• 52. Coups de bistouri

    «  Le chirurgien doit être sûr qu’il n’est pas saoul quand il opère ses patients » conseille le chirurgien, chevalier de l’Ordre Teutonique, Heinrich von Pfolspeundt  en 1460.[1]

    Le bloc opératoire est le théâtre des opérations où des protagonistes costumés et masqués jouent une pièce pas toujours tragique mais jamais comique. Le chirurgien y passe une grande partie de son temps à faire des nœuds, bien que ceux-ci aient tendance à se former spontanément sur le fil lorsqu’on a le dos tourné.

    La cicatrice est pour bien des opérés le critère principal d’appréciation de la qualité du chirurgien. Un critère superficiel, surtout lorsque l’opérateur laisse à son aide le soin de fermer la voie d’abord.

    Le patient doit savoir qu’en se réveillant après une anesthésie, il lui manque presque toujours quelque chose et qu’Il est déplacé de sa part de mourir après une prouesse chirurgicale. Mourir juste avant est une preuve de savoir vivre.

     

    Avant l’anesthésie, la célérité du chirurgien faisait sa célébrité.

    Au XVIIIe siècle le britannique William Cheselden enlevait une pierre de vessie en quarante cinq secondes. Le Baron Larrey, « Chirurgien de l’Empereur » (portrait) est resté célèbre pour la rapidité avec laquelle il amputait les victimes de celui-ci.  Au début de l’anesthésie, qui n’était qu’une asphyxie plus ou moins contrôlée, il ne fallait toujours pas traînasser et le brillant chirurgien écossais Robert Liston disait aux spectateurs en commençant une opération : « Chronométrez-moi, Messieurs, chronométrez-moi ». A présent c’est la longueur d’une intervention qui impressionne.  

                                                                                                                                                                    

    De l’audace. Toujours de l’audace ?

    On admire les chirurgiens audacieux. Mais si l’audace est pour le chirurgien, le risque et le courage sont réservés au malade. Au XIXe siècle, Jules Maisonneuve était vanté pour son audace. En faisant son éloge en 1900, le Pr Jean Reclus évoque ces chirurgiens « qui ne craignent pas que les prouesses de l’opérateur aient pour rançon la vie de l’opéré ». Inversement pour le Pr Antonin Gosset «  Le timide est plus dangereux que l’audacieux. » Qui croire ?

                                                                                    

    De l’adresse.

    L’adresse est une qualité attribuée d’office au chirurgien. Quand un chirurgien dit d’un de ses collègues qu’il est adroit – un excellent opérateur, une fine lame ! - on comprend qu’il veut dire qu’il n’est pas très regardant sur les indications. Inversement quand il dit que c’est un bon clinicien on comprend qu’il opère mal. Dans ce domaine une bonne moyenne semble préférable.  «  Les dons trop affirmés figurent dans l’exercice de la médecine un danger plutôt qu’une garantie » (Alexandre Couvelaire, Professeur de Clinique obstétricale). Toutefois «  Il n’est pas nécessaire d’être maladroit pour faire une opération » (Pr Judet).

     

    De la responsabilité «  Surtout pas de connerie, je me charge de tout » aurait dit à ses aides le grand chirurgien Jules Péan en commençant une opération.

                                                                                    

    Du bistouri à la gloire.

    « La gloire des chirurgiens ressemble à celle des acteurs, qui n’existent que de leur vivant et dont le talent n’est plus appréciable dès qu’ils ont disparu. » (H. de Balzac)[2] Propos démenti par la postérité qui se souvient aussi bien du Docteur Desplein de la Comédie Humaine que de son modèle, Guillaume Dupuytren (portrait), le prototype du «  grand patron » du XIXe siècle. Celui que son collègue Lisfranc appelait méchamment « le brigand de l’Hôtel-Dieu » mérite sa gloire,  non seulement pour la description de « sa » maladie mais aussi pour son courage lorsqu’il s’est opposé à la police qui voulait mettre la main sur les blessés des Trois Glorieuses hospitalisés dans son service.


    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora



    [1] Cité par K. Haeger, History of Surgery

    [2] La messe de l’athée

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 27 Février 2009 à 18:07
    Mais c'est très intéressanr tout ça!
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    2
    Vendredi 27 Février 2009 à 19:10
    Tant mieux. Au moins quelqu'un que ça interesse.
    Dr WO
    3
    Vendredi 27 Février 2009 à 23:23
    merci pour cet article j'ai travaillé 3 ans en chirurgie viscérale c'était une bonne expérience depuis j'ai voyagé dans d'autres services et aujourd'hui je suis ide en pédopsychiatrie et là depuis 2 ans je me sens a ma place..... amicalement Krismalo
    4
    Samedi 28 Février 2009 à 10:34

    On pourrait dire que chirurgie et pédopsychiatrie sont à l'inverse l'un de l'autre. Cela vous fait beaucoup d'expérience. Puisque vous êtes dans le métier, il est possible que mes "chroniques médicales" vous intéressent. Amicalement.
    Dr WO

    5
    Samedi 28 Février 2009 à 10:43
    Bien sûr que c'est intéressant tout ça et j'apprécie beaucoup vos chroniques médicales...même si la leçon principale est qu'il vaut mieux être en bonne santé !
    6
    Samedi 28 Février 2009 à 10:51
    C'est incontestable.
    Dr WO
    7
    Mardi 3 Mars 2009 à 12:59
    L'aléa thérapeuthique... Est-ce pour excuser l'audace du chirurgien ?
    8
    Mardi 3 Mars 2009 à 13:20
    Parfois. Mais l'audace permet aussi des miracles.
    Dr WO
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