• 47. Histoires de remèdes (3)

    Les choses s’expliquent

    Les extraits et décoctions d’écorce, feuilles et sève contenant des précurseurs de l’aspirine ont été utilisés contre les fièvres et les douleurs articulaires depuis l’Antiquité. Au XVIIIe siècle,  le Révérend Edward Stone faisait remarquer que si les saules poussent dans les lieux humides et malsains, justement là où l’on attrape des fièvres et des rhumatismes, ce ne peut être un hasard.

     

    Un remède miraculeux

    Auguste Kékulé disait avoir découvert le cycle du benzène après avoir vu en rêve un serpent se mordant la queue. On peut se demander si comme le rêve,  l’insomnie favorise la pensée créatrice ou l’inverse ? C’est en tous cas pendant une nuit d’insomnie que le jeune chirurgien et physiologiste canadien Fréderick Banting eût l’idée qui conduisit à la découverte de l’insuline. La veille il avait lu un article montrant que l’obstruction des canaux du pancréas provoquait la destruction de la partie digestive de la glande (les acini) en préservant la partie qui fabrique l’hormone (les îlots de Langerhans). Banting en se retournant dans son lit eut une « idée fulgurante », aussitôt notée dans son carnet : « Lier les canaux pancréatiques des chiens. Les maintenir en vie jusqu’à la dégénérescence des acini, laissant les îlots. Essayer d’isoler leur sécrétion interne pour guérir la glycosurie. » (cité par J. Hazard et L.Perlemuter, L’Homme hormonal, éd. Hazan). Et Banting pût enfin s’endormir à deux heures du matin.

    Frederick Grant Banting, Charles Herbert Best, James Richard MacLeod, James Bertram Collip, Marjorie, et Léonard Thomson sont les héros canadiens de l’épopée qui aboutit en 1921 à une des plus grandes découvertes de l’histoire, non seulement de la médecine mais de l’humanité : celle de l’insuline à qui des millions de diabétiques doivent la vie. Marjorie est la première chienne rendue diabétique qui a survécu grâce à des extraits pancréatiques. Léonard, un garçon de 14 ans, est le premier sauvé par l’insuline. Les quatre autres ont tous contribué d’une façon essentielle à la découverte. Seuls Banting et son patron Macleod ont été récompensé par le prix Nobel 1923. Ils en ont partagé le montant avec les deux autres. Aucun n’a pris de brevet. Autre temps, autres mœurs….

     Banting (à droite), Best (à gauche), la chienne (en bas)



    La multiplication miraculeuse des petites pilules

    Aujourd’hui les médicaments se multiplient par miracle et peuvent même précéder les maladies « Rien n’est plus prodigieux que de découvrir des maladies nouvelles qui correspondent aux nouveaux médicaments » (Georges Elgozy[1]). L’offre pharmaceutique étant en expansion continue comment s’étonner de l’augmentation de la demande[2]. Le médecin est noyé par un flot continu de spécialités dont la plupart ne sont que des clones du produit initial et le rôle principal des visiteurs délégués auprès des médecins par les laboratoires est de leur démontrer que ces clones diffèrent les uns des autres.

    Il existe un médicament pour chaque mal et une notice pour chaque médicament comme un avocat accompagne son client. Les médecins ne sont pas en reste, lorsqu’ils modifient les critères de normalité ou discutent même cette notion, et traitent des patients qui ne sont pas encore malades mais qui ont une certaine probabilité de le devenir. Où commence l’abus ? La frontière n’est pas la même pour les gens sains et ceux qui sont malades, qui pensent l’être ou craignent de le devenir. Il est cependant regrettable que l’armoire à pharmacie serve surtout à conserver les médicaments périmés.

    Prescrire était l’acte de la consultation le plus respecté. Il l’est moins depuis que la plume a été remplacée par l’imprimante qui sort une ordonnance préétablie et il ne l’est pas du tout lorsque la prescription est faite sous la dictée du patient.

