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177. Des gens réellement importants
Albert Starr, né à New-York, âgé de 89 ans et toujours en activité, vient de recevoir, le 3 juin 2015, à Paris, l'un des grands prix de l'Institut de France. Ce prix doté de 500000 € lui a été remis par le Pr Alain Carpentier. C’est ainsi que le Français, inventeur (avec Edwards) de la première bioprothèse valvulaire (valve cardiaque fabriquée à partir de tissu biologique), a couronné l’Américain, son ami de 50 ans, inventeur (avec Edwards) de la première valve cardiaque mécanique. Cette prothèse a transformé à partir de 1960 le destin des malades atteints de maladies des valves cardiaques, ces petites portes qui permettent le passage du sang toujours dans le même sens d’une cavité cardiaque à l’autre en empêchant son reflux dans la cavité d’amont.
A la fin des années 50, il n’y avait pratiquement aucun traitement pour les cardiopathies valvulaires (en dehors du rétrécissement mitral). Mais l’apparition des premiers appareils de circulation extra-corporelle permettant l’ouverture du cœur offrait la possibilité d’envisager le remplacement d’une valve malade. Encore fallait-il mettre au point une valve artificielle fonctionnelle, résistante et bien tolérée.
« C'est à l'hôpital de l'Université de l'Oregon que le jeune Starr âgé de 32 ans (à gauche) fait la rencontre de sa vie en la personne d'un ingénieur en hydraulique à la retraite célèbre pour avoir inventé des dispositifs utilisés dans les avions de combat au cours de la seconde guerre mondiale, Miles Lowell Edwards (à droite). Celui-ci, pour occuper son temps libre, souhaite rien de moins que de mettre au point un cœur artificiel. Le jeune Starr trouve le projet passionnant mais très prématuré et convainc Edwards de s'attaquer avec lui à un problème plus "simple", celui du remplacement valvulaire. »
C’est ainsi que Starr. et M.L. Edwards inventèrent la première prothèse valvulaire cardiaque métallique, faite d’une cage en acier habillée de téflon dans laquelle joue une bille en silastic. La bille est repoussée contre le sommet de la cage par l’éjection du sang et retombe sur l’anneau cousu sur les bords de l’orifice cardiaque qu’elle ferme lorsque cesse l’éjection. C’est simple, mais il fallait y penser. Ce sont-ils inspirés de cette balle de ping-pong qui, logée dans une cage à l'extrémité d'un tuba, évite aux plongeurs de boire la tasse ? (ci-contre : une des premières valves de Starr)
« Pour la petite histoire c'est le chien Blackie, en pleine forme 13 mois après l'implantation d'une valve à bille, qui donnera le feu vert pour le passage à l'homme, raconte Albert Starr aujourd'hui. Lors d'une visite du laboratoire par le patron de Starr, le chirurgien Herbert Griswold, le labrador lui aurait longuement léché la main en agitant la queue, ce qui aurait fini de convaincre le chef de service de la possibilité d'obtenir une bonne qualité de vie avec ce dispositif et de débuter les essais chez l'homme ! »
La première malade opérée en août 1960 mourut à la 10ème heure. Le second, confiné au lit avant l’intervention, ne mourut que 15 ans après en tombant d'une échelle alors qu'il repeignait sa maison.
Dans les premiers modèles la bille pouvait se déformer et s’échapper de la cage avec le résultat que l’on devine. Les billes métalliques qui suivirent faisaient tellement de bruit qu’elles rendaient le sommeil difficile et les divorces fréquents. Mais des milliers de vies ont été sauvées par cette cage et sa bille. Deux cent cinquante mille valves de Starr ont été posées dans le monde depuis 1960 sur plus de 3 millions de valves mécaniques - depuis la bille a été remplacée par un disque basculant puis par des volets (ailettes) - ou biologiques.
Albert Starr (à droite) et Alain Carpentier (à gauche) entourant un patient opéré il y a plus de 30 ans
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Commentaires
L'histoire de la médecine est passionnante (enfin, pour moi) et souvent pleine de surprises.
C'est passionnant, et je remercie tous ces savants qui mettent leur science au service de l'homme. C'est grâce à une intervention de ce genre que la vie de ma mère fut prolongée de 11 ans, c'est le Pr Cabrol qui l'opéra en 1983, nous lui en avons toujours été très reconnaissants!
Le seul Starr que je connaissais avant de lire de lire votre article (et pour ma plus grande honte) avait le prénom ridicule de Joey et une dentition tout en or .
Merci pour de réhabiliter le nom, en rendant hommage à ceux qui font, le plus souvent en toute discrétion, avancer l'humanité.
Cinq cent mille euros pour une telle avancée en chirurgie cardiaque, c'est peu cher payé.
Mais un prix comme ça récompense une invention qui n'a pas de prix.Merci à cet Albert Starr et merci à vous, Docteur, de nous parler de lui.
Je me souviens de l'apparition progressive de cette prothèse dans les services de cardiologie en France et du bouleversement qu'elle a provoqué alors que nous étions auparavant impuissants devant la plupart des maladies valvulaires.
Le Dieu argent est toujours là. La société Edwards existe, une des premières du secteur, avec 8500 collaborateurs.
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Une histoire passionnante DOC ! Comme quoi, ces choses très simple peuvent révolutionner la médecine. Un prix bien mérité pour cette idée géniale. Bonne journée, en attendant la flotte dans mon Ille & Vilaine. Je n'aurai pas besoin d'arroser les tomates et les géraniums.