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Avant-première
Une fois n’est pas coutume, je retranscris ici l’intégralité d’un article rédigé par Laurent Sagalovitsch sur son blog de Slate.fr (« You will never hate alone ») et intitulé : « Dimanche soir, à 20 heures, ce sera génuflexion électorale pour tous ». Je ne saurais mieux dire.
"Ce sera le défilé des mines graves et contrites.
Sur les plateaux des grandes chaînes de télévision, les cadors et les petits marquis des partis politiques viendront dire leur profonde préoccupation face à cette abstention qui, élection après élection, ne cesse d’augmenter, et à la montée spectaculaire du score du Front National qui “doit nous interpeller et à laquelle en tant que démocrates, nous ne pouvons rester sans réponse.”
Tous, de droite comme de gauche, énonceront, la voix blafarde, les yeux cernés, le cœur en berne que ” ce soir, c’est d’abord et avant tout une grande défaite pour la démocratie et en même temps un signal d’alarme que nous envoient les français qu’il nous faut entendre et qui doit nous amener à revoir de fond en comble notre façon d’appréhender la politique, exigeant de nous interroger, au delà des clivages partisans, sur le divorce de plus en plus grandissant qui s’opère entre les français et ses représentants, entre le peuple et ses élites, entre la France du bas et celle à l’œuvre dans la capitale.”
Personne n’aura le cœur à rire.
L’heure sera à la remise en cause.
A la génuflexion électorale.
Chacun répétera en boucle qu’il faut entendre cette France qui souffre, cette France de la misère et du chômage, cette France des déclassés, des précaires, à qui il faut parler et parler encore afin de lui dire qu’elle se trompe en se fiançant avec les extrêmes qui leur promettent des solutions toutes faites et totalement irréalistes.
Les partis majoritaires conviendront que le moment n’est pas venu de se lancer dans des chicaneries électoralistes, et leurs porte-paroles s’accorderont à penser que ce soir ils sont avant tout tristes pour leur pays, tristes et inquiets, tout en restant convaincus que leurs chers compatriotes ne sont ni racistes ni xénophobes juste malheureux et déboussolés.
Qu’il ne faut pas les juger mais les comprendre.
Le premier secrétaire du parti socialiste montera sur l’estrade de la Rue de Solferino pour affirmer que “ce soir, malgré le bon score enregistré par notre parti, qu’il faudra encore confirmer voire amplifier dimanche prochain, il nous faut avant tout nous interroger sur la montée des extrémismes alliée à celle de l’abstention qui mettent gravement en danger le pacte républicain.”
Son collègue de l’UMP se félicitera certes “du véritable camouflet que le pouvoir socialiste vient d’enregistrer mais, qu’au vu du chiffre de l’abstention et de la progression indéniable du Front National, l’heure est avant tout à la mobilisation de toutes les énergies afin de tendre la main à cette France qui se sent délaissée et méprisée depuis trop longtemps.”
Comme depuis près de trente ans, les commentateurs de tout poil parleront de séisme électoral, chacun conviendra que désormais plus rien ne sera comme avant, que le pays est entré dans les profondeurs d’une crise, crise de confiance, crise de la démocratie, crise de la représentation dont personne ne peut encore prédire les réelles conséquences.
Les politologues, chiffres à l’appui, diront que ce qu’ont voulu dire ce soir les français, c’est leur lassitude et leur inquiétude, leur lassitude de n’être pas assez écoutés et leur inquiétude d’être déclassés, de se sentir désarçonnés par les dangers d’une mondialisation qu’ils perçoivent avant tout comme une menace pour leur acquis sociaux et leurs emplois.
L’expression d’un ras-le-bol généralisé.
L’impression d’être abandonnés en rase campagne, trahis, incompris, et qu’après avoir essayé la droite puis la gauche, ils se disent qu’ils ne risquent rien à tenter l’expérience de l’extrême droite.
Et dans le même temps, l’égérie du mouvement national s’en ira plastronner un peu partout que l’heure du réveil à sonné, que désormais le mouvement de la reconquête nationale est sur les rails et que plus rien ne pourra entraver sa marche en avant.
Des jeunes, attendrissants de naïveté, créeront des pages Facebook en proclamant que le fascisme ne passera pas par eux.
Vers minuit, tout le monde ira se coucher, l’air concerné en se disant que le pays est mal barré, que ça sent mauvais mais que les politiques récoltent ce qu’ils ont semé.
Qu’ils sont tous nuls.
Et moi je partirai d’un grand rire fatigué parce que le comique de répétition à la longue…"
Nous verrons ce soir si ces prévisions se révèleront exactes, mais je n'en doute guère.
Tags : Elections municipales 2014, Laurent Sagalovitsch
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Commentaires
Je trouve aussi, c'est pour cette raison que je me suis permis de pomper intégralement cet article.
Moi, j'ai bien aimé, comme toujours. Des élections un peu monotones, c'est vrai, car sans morts, sans accusation de fraude massive, sans contestation des résultats... bref, des élections comme des milliards de gens sur cette planète rêveraient d'en avoir ( taux d'abstention compris).
Ce texte ne parle pas des élections en elles-mêmes, mais de l'attitude des politiques devant les résultats.
7CarlusLundi 24 Mars 2014 à 11:07C'est vrai, je suis hors sujet. J'aime tellement les soirées électorales que j'ai un méfiance instinctive envers ceux qui les aiment moins. C'est très idiot de ma part, je le reconnais.
Non, pas vraiment. Je serais même très inquiet s'ils changeaient radicalement de discours à chaque passage à la télé.
J'ai préféré dessiner en compagnie de France Musique car je connais trop le ronron de l'après élection tel que le décrit si bien votre article emprunté. .. lassitude pour moi et rage contre ceux qui refusent de s'exprimer et qui permettent que ceux qui n'ont que des solutions qui n'en sont pas tirent les marrons du feu.
Bonne soirée à vous Dr WO
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J'appréhenderais la soirée électorale à la télé si je n'avais décidé de ne pas la regarder.