et aux endocrinologues portent sur les signes sexuels primaires et secondaires et ont pour les transsexuels valeur de rectification. Aucun délire de type schizophrénique n’est détectable ».

     

    Le transsexualisme est entré dans les mœurs et s’est banalisé.

    Comme le montrent ces deux exemples :

    Un concours pour le titre de plus beau transsexuel (parmi 120 postulants de 20 à 35 ans) s’est déroulé le 19/12/09 à Chennai dans le sud des Indes, dans un pays où l’homosexualité vient d’être récemment dépénalisée.

    Plus significative est la question posée à des élèves du secondaire dans un cahier d’exercice dans les cours d’éthique et de culture religieuse récemment instaurés au Québec (Voyage vers les valeurs. Cahier d’activités Ethique et culture religieuse, 2e secondaire, LIDEC, 2008, p.10) et rapportée par le journal canadien Le Devoir :

    “Indique tes caractéristiques, tes goûts et tes intérêts :
    1) Je suis un garçon :_________, Une fille : __________ Je ne sais pas encore : ________”

     

    Délire ?

    Dans la mesure où après les transformations, les transsexuels se disent satisfaits (ils sont peut-être allés trop loin pour dire le contraire), ils se considèrent comme « guéris », ce qui permet rétrospectivement d’avancer qu’ils étaient atteints d’une maladie  marquée par un délire, mais uniquement sur leur identité sexuelle car ils sont le plus souvent d’une parfaite intégrité mentale, du moins une fois leur transformation faite. Les transsexuels parlent plus volontiers d’ « hermaphrodisme cérébral » (ce qui une spéculation jamais démontrée, mais on pourrait me rétorquer qu’il suffit d’attendre)

     

    Construction ?

    Dans cette pathologie psychiatrique, c’est le patient lui-même qui pose son diagnostic et les indications thérapeutiques, le traitement est auto-prescrit et le résultat auto-évalué, ce qui est tout de même exceptionnel. On ne peut donc pas affirmer que le traitement chirurgical et hormonal est le seul traitement possible de ce mal-être dans la mesure où c’est celui qui est habituellement réclamé par les intéressés. C’est une pathologie construite à la fois par le patient qui désire se faire opérer (et pour l’être il exclut tout homosexualité dans l’exposé de son cas) et le médecin qui en tire bénéfice.

    D’ailleurs, la médecine a probablement contribué à augmenter le nombre de transsexuels. En mettant à leur disposition les possibilités de leur transformation, elle a augmenté la demande et on peut se demander si le transsexualisme n’est pas en partie iatrogène.

     

    Affirmation du moi.

    Le « droit » à changer de sexe, est l’expression de la primauté du moi face à l’assignation juridique et à la contrainte sociale.

    La liberté de l’individu et la perception qu’il a de son moi s’étendent ici jusqu’à se soumettre aux manipulations les plus invasives sur son corps et la société occidentale a fini par les trouver justifiées. Pour que le droit admette le changement de sexe et la modification de l’état civil, il doit considérer que l’individu était malade et contraint de subir la transformation de son identité, la justice vient ainsi compléter la thérapie.

    Ajoutons que le transsexualisme quitte souvent le cadre de la pathologie pour apparaitre comme une revendication libertaire qui contribue à affirmer le moi du transsexuel.

    Transsexuel

    « Lexicon médical (H)Ambiguïté »

  • Commentaires

    1
    Mardi 5 Janvier 2010 à 18:44
    Pour vous souhaiter une bonne et heureuse Nouvelle Année, cher Docteur, une petite histoire :

    "- Cà y est, mon psy m'a bien guéri ! Je ne m'inquiète plus d'être une poule qui va pondre un oeuf !
    - Ah bon, comment a-t-il fait ?
    - Il m'appris à bien couver l'oeuf."

    Très amicalement.
    2
    Mardi 5 Janvier 2010 à 18:57

    Merci pour vos voeux et cette charmante histoire qui cadre bien avec mon article. Je vous souhaite également le meilleur pour 2010 (et au-delà)
    Dr WO

    3
    Mardi 5 Janvier 2010 à 21:32
    Il y a des jours où je me sens d'une normalité presque...anormale ! Est-ce bien normal ? Il faut que j'en parle à mon psy...:-)
    4
    Mardi 5 Janvier 2010 à 22:59

    Espérons qu'il sera normal !
    Dr WO

    5
    Mardi 5 Janvier 2010 à 23:16

    Et pourquoi aurions-nous une double personnalité ? Il y a certes un aspect superficiel saisi par les autres et un moi plus profond qui est son prolongement. Le changement de sexe est lui plus radical. La chirurgie esthétique ne permet pas d'être quelqu'un d'autre mais est le plus souvent destinée à lutter contre le vieillissement et parfois à améliorer son corps que l'on trouve imparfait mais en restant soi-même. Le transsexuel rejette entièrement son corps parce qu'il lui semble ne pas correspondre à son esprit.
    Dr WO

    6
    Mardi 5 Janvier 2010 à 23:31

    Ce sont évidemment des cas extrêmes, mais je ne pense pas que cela soit une crise d'identité mais la recherche d'un corps que l'on admire et que l'on voudrait obtenir pour soi, mais le soi ne change pas. Le moteur est le même (un peu perturbé), c'est la carrosserie que l'on veut changer sans changer de catégorie.
    Dr WO

    7
    Mardi 5 Janvier 2010 à 23:42
    C'est ce que font les transsexuels.
    Dr WO
    8
    Mercredi 6 Janvier 2010 à 08:33
    Phénomène curieux. Mais après tout, on peut vouloir changer de race (comme Bambi) alors pourquoi pas de sexe ?

