• 170. A propos de la loi Leonetti-Claeys

    La loi Leonetti-Claeys sur la fin de vie est en passe d’être adoptée. Pour l’instant l’amendement qui proposait "une assistance médicalisée active à mourir" a été rejeté à une courte majorité le 11mars, lors du débat à l'Assemblée Nationale.

    En l’état cette loi n’apporterait rien de bien nouveau sinon que le patient pourra demander dans des situations strictement encadrées par la loi à bénéficier en phase terminale d’une « sédation profonde et continue jusqu’au décès ». La nouveauté est « continue jusqu’au décès ». Autrement dit, en cas de douleurs ne pas attendre la réapparition de celles-ci pour renouveler la sédation. Le « jusqu’au décès » est évidemment ambigu, mais il s’agit de cas désespérés où l’on permet au mourant de mourir pendant son sommeil. On peut difficilement être contre.

    Reste que le cas difficile des grands handicapés réclamant la mort ne semble pas avoir été envisagé (je ne connais pas tous les détails de la loi) et le suicide assisté est pour l’instant écarté.

    Avant le débat à l’Assemblée est paru dans Le Monde du 10 mars 2015 un appel de « cinq hauts dignitaires des trois grandes religions monothéistes pour dire leur opposition à l’emploi de la sédation pour donner la mort ». Dans laquelle ils déclarent que « toute vie humaine doit être respectée spécialement au moment où elle est le plus fragilisée » que « Nous demandons que cette loi civile soit civilisatrice, c'est-à-dire qu’elle aide à vivre et à mourir, sans jamais écourter la vie, sans jamais décider de donner la mort ».

    En fait, la loi n’autorise pas la sédation pour donner la mort, celle-ci surviendra de toute façon à court terme. Ce n’est pas la sédation qui tue le malade mais sa maladie.

    La sédation peut-elle écourter la vie ? Pas la sédation elle-même (sauf doses toxiques), mais l'arrêt éventuel en parallèle de tous les traitements de survie, nutrition et hydratation. Cependant, peut-on considérer que la vie n’est pas respectée si le malade meurt quelques heures avant le délai qui lui était imparti mais en évitant une agonie douloureuse les jours précédents ?

    Ces religieux ont évidemment le droit de s’exprimer, mais ils parlent en leur nom propre à partir d’une doctrine qui n’intéresse a priori que les seuls croyants. Le Parlement n’a donc pas à les écouter. En effet, si la loi est appliquée, rien n’interdit aux croyants de vouloir souffrir jusqu’au bout et de ne pas demander ou de refuser que les médecins leur délivrent une « sédation profonde et continue » au risque de hâter leur mort.

    Ce qui semble gêner ces dignitaires, qui admettent qu’il faut soulager le mourant, c’est que celui-ci n’ait plus conscience de sa mort. Le soulager, certes, mais pas trop pour voir la mort venir.

    J’avoue que ces discours, aussi sincères soient-ils, paraissent un peu « tartuffiens » venant de représentants d’idéologies qui se sont révélées, à un moment ou un autre, et pendant des siècles, particulièrement meurtrières, abrégeant la vie des autres à tour de bras au nom de leur dieu, et même lorsqu’il s’agit du même dieu au nom de la façon d’y croire.

    Par ailleurs, « La vie à tout prix » est assez contradictoire de la part d’idéologies dont le souci majeur n’est pas la vie ici-bas perturbée par leurs interdits jusqu’à demander de supporter ou de s’infliger des souffrances, mais l’Au-delà. La vie n’étant qu’une mise à l’épreuve afin d’y parvenir dans les meilleures conditions mais pas dans les meilleurs délais.

    « Contrition et commisération.Islamo-gauchisme (2) »

  • Commentaires

    1
    Vendredi 13 Mars 2015 à 18:09

    Pour parler crûment, quand c'est foutu c'est foutu. Alors, très franchement, l'utilité de la souffrance qui se termine inéluctablement par la mort, j'ai du mal à la percevoir. D'autant qu'ayant eu l'occasion de voir de quoi il retourne je suis content que des solutions existent pour partir en douceur. Après, on peut philosopher autant qu'on veut...

    Amitiés.

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    2
    Vendredi 13 Mars 2015 à 18:20

    Et c'est bien mon avis en tant que médecin et de futur mourant.

