• 181. L’amnésie numérique

     

    181. L’amnésie numériqueL’autre jour en arrivant sur le lieu où je conserve encore une activité professionnelle, j’ai ressenti une impression désagréable : j’avais oublié chez moi mon smartphone ! Un objet sans lequel j’ai vécu sans peine tout au long de ma vie et dont l’absence aujourd’hui me donnait cette impression bizarre, pour ne pas dire stupide, de manque.

    A ma décharge j’ai compris que ce n’était pas l’appareil qui me manquait.

    Cet appareil omniprésent que les gens tiennent précieusement dans leur main ou à portée immédiate, qu’ils consultent en tout lieu et en toute circonstance, même au péril de leur vie, qu’ils fixent, fascinés, en marchant dans la rue, qu’ils collent à leur oreille en roulant à vélo, tenant le guidon d’une seule main pour zigzaguer entre les voitures ou pour éviter un piéton en grande conversation téléphonique tout en passant au feu vert.

    Non, ce n’est pas le smartphone qui m’avait manqué, mais les numéros de téléphone qui figurent dedans. Depuis son utilisation on ne transporte plus de répertoire sur soi et l’on ne cherche plus à retenir de mémoire des données qui peuvent à l’occasion se révéler indispensables.

    J’étais à mon tour atteint « d’amnésie numérique » définie comme « l’oubli d’informations confiés à un appareil numérique qui les stocke et les mémorise pour vous ».

    Ce fait est bien illustré par une enquête en ligne (Kaspersky lab) auprès de 10000 personnes âgées d’au moins 16 ans et publiée le 1/07/15.

    Les Français « connectés » ne connaissent pas par cœur les numéros de téléphone de leurs enfants pour 58%, de l’école qu’ils fréquentent pour 89%, de leur lieu de travail pou 51%, ou de leur conjoint pour 34%, mais curieusement plus de la moitié se rappelle du numéro du domicile où ils vivaient pendant leur adolescence.

    La facilité de recourir à internet pour retrouver des données affaiblit en outre la mémoire (« effet Google »). 71,9 % des sondés affirment utiliser internet comme « une extension de leur cerveau » et ce chiffre dépasse 83% chez les jeunes de 16 à 24 ans. On peut se demander à ce niveau s’il s’agit d’une extension et non pas d’un remplacement.

    Ainsi, l’impossibilité d’accéder dans l’immédiat à des numéros importants que je n’avais pas pris la peine de retenir ou de noter, m’avait brusquement donné l’impression d’être vulnérable.

    Cette vulnérabilité, je ne l’ai ressentie que de façon fugace. Mais cette enquête a montré que le ressenti lorsque l’on est dépouillé (à nu, disent certains) de son smartphone ou de sa tablette peut être plus pénible, allant jusqu’à un état de panique, notamment chez les femmes dont « 20% avouent qu’elles seraient catastrophées et 38% qu’elles seraient submergées de tristesse ».

    Si le numérique a bouleversé et enrichit notre civilisation, celle-ci en est devenue bien trop dépendante à l’origine d’une vulnérabilité inquiétante aussi bien pour l’individu que pour la société.

    Source : Journal International de Médecine

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 18:18

    Je crois qu'il faut se calmer! Si vous avez eut un "petit malaise" pour l'oubli de votre smatphone, c'est juste que vous n'aviez pas, comme vous le dites d'ailleurs, vos n° à portée d'oreille!

    Mais quand les gens (femmes ? je crois que pas seulement!) qu'ils ont des crises de panique, ou sont submergées de tristesse... je trouve cela un peu fort, cependant, je crois que c'est vrai, car aujourd'hui on pédale dans la semoule dès que l'on a un petit, tout petit problème.

    J'avoue que je ne digère pas bien le portable, être "sonnée comme une domestique" dixit Guitry, dans la rue ou n'importe où, çà m'agace et je ne réponds jamais dans la rue et les endroits publics, cet appareil ne me sert qu'à appeler.

    2
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 18:29

    Au lieu d'avoir sa mémoire dans la tête, on l'a à la main. Ou on croit l'avoir.

    3
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 18:57

    LIVIA. Le smartphone est devenu un organe corporel comme une excroissance.

    4
    Jeudi 16 Juillet 2015 à 19:00

    PANGLOSS. Evidemment, une tête vide, c'est reposant.

    5
    Vendredi 17 Juillet 2015 à 08:33

    Amnésie numérique ? Youpiiiie !!! Moi qui croyais à un début d'Alzheimer. Il est vrai que nous n'exerçons plus notre mémoire, avec tous ces objets connectés, même les frigos. C'était mieux avant, on ânonnait 3 fables de La Fontaine, on récitait les départements. Avec leur chef-lieu, s'il vous plait. Toutes choses essentielles à savoir. Ce qui nous rendait BEAUCOUP plus intelligents.

    6
    Vendredi 17 Juillet 2015 à 09:32

    SOURIS DONC. Ce n'était pas mieux avant, c'était différent. Développer sa mémoire ne rend pas intelligent mais fournit un outil et l'on pouvait très bien la développer avec autre chose que des connaissances qui ne servaient à rien. Internet donne accès à une bibliothèque fabuleuse mais qui contient autant de haine et de merde que de merveilles. Seule la mémoire humaine permet de faire des rapprochements, des recoupements entre des éléments qui ne semblent avoir aucun rapport entre eux, donc de la création. Les bibliothèques brûlent, la mémoire numérique est également vulnérable.

    7
    Vendredi 17 Juillet 2015 à 17:34

    Oui, différent. L'apprentissage basé sur la mémoire a une dimension abêtissante par sa répétitivité (cf les medersas). Les drôles de maintenant sont plus vifs mais plus dispersés. Je pense qu'ils fonctionnent en arborescence comme leurs ordinateurs, nous (moi en tous cas) avions un raisonnement plus linéaire, où les causalités s'enchaînent. Les deux formes génèrent sans doute ces rapprochements et recoupements à l'origine de la création.

    Et je ne crois pas que le ludique, qu'on accuse parfois, soit le motif de la dispersion des drôles. Tous les petits mammifères et certains oiseaux (corvidés, psittacidés) apprennent en jouant.

    8
    Vendredi 17 Juillet 2015 à 18:08

    Dans ma réponse il n'y a aucune critique. Je constate simplement un changement de paradigme (terme pompeux qui a tendance à se répandre). J'envie d'ailleurs les possibilités qu'ont les jeunes, mais leur abondance même présente néanmoins le risque d'une moindre réflexion en raison de la dispersion. J'ai simplement voulu pointer la vulnérabilité du dispositif par la domination progressive de la machine.

    9
    Vendredi 17 Juillet 2015 à 18:39

    Et que dire quand votre internet ne fonctionne pas pendant 2 jours ??? A devenir fou pour certains !

    10
    Vendredi 17 Juillet 2015 à 18:45

    Ne parlez pas de malheur ! frown

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