    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora 



    [1] L’Esprit des mots

    [2] En France, la part du PIB consacrée à la consommation de médicaments serait de 2%, chaque Français en aurait pris en moyenne 40 boîtes en 2001. Actuellement le montant global des dépenses publiques de santé représenterait 8,9% du PIB selon Jacques Marseille (le Point du 15/O1/2009).

    « PropositionMEUTES XIII »

  • Commentaires

    1
    Vendredi 16 Janvier 2009 à 21:40
    La médecine n'est plus un art mais une technique. On peut le regretter.
    2
    Vendredi 16 Janvier 2009 à 22:20

    Les techniques souvent très élaborées fournissent des outils remarquables, mais elles ne remplacent pas l'art de la parole et elles ne donnent pas la décision dans chaque cas et aucun cas ne ressemble vraiment à un autre. Les médecins et les chirurgiens discutent parfois longuement et sans être d'accord sur l'attitude à adopter alors que les techniques fournissent des renseignements complets. La médecine est moins approximative mais elle reste un art : l'homme est plus complexe qu'une machine.
    Dr WO

    3
    Samedi 17 Janvier 2009 à 08:39
    Quand l'art s'efface devant la technique, le malade est broyé par la machine.
    4
    Samedi 17 Janvier 2009 à 10:25

    La machine explore, regarde, espionne. L'art du médecin est de critiquer et d'utiliser à bon escient les renseignements qu'elle apporte, mais le malade soumis à des machines impressionnantes peut, en effet, avoir le sentiment d'être pris en charge par elles et donc "broyé".
    Dr WO

    5
    Samedi 17 Janvier 2009 à 11:55
    Il y a la "machine" administrative.
    6
    Samedi 17 Janvier 2009 à 12:20
    Celle-là ne fait pas de quartiers et le médecin est aussi broyé que le malade...C'est une façon de rapprocher les deux.
    Dr WO
    7
    Samedi 17 Janvier 2009 à 13:13
    Des analyses effectuées sur une petite fille le 23 novembre dernier dans un service spécialisé d'un hôpital parisien. Depuis pas de nouvelles malgré les nombreuses relances des parents et du médecin traitant!
    8
    Samedi 17 Janvier 2009 à 13:24
    Si l'offre pharmaceutique "explose" n'est-ce pas qu'il y a quand même un problème du côté de l'industrie du même nom? peut-être que le coût du médicament n'est pas un sujet central. Mais les entreprises du secteur se comportent comme celles de l'automobile ou de l'électronique en lançant sans arrêts de nouveaux produits ne correspondant peut-être pas à des besoins réels. Et la recherche ou les frais commerciaux pour ces nouveaux produits, cela comporte bien un coût, non?
    9
    Samedi 17 Janvier 2009 à 14:08

    Je ne connais pas ce cas mais il me rend perplexe. Pour quels raisons les résultats n'ont-ils pas été donnés ? C'est inhabituel : analyses réalisées ailleurs ? Vérifications ?? Mais même dans ces cas on met au courant les parents du problème. C'est inadmissible dans les laisser dans l'ignorance.
    Dr WO

    10
    Samedi 17 Janvier 2009 à 14:43

    Je suis entièrement d'accord. Les laboratoires pharmaceutiques sont des entreprises comme les autres avec les mêmes impératifs. Mais ce libéralisme conduit aux innovations, l'innovation étant également un impératif de survie (les fabriquants de génériques vendent des médicaments, mais ils pourraient vendre des savonnettes). Dans les anciens pays communistes la recherche pharmaceutique était nulle. Reste que pour vendre un produit on tente de créer un besoin, voire une nouvlle maladie (c'est le cas de "l'andropause" chez l'homme, alors qu'elle n'existe pas)
    Dr WO

    11
    Samedi 17 Janvier 2009 à 19:03
    Je viens de perdre un espoir : que les hommes connaissent quelque désagrément de type hormonal afin que nous nous sentions moins seules. Non, ce n'est pas gentil Dr WO de dire que l'andropause n'existe pas ! Pour le reste je suis entièrement d'accord.
    12
    Samedi 17 Janvier 2009 à 20:29
    Navré. La sécrétion de testostérone baisse avec l'âge chez les hommes, mais ne cesse pas.
    Dr WO
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