• 256. Faut-il manger gras ?!

    Les congressistes réunis à Barcelone en août dernier lors du congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC 2017) ont dû frémir et probablement se poser cette question iconoclaste après la présentation de l’étude PURE (la recherche d’un bon acronyme fait parfois le succès d’une publication, celui-ci est excellent). Je dis probablement, car je n’y étais pas et pendant mon activité professionnelle j’essayais toujours d’éviter d’y être. Je n’ai jamais aimé les congrès médicaux où des gens qui se ressemblent s’assemblent pour écouter ensemble des exposés en anglais ou pire en américain alors qu’il est plus confortable de lire leur publication ultérieure dans la presse médicale. Les seuls intérêts de ces congrès sont de pouvoir poser (en anglais) des questions à l’orateur, d’écouter les bruits de couloirs autrement plus sincères que les présentations, et de faire du tourisme en parallèle (ou exclusivement).

    Cette étude PURE « boulversifiante » est une enquête alimentaire adaptée à chacun des 18 pays concernés (Amérique du Nord et du Sud, Europe, Moyen Orient, Asie, Afrique) entreprise chez135 335 sujets de 35 à 70 ans, avec un suivi moyen de 7,4 ans, au cours duquel il a été constaté 5796 décès et 4784 événements cardiovasculaires majeurs.

    Cette étude, bien que seulement observationnelle, est tout de même impressionnante. Elle conclut que si la consommation de fruits et légumes a toujours un effet protecteur sur le risque cardiovasculaire et la mortalité, la mortalité globale est accrue par une forte consommation de glucides (sur-risque de 28% de la mortalité globale), alors qu’elle est abaissée par des apports élevés en lipides ! 

    Patatras ! « la mortalité globale était abaissée de 23 %, la mortalité non cardiovasculaire de 30 %, et le risque d’AVC de 18 % chez les sujets consommant le plus de lipides (5equintile) par comparaison à ceux en consommant le moins (1er quintile). Tous les types de lipides étaient associés à une réduction de la mortalité : - 14 % pour les graisses saturées[1], - 19 % pour les mono-insaturées, - 20 % pour les poly-insaturées[2]. Une consommation élevée de graisses saturées s’accompagnait, par ailleurs, d’une baisse de 21 % des AVC. »

    Horreur ! Cela fait des décennies que nous recommandons à nos patients de limiter les lipides à moins de 30 % des apports énergétiques et les graisses saturées à moins de 10 %.

    J’ai bien fait de raccrocher ma blouse.

    Mais il faut rester prudent. Comme une hirondelle ne fait pas le printemps, une étude ne donne pas la vérité. J’ai vu beaucoup d’études qui paraissaient ouvrir des horizons s’avérant en définitive sans lendemain. Il serait léger de passer à la trappe les nombreuses études antérieures qui sont en faveur de la nocivité d’un excès de lipides.

    Reste que j’ai également vu des virages à 180° enterrant des « vérités » sur lesquelles on s’appuyait doctement pour décider et traiter.

    La diététique est un des sujets qui fait couler le plus d’encre. Les sélections les plus diverses, les plus farfelues et parfois les plus dangereuses se succèdent et encombrent les étagères des librairies. On finit par croire que tout devrait être interdit : de la viande rouge (mais les poissons qui bouffent n’importe quoi présentent également un danger), aux lipides et au sucre (nouvelle bête noire). Si la plupart des aliments risquent de nous tuer, il faut bien manger pour vivre. Heureusement, les légumes et les fruits ont toujours bonne presse, mais leur consommation exclusive risque de provoquer des carences et n’oublions pas les pesticides. Quant à l’agriculture bio elle peut être dénuée de pesticides mais pas de germes dangereux. La vie est compliquée et toujours mortelle.

    Voir également : « 128. Du gras à moudre »

     

    [1] Beurre, fromage, certaines viandes dites grasses (mouton, agneau...), charcuteries, sauces, plats cuisinés, pâtisseries, produits industriels comme les biscuits.

    [2] L'huile de tournesol, d'olive, d'arachide, de colza, d'avocats, d'amandes, de noisettes, de pépins de raisins, de soja, de maïs et les poissons. Les oléagineux : Noix, noisettes, pignons de pins, amandes ou encore graines de tournesol

    « Le meilleur des mondesOrwell revient, ils sont devenus fous ! »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 4 Janvier 2018 à 14:55

    J'avoue que je me surveille, mais je mange de tout raisonnablement, car si on ne peut manger que "des graines" comme les américaines, je serai très malheureuse, j'ai toujours été mince pourtant et ne suis pas malade plus que d'autres qui ne mangent presque rien et qui ressemblent à des coucous déplumées...car beaucoup de femmes surtout font des régimes non pas pour protéger leur coeur, leur rate etc...mais pour avoir "la ligne"!

    Mais s'il fallait écouter entre autre "le Dr Jean Michel Cohen" qui propose un régime que de légumes je crois que ce n'est pas cela l'équilibre alimentaire (si je parle de lui, c'est que je reçois beaucoup de pubs de sa part), que j'ai mis en indésirable!

      • Jeudi 4 Janvier 2018 à 15:03

        En mangeant que des légumes, la vie vous paraîtra plus longue.

    2
    Souris donc
    Jeudi 4 Janvier 2018 à 16:40

    C'est le french paradox, ici en Aquitaine : vin rouge + canard confit, ce genre de régime qui vous donne l'âge canonique de vos artères.

      • Jeudi 4 Janvier 2018 à 16:52

        C'est sûrement à cause de ça que les Anglais regrette d'avoir perdu l'Aquitaine après la guerre de cent ans.

      • Souris donc
        Vendredi 5 Janvier 2018 à 15:36

        Winston Churchill a dû garder une propension au french paradox dans son ADN, car en bon vivant, buvant sec et mangeant gras (et no sport), il est mort à 91 ans.

      • Vendredi 5 Janvier 2018 à 16:18

        Les mauvais coucheurs vous diraient que s'il avait été plus sobre, il serait devenu centenaire.

    3
    Jeudi 4 Janvier 2018 à 16:59

    "Le gras, c'est la vie" disait Karadoc dans Kaamelot.

      • Jeudi 4 Janvier 2018 à 17:15

        Un précurseur.

    4
    Jeudi 4 Janvier 2018 à 20:12

    Si ça se trouve, on va bientôt (re)découvrir  le bénéfice de la saignée !  smile

      • Jeudi 4 Janvier 2018 à 20:34

        Mais la saignée conserve un bénéfice. A utiliser à bon escient.

      • Souris donc
        Jeudi 4 Janvier 2018 à 21:05

        Clysterium donare, postea saignare, ensuita purgare. Ensuita resaignare et repurgare. Bene, bene.

      • Jeudi 4 Janvier 2018 à 21:14

        Jusque la mort s'en suive. Voir "24. Ces médecins qui vous rendent malades"

      • semaphore
        Lundi 8 Janvier 2018 à 00:34
        semaphore

        Celle des portefeuilles par le fisc, les préserve effectivement de l'embonpoint... arf

      • Lundi 8 Janvier 2018 à 06:56

        Sauf que la pauvreté favorise l'obésité.

    5
    Vendredi 5 Janvier 2018 à 17:37

    Manger un peu de tout et ne pas oublier de se faire plaisir ! Et vive la gourmandise ! Quand on peut...smile

      • Vendredi 5 Janvier 2018 à 18:29

        Et pouvez-vous ?

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