• 120. Parlons chiffres

    Le scandale des  dépassements

    Selon les chiffres donnés le 8/10/12 par la caisse nationale de l’assurance maladie :

    600 médecins dépassent de 300% au moins les tarifs de remboursement. 1650 médecins font des dépassements inférieurs à 200% et 5000 inférieurs à 100%.

     

    Ainsi 7250 médecins dépassent nettement, et pour certains de façon excessive, le tarif de remboursement sur les 216145 praticiens actifs en France en 2011, soit le pourcentage colossal de 3,35%. Ces dépassements d’honoraires semblent être une des préoccupations majeures de la ministre de la santé qui s’agite beaucoup, dans une offensive de désinformation bien orchestrée, pour faire de leur encadrement (je ne suis pas, a priori, contre) une des solutions urgentes pour améliorer l’offre de soins. Il faut tout de même souligner que ces dépassements ne coûtent rien à la sécurité sociale et que c’est le patient qui choisit son médecin en étant dûment averti des tarifs pratiqués et qu’il pourrait tout aussi bien en choisir un autre (il est exceptionnel qu’un médecin donné soit indispensable). Mais on nous dit que c’est cette petite minorité du corps médical, certes inégalement répartie sur le territoire, qui serait la cause d’une médecine « à deux vitesses » et d’une inégalité de chance par rapport aux soins !?

     

    Maintenant voyons combien un patient doit débourser pour consulter à l’étranger (enquête du Journal International de Médecine) :

    En Italie : consulter un médecin généraliste ne coûte rien au patient, à condition de choisir un praticien conventionné, passage obligé avant une consultation de spécialiste. La conséquence est que les délais d’attente sont habituellement longs, d’où le recours à des praticiens du privé, où on paie le prix fort. Environ 50 à 80 euros, tarif qui peut atteindre 150 euros chez un spécialiste. Une médecine réellement « à deux vitesses ».

    En Espagne : les consultations gratuites sont rapides, mais il existe aussi des consultations privées (prises en charge uniquement par les mutuelles) dont le prix varie entre 40 et 70 euros pour un généraliste et entre 102 et 150 euros pour un spécialiste.

    En Allemagne : le prix des consultations est rigoureusement contrôlé : 25 euros pour le tarif de base du généraliste, 45 euros pour un spécialiste.

    En Angleterre : listes d’attente pour les consultations gratuites. Les tarifs des consultations privées pour un médecin généraliste sont étagés entre 95 et 315 euros.

    En Suède : les consultations ne sont intégralement prises en charge que pour les personnes les plus malades, au-delà d’une moyenne de 112 euros par an de consultations médicales.

    En Suisse : la dérégulation est telle que le prix des consultations est toujours très élevé (le service compétent n’a pas osé donner un chiffre). Les Français expatriés préfèrent pour la plupart conserver leur sécu nationale.

    Aux USA : il n’existe pas encore de secteur public. Une consultation chez un généraliste peut varier de 80 à 100 dollars. Et l’on ne trouve pas un spécialiste à moins de 150 dollars.

       

    On voit que dans la plupart des pays de même niveau il existe une filière privée plutôt florissante.

     

    Jetons à présent un coup d’œil indiscret sur la moyenne des rémunérations (en net pour la France, en brut pour les autres pays) :

    En France : 51433 € pour les médecins généralistes et 78374 € pour spécialistes.

    Au Royaume Uni : 130990 (en  €) pour les généralistes et 94604 (en €) pour les spécialistes.

    En Allemagne : 151700 € pour les généralistes et 205000 € pour les spécialistes.

    Aux Pays-Bas : 153759 € pour les généralistes et 241621 € pour spécialistes.

     

    Attention, les chiffres ne peuvent pas être comparés de façon absolue puisque ceux des pays étrangers devraient être minorés des frais dont nous n'avons pas connaissance pour chacun des pays. Mais même en les abaissant de 30 ou de 40%, voire de 50%, les différences persistent Et l’on  fait quasiment passer les médecins français pour des délinquants et à qui l’on reproche –entre autres – de prescrire, pour leur plaisir, de plus en plus de médicaments, ce qui ne semble pas être confirmé par une enquête de la CNAM :

     

    Entre 2006 et 2009, l’évolution de la consommation de médicaments a été en France de 0,5 % par an, contre 4,3 % en Allemagne, 4,5 % en Italie et 4,6 % en Espagne. (in Cardiologie pratique)

     

    Que ceux et celles qui ont eu le courage de lire cet article jusqu’au bout, veuillent m’excuser pour cette avalanche de chiffres indigestes, mais il est parfois bon de remettre les pendules à l’heure sans se laisser impressionner par les moulinets dans le vide de nos politiques qui accusent un peu trop facilement les autres de leurs incapacités en utilisant la bonne vieille recette démagogique. Reste que les médecins ont une responsabilité certaine, celle d’appliquer les progrès de la science médicale, et qu’une médecine de qualité devient de plus en plus onéreuse. Je comprends la difficulté des gouvernants à résoudre le problème, mais il n’est pas sain de rechercher des boucs émissaires.

