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La fable du déclin
Ce matin, Nicolas le Bref se réveilla aux aurores, quitta la couche où Carla la Murmurante rêvait au Zénith et se mit à errer dans les couloirs de son palais, seul, sans son armée de conseillers dont certains avaient déjà, comme des rats, abandonné le navire à la recherche d’une pitance plus sûre.
Ce matin, Nicolas le Bref se sentait découragé. Il s’était agité jusqu’à l’épuisement, il avait parcouru de multiples pays dans son carrosse volant, il avait plastronné parmi les grands de ce monde, il s’était déplacé en vain dans des villages reculés à la rencontre de son peuple, il avait beaucoup parlé devant des foules qui le regardaient sans vraiment l’écouter, il avait beaucoup promis devant des manufactures mortes, il avait beaucoup donné à ses amis, il avait même fait une guerre pour les mahométans, et voilà que, découragé par les quolibets et les libelles, il se demandait s’il n’était pas temps pour lui d’abandonner la place et de laisser à d’autres la défense du palais contre les attaques conjointes de François le Mitron, du Béarnais dit Roue libre et de Marine Casque à pointe.
Mais qui serait digne de succéder à un personnage aussi considérable que lui ? Alain le Chauve ? Mais il fut malencontreusement déplumé en son temps. François le Sombre ? Ce serait donner le bourdon à un peuple qui l’avait déjà. Dominique le Barde ? Non, pas lui, n’est-on pas obligé de l’attacher à un croc pour l’empêcher de pérorer ?
Alors Nicolas le Bref poussa un soupir et conclut, certes à regret, qu’il était le seul digne de se succéder à lui-même et se redressa d’un mâle mouvement des épaules pour aller, d’un pas chaloupé, rassembler ses fidèles dépités.
Joan Miro : « Ubu roi »
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Commentaires
Rattrapé par l'affaire Bettencourt, Nicolas le Bref, va tout tenter pour être réélu, amnistie provisoire oblige...
Pourquoi les médias ne parlent-ils pas des affaires du monde à votre façon, leur audimat exploserait !
NettoueLes deux! Bien que ce ne soit pas ma tasse de thé, j'aimerais que la droite soit représentée par un candidat de meilleure qualité. Et puisqu'on en parle, la gauche aussi.Les hommes ou les femmes de talent ne manquent sûrement pas, mais peut-être que les chemins boueux de la politique les répugnent.
A mon avis, en prenant cette décision, il va au-devant de gros pépins, le Bref !C'est beau, c'est admirable quand même cette conviction inébranlable d'être le seul capable de sauveur du monde !
Son ego va beaucoup souffrir...enfin, je l'espère !Ce n'est qu'une fable. Mais quand on veut diriger un pays la moindre des choses c'est d'avoir confiance en soi et considérer que l'on est la meilleur pour le faire. Sinon il vaut mieux pour tout le monde se borner à cultiver son jardin.
Belle galerie de personnages résumés d'un nom, d'une situation, d'une plume affûtée et alerte et c'est bien parmi eux que se trouve le futur élu. On veut, on voudrait croire à autre chose qu'au déclin.Le choix de l'élu n'est pas enthousiasmant. Celui qui le sera ramassera un mauvais jeu, mais c'est nous qui règlerons la mise.
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Merci pour cet Ubi roi de Joan Miro. Très approprié à ce conte.
Bises et bonne journée
ZAZA