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Le choc des mots
En matière politique, moins on a de prise sur la réalité, plus on utilise de mots ronflants pour tenter de la modifier ou donner l’illusion de le faire.
Ne parlons pas de « l’inversion de la courbe du chômage », terminologie qui avait l’intérêt de frapper les esprits, mais pari dangereux (sinon stupide), car le chômage dépend des conditions économiques et aucunement des déclarations gouvernementales, alors que ces conditions avaient plutôt tendance à se détériorer.
Le mot « choc » a été utilisé, notamment dans le « choc de simplification ». Le mot « choc » est un mot fort, il exprime un bouleversement dans la relation des acteurs soumis au choc. En quoi passer de deux formulaires administratifs à remplir à un seul, par exemple, peut-il créer un choc ? Modification bienvenue, mais qui n’entraînera aucun bouleversement de la réalité.
Le mot utilisé récemment avec beaucoup de gourmandise est « pacte ». C’est encore un mot fort car il traduit un engagement solennel entre deux parties. Le « pacte de responsabilité » a pour ambition de lier le gouvernement et le patronat. Embauches contre allègements des charges des entreprises. Pour ce qui concerne la diminution des charges, il s’agit en fait de rembourser plus ou moins les sommes prélevées précédemment. Dans ce « pacte » le gouvernement va probablement alléger les charges des entreprises qui se retrouveront plus ou moins dans la situation antérieure où le chômage était déjà en hausse.
Le patronat promet néanmoins des embauches et son responsable a même avancé un chiffre, on aimerait bien savoir comment il a été déterminé car les embauches ne se décrètent pas. Les chefs d’entreprises n’embauchent que s’ils ont besoin de personnel pour faire face aux commandes. Un observatoire (un de plus) va être créé pour vérifier si les contreparties du pacte seront respectées par les patrons. Mais si ceux-ci n’embauchent pas parce qu’ils n’en ont pas les moyens, que se passera-t-il ? Comme on ne peut pas les obliger à embaucher, les charges seront-elles à nouveau augmentées ? Ce qui aboutirait à des licenciements. Tout part de l’idée (de la gauche de la gauche) que les patrons licencient pour le plaisir. Si cela peut être vrai pour les grandes entreprises où le volant du personnel constitue trop souvent un volant d’ajustement pour maintenir les bénéfices, ce n’est pas le cas des petites et moyennes entreprises qui tiennent en général à leur personnel.
Dans « pacte de responsabilité », le pacte n’en est pas un ou en tout cas très aléatoire, par contre « responsabilité » est le mot le plus important, car si dans l’avenir, après diminution des charges, il y a peu ou pas d’embauches, quels seront les responsables de la situation ? Les chefs d’entreprise et pas le gouvernement. Si l’efficacité de ce pacte est incertaine, la manœuvre ne manque pas d’habileté.
Mais ceci n’est que l’opinion d’un citoyen lambda et non d’un économiste, alors espérons que je me trompe et que les commandes augmenteront si le prix de revient des objets produits ou des services diminue assez pour devenir compétitifs.
Dessin paru dans le Canard enchaîné du 29 janvier 2014
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Commentaires
Je crois, comme vous, que ce pacte de responsabilité sera autant suivi d'effets que le fameux "choc de simplification" ! surtout quand on apprend qu'il sera financé pas des économies, choses qu'il est incapable de faire !
Par contre il faut bien reconnaitre que dans son couple, le "choc de simplification" en matière de rupture a bien été mis en œuvre !
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CQFD, Doc, et c'est comme cela que le serpent se mort la queue.. Mais comme l'écrivait hier Pangloss qui se posait la question du devenir du personnel de l'ex 1ère dame de France, c'est tout trouvé, affectation à l'observatoire du PACTE DE RESPONSABILITE...!
Beaucoup de grands mots pour pas grand chose, en définitive. J'ai toujours préféré les actes aux belles paroles !
Bonne soirée. ZAZA