• Médicalisation des opinions

    Médicalisation des opinionsCe dessin fait partie d’un livre « Les dessous du New Yorker » qui montre l’absence de tabous de ce magazine. A ce propos, l’auteur de l’article du Point fait remarquer : « Plus on feuillette et plus on se dit : la France est vraiment malade de trouille. Où sont passées notre liberté, notre ironie ? ».

    C’est qu’en France, comme dans la plus grande partie de l’Europe, la tendance est de rendre pathologique une opinion contraire ou une hostilité en utilisant avec une grande facilité le terme, avant tout médical, de phobie. La raison en est, sans doute, la folie des massacres qui se sont déroulés en Europe pendant la IIème guerre mondiale.  

    La phobie est une aversion instinctive sans aucune justification raisonnable. Si une opinion sur un groupe humain n’est aucunement justifiée ou pire repose sur des arguments erronés et encore pire sur des bases inventées de toutes pièces, il s’agit d’une aversion instinctive et on peut parler de phobie. Dans le cas contraire, utiliser le terme de phobie c’est considérer qu’une opinion défavorable, même argumentée, sur un groupe humain ou une de ses parties,  ressort de la psychiatrie et son porteur comme un malade, ce qui conduit à condamner son opinion comme sans fondement raisonnable et celui qui l’émet comme irresponsable mentalement, mais éventuellement responsable devant les tribunaux.

    Reste qu'il est souvent injuste et parfois dangereux de généraliser et d'englober dans une opinion sans nuance, aussi argumentée soit-elle, tous les individus d'un même groupe. Un individu doit être jugé sur ce qu'il est et ce qu'il fait, et non sur son appartenance à un groupe. La radicalité est au moins une psychorigidité, si elle n’est pas une phobie.

     On comprend alors que les gens, le personnel politique, les médias ont acquis la crainte d’être traités de X-phobes, même s’il s’agit d’une opinion étayée ou d’une antipathie sans la moindre agressivité (car on a tout de même la liberté de trouver des gens sympathiques ou antipathiques). D’où cette frilosité, les précautions oratoires un peu lâches, et le maniement d’une ironie le plus souvent constipée, surtout si celle-ci touche une fraction de la population prompte à dégainer ou protégée par des associations qui visent à niveler la pensée selon un politiquement correct de plus en plus étouffant.

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  • Commentaires

    1
    Mardi 11 Décembre 2012 à 19:31
    Votre analyse est excellente et j'y souscris sans réserve. Quant au dessi du New Yorker...superbe !
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    2
    Mardi 11 Décembre 2012 à 19:45

    C'est ce dessin remarquable qui m'a suggéré le billet.

    3
    Mardi 11 Décembre 2012 à 21:05
    Deux observations mais qui n'entrent pas en contradiction avec votre article:
    - en ex-URSS, on mettait facilement en hôpital psychiatrique des gens qui ne partageaient pas l'opinion officielle qui étaient "communistophobes".
    - on peut avoir une "phobie" d'un groupe humain si ce groupe partage la même idéologie (les djihadistes par exemple).
    4
    Mardi 11 Décembre 2012 à 22:29
    Je comprends que ce dessin vous ait inspiré ce billet. Bravo. Bonne soirée. ZAZA
    5
    Mercredi 12 Décembre 2012 à 07:37
    L'ancien responsable d'une de ces associations est devenu "premier secrétaire" d'un parti politique. Faut-il en déduire que la majorité qui a voté pour ce parti aime être "nivelée"?
    6
    Mercredi 12 Décembre 2012 à 11:22

    La médicalisation d'une opinion contraire a, en effet, atteint son sommet en URSS. Dans le cas d'une idéologie meurtrière, l'aversion que l'on peut avoir pour ses adeptes n'est pas une phobie car elle est parfaitement justifiée et raisonnable.

    7
    Mercredi 12 Décembre 2012 à 11:29

    Drôle, car il fait référence à Marilyn Monroe dans "Certains l'aiment chaud", et dérision du terrorisme islamique.

    8
    Mercredi 12 Décembre 2012 à 11:31

    Par la base.

    9
    Mercredi 12 Décembre 2012 à 13:56
    D'où les guillemets que j'ai mis à "phobie".
    Avez-vous remarqué que l'usage de ce signe de ponctuation se développe? Il permet d'utiliser un vocabulaire politiquement correct tout en suggérant au lecteur qu'il doit comprendre autre chose que ce qu'il lit. Exemple: un jeune dans la presse bien-pensante est souvent un "jeune".
    10
    Mercredi 12 Décembre 2012 à 14:12

    Les guillemets existent même dans le langag oral. J'avais fait un billet à ce sujet en 2009 dont voici un extrait. 

    Avez-vous remarqué que depuis quelques années, les interviouveurs et les interviouvés sur les ondes utilisent fréquemment les guillemets comme : « Cette réforme – entre guillemets – sera un échec », ce qui est un manque de courage car l’expression aurait dû être « Cette prétendue réforme sera un échec » ce qui est un jugement clair que l’introduction parlée des guillemets permet d’éviter.

    11
    Mercredi 12 Décembre 2012 à 17:35
    Quelle est l'expression courageuse pour un "jeune" (qui ne fasse même pas lever un sourcil aux associations?)
    12
    Mercredi 12 Décembre 2012 à 17:59

    Si un jeune ou un moins jeune se comporte comme un voyou : c'est un voyou. Comment qualifier quelqu'un qui incendie des voitures ? Incendiaire ou pyromane ? Les choses devraient être appelées par leur nom. Les dérives du langage correspondent souvent à une dérive de la société.

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