    3
    Vendredi 13 Mars 2015 à 19:11

    Coucou Doc,

    Je ne sais pas si vous avez regardé France 2, le 11 mars dernier, avec le téléfilm "Des roses en hiver" et le débat qui s'en est suivi, "Peut-on choisir sa fin de vie ?" avec comme participants :

    • Julian Bugier / Présentateur
    • Jean Leonetti / député, auteur de la loi sur la fin de vie
    • Bernard Senet / médecin généraliste
    • Bernard Devalois / chef de l'unité des soins palliatifs à Pontoise
    • Philippe Bataille / sociologue
    • et des témoignages de fin de vie de par des téléspectateurs.

    Je pense que ces aménagements n’amèneront par grand chose à la loi de 2005, qui reprend pratiquement tous ce que les malades réclament, ou ce à quoi ils ont droit, excepté  la « sédation profonde et continue jusqu’au décès » !

    Seulement la loi n'est pas appliquée !

    J'ai aimé l'intervention de Philippe Bataille. Ce que j'en ai retenu, c'est que tout réside dans la formation et le bon vouloir du médecin à ne pas pas abandonner son patient et à administrer des soins pour éviter la souffrance.

    J'ai trop été marquée par l'agonie de 10 jours,de mon père en 2002, sans pouvoir s'hydrater et manger. Mon père voulait mourir chez lui, et le médecin de l'île n'avait de cesse que de vouloir l'envoyer à l'hôpital. On savait qu'il était fichu, mais cette peau de toutou a refusé de le perfuser et de lui administrer de la morphine. C'est pour cette raison, que pour ma mère, 89 ans, des documents signés de sa main sont collés sur toutes les portes, refusant le transfert à l'hôpital et demandant l'application de soins palliatifs à domicile.

    L'acharnement thérapeutique sous respirateur, sonde gastrique et perfusion en hôpital à un coût qui plombe la sécurité sociale. Il faut se rendre à l'évidence que quand c'est foutu c'est foutu, MAIS SANS SOUFFRIR !

    Bonne soirée mon ami.

    4
    Vendredi 13 Mars 2015 à 19:27

    Non, je n'ai pas vu le débat et merci de m'en donner un aperçu. C'est vrai que la loi précédente était mal appliquée. Les soins palliatifs à domicile ne sont pas simples. Le médecin généraliste (qui fait déjà beaucoup de choses) n'est pas formé pour ça. Il faudrait des équipes volantes, mais est-ce possible ?

    5
    Vendredi 13 Mars 2015 à 19:50

    Si les soins palliatifs ne peuvent être administrés qu'à l'hôpital, faudra-t-il dire que l'hôpital est un endroit où l'on va mourir? Et le dire à l'agonisant?

    6
    Vendredi 13 Mars 2015 à 20:34

    C'est évidemment à l'hôpital que l'on meurt le plus, mais on y guérit souvent.

    7
    Pascale
    Samedi 14 Mars 2015 à 18:59
    Je viens de perdre ma maman après douze mois d'acharnement thérapeutique pour réparer (en vain) une erreur médicale. Que ces religieux se taisent ! Comme j'aurais aimé qu'on la plonge dans un sommeil profond... On n'imagine pas la souffrance psychologique qu'endurent certains patients.
    8
    Samedi 14 Mars 2015 à 19:10

    Chacun de nous a de tristes expériences. La question de fond est que faut-il choisir : la sédation profonde + abstention thérapeutique (loi discutée en ce moment) ou l'euthanasie (mais qui dépasse le cadre de la fin de vie) ?

    9
    Pascale
    Dimanche 15 Mars 2015 à 08:31
    Je suis pour une euthanasie strictement encadrée par la loi. La religion doit rester à sa place et le médecin doit pouvoir bénéficier d'une clause de conscience. Dans ce cas, il sera remplacé par l'un de ses confrères. Mourir dans la dignité... pourquoi est-ce si difficile à nous l'accorder ?
    10
    Dimanche 15 Mars 2015 à 09:48

    Comme vous le savez l'euthanasie est légale ailleurs et notamment en Belgique avec  peut-être quelques dérives dans ce pays. En France, je crois qu'il y a une forte opposition religieuse et les gouvernements hésitent en raison d'une réaction prévisible. On a vu ce que le mariage homosexuel a provoqué en France alors qu'aucune opposition n'est apparue dans d'autres pays (occidentaux).

    NB. Quand vous avez la gentillesse de faire un commentaire vous serait-il possible de précisez votre adresse de blog ? sarcastic

    11
    Dimanche 15 Mars 2015 à 13:51
    Et voilaaaaa ! :)
    12
    Dimanche 15 Mars 2015 à 14:20

    Grand merci ! yes

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