    PS insolite : un reportage télévisé nous apprend qu'en Iran, le changement de sexe est autorisé et parfaitement légal (alors que l'homosexualité y est fortement réprimée)
    9
    Mercredi 6 Janvier 2010 à 10:08

    Il y a de ma part aucun jugement "moral". J'ai voulu commenter cette pathologie à partir de la question posée aux élèves canadiens et insister sur la construction du phénomène. Pour l'Iran, j'ignorais la chose, c'est assez étonnant, d'autant plus que le changement de sexe est un obstacle à la procréation.
    Dr WO

    10
    Mercredi 6 Janvier 2010 à 10:29
    La nature est drôlement faite tout de même....
    Et tu as raison d'insister sur cette question posée aux élèves québécois.
    La première fois que j'ai entendu parler de ce phénomène de trans-sexualité, c'était par mon père qui avait rencontré "Coccinelle" au Mont Valérien.
    Cela n'avait pas eu l'air de le choquer, juste de l'intriguer par rapport au mystère de la création....!!!!
    Bonne journée Doc,
    Bizzzzzzzzzzz
    ZAZA
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    11
    Mercredi 6 Janvier 2010 à 10:45

    Une pathologie que l'on a pu guérir n'a rien de choquant. La question que j'ai posée est : dans quelle mesure la médecine n'a-t-elle pas contribué à amplifier le phénomène ?
    Dr WO

    12
    Mercredi 6 Janvier 2010 à 20:39

    Bien sûr que la chirurgie esthétique est lucrative et j'ai noté la part de construction dans le transssexualisme où les chirurgiens ne sont pas perdants.
    Dr WO

    13
    Lundi 1er Août 2011 à 12:37
    Je suis perplexe docteur Wo. Lorsque j'étais directrice dans une grande chaine de magasin de prêts à porter, j'avais comme chef magasinier un homosexuel, très efféminé sur lui-même mais d'une grande retenue dans ses actes et comportements : Nous avions des rapports amicaux et mes enfants l'aimaient bien. Plus tard, la chaine de magasins dissoutes, il me téléphonait souvent, et m'a fait part de son désir de se faire opérer : A 45 ans, si l'on pouvait penser que c'était tard, pour faire un choix de cette importance, l'on pouvait considérer qu'il avait murement réfléchi à la question.
    Et puis son opération à eu lieu, et a fait, (sans mentionner son nom), le titre du quotidien < l'Alsace >. Il ne m'a plus jamais téléphoné, si ce n'est une seule fois, pour me dire, que stupidement il n'arrivait pas à se sentir vraiment femme, et que sexuellement le vagin qu'on lui avait fabriqué avec la peau de ses testicules, où quelque chose dans ce genre, ne lui apportait aucun plaisir, tout au moins pas celui dont il avait rêvé une grande partie de sa vie. Il était dépressif... Je ne sais plus se qu'il est devenu !
    Merci. Je viendrai souvent dans vos rubriques médicales
    Nettoue
    14
    Samedi 6 Août 2011 à 15:17

    L'accomplissement de son rêve n'était pas à la hauteur de ses espérances, mais est-il du ressort de l'Assurance Maladie de fournir les sommes nécessaires à l'accomplissement d'un rêve ?

    Dr WO

    15
    leonie
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:21
    Eh bien moi, parfois je me demande où est la frontière entre la normalité et l'anormalité et n'avons nous pas en nous une double personnalité?
    Que dire d'une femme ou d'un homme qui passe son temps à faire de la chirurgie esthétique pour ressembler à un ou une autre, c'est pas pire qu'un transexuel.
    16
    leonie
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:21
    Ok, la chirurgie esthétique, pour le vieillissement, mais j'ai vu un reportage sur une fille qui passe sa vie en opérations chirurgicales et toutes sortes d'artifices pour ressembler à Paméla Anderson son idole, et combien de Mickaël Jackson et compagnie. Il y a bien là une crise d'identité.
    17
    leonie
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:21
    Quelque fois on change le moteur avant la carosserie:)
    18
    leonie
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:21
    N'y aurait-il pas un problème de profit la dessous, parce que la chirurgie esthétique mis à part les réparations suite à traumatismes ou malformations est un business très lucratif, tant il y a de personnes mal dans leur peau. Certains vont pinailler pour un refus remboursement sécu mais ne vont pas hésiter à dépenser de grosses sommes pour de la chirurgie esthétique.
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