    « Tic-tacLe prix Nobel de la paix à l’UE »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 11:20
    Merci pour cet article, il a le mérite de la clarté.
    2
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 11:25
    Bonjour Paul
    Ais-je de la chance, je viens de passer devant des spécialistes, et hanter les cabinets de radiologie, depuis six mois, j'ai eu affaire à une angiologue et présentement un ostéopathe, et un de mes Gnolus à un ophtalmo, dans le cadre d'une visite de routine, aucun ne pratique de dépassement !
    Cette guérilla perpétuelle contre les médecins devient stupide et humiliante pour eux.
    3
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 13:47
    Un article très clair Doc. Merci. On a trop souvent l'habitude de ne regarder que devant le bout de son nez. A chaque fois que je vais consulter mon généraliste, je lui demande toujours le prix de la consultation, et il me répond invariablement depuis des années...23€ madame. Diantre, que la sécu se focalise sur des examens à répétition qui n'ont pas lieu d'être. L'année dernière je râlais comme un poux quand je me suis retrouvée à Laval à la suite d'une crise d'angine de poitrine. J'avais refait une coronarographie en 2010 de contrôle et montrait que mon état était resté stable depuis 2003 et là rebelote, nouvelle coronarographie, alors que poux ronchon alerté par le médecin de la maison de repos dans laquelle je me trouvais était arrivé illico presto au CHU de Laval avec tout mon dossier et mes ordonnances. Bonne journée. ZAZA
    4
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 14:00

    Mais clairement rébarbatif.

    5
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 14:04

    Les dépassements importants ne concernent qu'une petite minorité qui ne change pas la donne. Les dépassements du secteur 2 sont en général modestes et la majorité des médecins, surtout généralistes, prennent le tarif sécu.

    6
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 14:13

    La répétition inutile des examens n'est pas admissible, surtout lorsqu'il s'agit d'une coronarographie qui ne se modifie guère lorsque le délai est court. Toutefois, l'état d'un patient peut se modifier et un examen quelconque, normal, par ex. 6 mois avant, ne préjuge pas de sa normalité 6 mois après.

    7
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 17:16
    Vous avez tout à fait raison. La Sécurité-Sociale a tout nivelé par le bas, les rémunérations des médecins comme leurs qualités professionnelles. Aujourd'hui un généraliste capable de vous soigner vraiment, ça n'existe même plus, en France.
    Par contre pour manier la Carte-Vitale, ils sont champions.
    On ne peut pas tout avoir...
    Amitiés.
    8
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 17:40
    Je n'ai pas trouvé votre article rébarbatif, je l'ai lu jusqu'au bout et je le trouve fort bienvenu !
    9
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 18:43

    Pour les qualités professionnelles du généraliste, il faut tenir compte des temps nouveaux. La simple clinique qui permettait de faire un diagnostic avec ses sens (et son intuition) a reculé devant l'invasion des techniques et des machines et le médecin est devenu un distributeur d'examens de haute technicité puis de médicaments. En outre, il lui est impossible de dominer toute la pathologie qui est devenu d'une grande complexité et qu'il doit confier aux spécialistes, les spécialités étant elles-mêmes subdivisées.

    10
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 18:49

    Cela prouve que vous avez récupéré la forme

    11
    Evy
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 21:05
    Bonsoir
    Hé oui ! et c'est nous qu'on paye bonne soirée bizzzzzzzzz evy
    12
    Jeudi 11 Octobre 2012 à 21:29
    Il fallait le dire! Moulinets démagogiques que les pouvoirs en difficulté (droite et gauche) aidés par une presse à sensation et une télé aux ordres font tourner pour détourner l'attention du peuple vers des boucs émissaires: les médecins, les patrons, les capitalistes, les propriétaires pour les locataires (ou les syndics pour les propriétaires), les fonctionnaires, les syndicats etc. La vérité vue par le petit bout de la lorgnette? Cela profite en réalité aux privilégiés qui ont beau jeu de mettre en avant les difficultés d'une partie de leurs professions: les infirmières quand on parle des fonctionnaires inutiles, les gens qui montent sur les poteaux quand on critique le CE de l'EDF etc
    Lorsque je donne vingt-trois euros à mon médecin à la fin d'une consultation, j'ai envie de lui demander de m'excuser.
    13
    Vendredi 12 Octobre 2012 à 00:31
    Les médecins (ceux que je connais en tout cas et qui me paraissent représentatifs) sont une cible facile pour un politicien démago. Ils ont une déontologie, n'aime pas trop parler fric, et n'ont jamais fait du lobbying intensif en demandant par exemple à être fortement représentés au sein des instances administratives de la sécu.

    Résultat : depuis des années, les responsables de la sécu traitent les médecins et les pharmaciens comme des subalternes en leur imposant des "normes" financières et administratives. Il y a quelques années, c'était une sanction financière, individuelle et même collective, si leurs recettes augmentaient au delà d'un seuil fixé par la sécu !
    Aujourd'hui, c'est cette question des dépassements d'honoraires présentée comme un problème gravissime alors que, comme vous le soulignez, la majorité des médecins ne le pratique pas !
    14
    Vendredi 12 Octobre 2012 à 16:18

    Sans doute.

    15
    Vendredi 12 Octobre 2012 à 16:20

    Oui, la France a la catégorie condamnable facile.

    16
    Vendredi 12 Octobre 2012 à 16:24

    Ce qui est curieux c'est qu'il y a pas mal de médecins à l'assemblée. Mais peut-on encore parler de médecins lorsque l'on se consacre à la politique. D'ailleurs, ils ont plutôt tendance à tirer dans les pattes des confrères qui ont la bêtise de turbiner encore.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :