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Un peu de 1984 en 2015
Dans le roman « 1984 » de George Orwell, le héros, Winston Smith, est employé au Ministère de la Vérité (Miniver en novlangue) où son travail consiste à remanier les archives nationales afin que les écrits du passé soient en harmonie avec les évènements et la politique du présent.
Toutes proportions gardées, on peut retrouver aujourd’hui un peu de ce Ministère de la Vérité au ministère de l’Education nationale pour ce qui concerne l’enseignement de l’histoire.
Le choix des sujets étudiés et l’importance qu’on leur a donnée semblent vouloir obéir à trois impératifs :
D’abord, tenir compte de la composition des classes, car comment expliquer que l’étude de l’islam soit un sujet obligatoire dans l’enseignement de l’histoire de France ? Contrairement à l’Espagne, l’islam n’a aucunement modifié son cours ou de façon marginale par les croisades. Dans l’histoire du monde, l’islam a évidemment sa place, mais dans ce cas pourquoi ne pas étudier le Bouddhisme ou l’Hindouisme ?
Ensuite, introduire dans l’étude du passé des préoccupations du présent dans une perspective de formatage.*
Enfin, satisfaire, dès que l’occasion se présente, au goût de la « repentance » dans laquelle la France se plonge ces dernières années avec une délectation masochiste, alors que « le mal n’est pas une maladie héréditaire ». Je vois le moment, si les choses continuent ainsi, où les élèves de France finiront par avoir honte de leur histoire.
Il est vrai que nombre d’écoliers ne considèrent pas cette histoire comme la leur, et ne sont pas mécontents qu’on leur parle des excès de la colonisation, les renforçant ainsi dans leur position revendicatrice « d’indigènes de la République ». Il est vrai que dans le passé, il eut été plus sage de la part des Français de laisser les pays africains dans l’état où ils les avaient trouvés sans les infecter par la civilisation occidentale, et en ne laissant sur place, dans un but scientifique, que quelques ethnologues.
Si la France n’a pas à être fière d’avoir largement participé à la traite négrière, elle l’a fait comme beaucoup de pays. Affreuse normalité dans le contexte de l’époque. Il ne faut pas confondre histoire et morale. Les arabes ne s’excusent aucunement d’avoir fait commerce d’esclaves sur une grande échelle depuis longtemps, et continuent encore sans remords à goûter à l’esclavagisme d’une façon ou d’une autre. Quant aux africains, ils étaient eux-mêmes partie prenante (un africain sur quatre était l’esclave d’un autre africain)[1]. « Au lieu de faire sans cesse acte de repentance, soyons fiers d'avoir été une des premières nations avec l'Angleterre à avoir aboli l'esclavage et occupons nous des 22 millions esclaves (selon l'ONU) qui souffrent aujourd'hui à travers le monde. » (Dimitri Casali).
Est-ce le rétablissement en 1802 par Napoléon Bonaparte de l’esclavage qui vaut à ce monument de l’histoire mondiale de sombrer dans la Géhenne entre le CM1 et le CM2 emporté avec le siècle qui suit la Révolution française, et que l’on ne trouve dans le programme qu’à l’état embryonnaire ? (voir ci-dessous)
*« Ce domaine est consacré à la compréhension du monde que les êtres humains tout à la fois habitent et façonnent. Il s’agit de développer une conscience de l’espace géographique et du temps historique. Ce domaine conduit aussi à étudier les caractéristiques des organisations et des fonctionnements des sociétés (…) Il implique enfin une réflexion sur soi et sur les autres, une ouverture à l’altérité, et contribue à la construction de la citoyenneté, en permettant à l’élève d’aborder de façon éclairée de grands débats du monde contemporain. » (Domaine 5 du socle commun de la loi d’orientation pour l’enseignement de l’histoire)
[1] Selon Catherine Coquery-Vidrowitch, cité par Dimitri Casali (Le Huffington Post)
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Commentaires
J'ai lu cet article des "décodeurs". Les statistiques ethniques ou religieuses ne sont-elles pas interdites en France ?.
Moi, je suis très partagé sur ce genre de polémique. Car le sujet est complexe et la récupération facile de tous les côtés. Le gouvernement est à la recherche de symboles pour reconquérir le peuple de gauche. Et la droite à la recherche de formules choc pour reconquérir l'électorat d'extrême droite.
C'est comme pour le fameux 'Tous à poil" ! Pas d'accord pour dire qu'il s'agit d'une avancée pédagogique majeure. Pas d'accord non plus pour dire sur un ton grave que l'enseignement de la pédophilie est devenue obligatoire à la maternelle.
Mais en tout état de cause, s'il faut absolument choisir son camp polémique, je préfèrerais intégrer celui des "pseudo-intellectuels" fustigés par Madame Najat Vallaud-Belkacem.
Pour ma part, je pense que le fil de l'histoire c'est tout simplement le temps. Si on perd ce fil on provoque de la confusion, ce qui n'empêche pas de faire des synthèses qui survole ce temps une fois égrainé.
Avec les pseudo-intellectuels vous serez en bonne compagnie avec des gens comme Bruckner. La dénomination de Mme NVB est bien méprisante, d'autant plus que c'est elle qui me semble être entourée de pseudo-intellectuels jargonnant.
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Coucou Doc,
Je crois sincèrement que Madame Najat Vallaus Belkacem se trompe de vouloir imposer sa réforme des collèges.
Il était totalement inadapté d'enseigner l'histoire de France dans nos colonies, comme je l'ai appris en primaire
" Nos ancêtres les gaulois ... "
Cette formule emblématique "Nos ancêtres les Gaulois" se trouve chez Lavisse dans un passage du Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire (commencé en 1878 et publié en 1887):
Il y a dans le passé le plus lointain, une poésie qu'il faut verser dans les jeunes âmes, pour y fortifier le sentiment patriotique. Faisons-leur aimer nos ancêtres les Gaulois et les forêts des druides, Charles Martel à Poitiers, Roland à Roncevaux, Godefroi de Bouillon à Jérusalem, Jeanne d'Arc, Bayard, tous nos héros du passé, même enveloppés de légendes car c'est un malheur que nos légendes s'oublient, que nous n'ayons plus de contes du foyer, et que, sur tous les points de la France, on entende pour toute poésie que les refrains orduriers et bêtes, venus de Paris. Un pays comme la France ne peut vivre sans poésie.
Bien que, pendant un certain temps, les livres scolaires aient été les mêmes en métropole et dans les territoires d'outre-mer, cet enseignement, dans les colonies françaises, a été heureusement adapté aux populations locales. Ainsi en 1949 le manuel d'histoire de Bonnefin et M. Marchand, intitulé Que se passait-il en Algérie à l'époque où tel événement arrivait en France !
Mais combien de musulmans, sur 66,3 millions de français, dont 64,2 millions avec les territoires d'outre-mer ???
4 à 5 millions ? C'est le chiffre qu'on entend le plus souvent. Il provient du ministère de l'intérieur et n'est qu'une approximation assez floue : il s'agit d'une extrapolation tirée de l'origine géographique des populations. On pourrait donc dire qu'il compte les personnes de « culture musulmane », qu'elles soient ou non pratiquantes dans leur quotidien.
Cette extrapolation est classique. Ainsi, nombre de sondages n'hésitent pas à utiliser l'expression « d'origine musulmane », ce qui entretient la confusion : on peut être d'origine maghrébine sans être de confession musulmane.... Pour en savoir plus :
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/01/21/que-pese-l-islam-en-france_4559859_4355770.html#GJQC4ZWwtXQvQPjH.99
Bonne soirée Doc. ZAZA