• 443. La vertu et le vice

    443. La vertu et le vice« Le diable se niche dans les détails. En annonçant ce mercredi 8 mars son souhait d’inscrire dans la Constitution la "liberté des femmes à recourir à l’interruption volontaire de grossesse", Emmanuel Macron suscite les applaudissements de la majorité… et les doutes de la gauche. Le chef de l’Etat a en effet affirmé lors d’un hommage à l’avocate féministe Gisèle Halimi que cette modification s’inscrirait "dans le cadre du projet de loi portant révision de notre Constitution qui sera préparé dans les prochains mois". "Un projet de loi constitutionnel d’ensemble élaboré dans une recherche de consensus", indique l’Elysée, sans plus de précisions. » (L’Express).

     Cette annonce suscite au moins deux questions. La première est, bien entendu, l’inscription du droit (ou de la liberté, selon une autre formulation proposée plus restrictive) à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, et d’après les analystes, cette inscription a toutes les chances d’être adoptée par les 3/5 des assemblées.

    L’IVG encadrée par la loi est une nécessité. Ayant en tant que jeune médecin, avant la loi de 1975, assisté à la détresse des femmes recourant aux « faiseuses d’anges » qui les amenaient trop souvent à l’hôpital pour des complications parfois mortelles après un avortement dit « criminel ». Le fait qu’il soit considéré comme « criminel » et qu'il soit dangereux ne dissuadaient pas les femmes, en raison de leur situation, à ’interrompre leur grossesse dans des conditions le plus souvent déplorables.

    Je comprends donc que l’on veuille protéger au maximum la loi qui permet aux femmes de recourir à l’IVG si elles le désirent, en sachant bien que ce recours est difficile, pénible, et jamais décidé de gaité de cœur de leur part. Pourtant cette loi a-t-elle sa place dans une charte dont le but est de préciser les principes et le mode de gouvernement ? Un fait médical au milieu des lois de gouvernance ? Je suppose que l’introduction de la loi de 1975 dans la Constitution rendrait son abrogation difficile mais pas impossible sous un gouvernement d’une autre nature.  D’autres sont sûrement mieux placés pour discuter de la légitimité et de l’efficacité d’une telle démarche.

    La deuxième question est plus politique. D’après le texte cité ci-dessus, le droit à l’IVG se retrouverait au milieu d’une révision plus large de la constitution et pourrait constituer, en quelque sorte, un cheval de Troie pour que le reste soit adopté. C’est malin, mais vicieux, si c’est le cas et dans la mesure où les articles du projet de révision de la Constitution ne seraient pas susceptibles d’être adoptés séparément. Le vice n'est jamais loin de la vertu.

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  • Commentaires

    1
    Samedi 11 Mars 2023 à 19:50

    Deux ou trois reflorions sans intérêt particulier :

    "...élaboré dans un recherche de consensus... etc. ", ç'aurait été tout aussi bien si l'Elysée et ses porte-paroles de l'Express avaient parlé de "élaboré après et à l'issue d'une  longue recherche collective et citoyenne d'un consensus" (mais je peux me tromper !)

    Je ne suis pas sûr que Madame Simone Veil qui n'est quand même pas pour rien dans la "dépénalisation" de l'IVG autre que pour convenance personnelle il y a bientôt 50 ans ait souhaité que celle ci devienne un droit constitutionnel (mais je peux me tromper !)

    "Je suis évidemment partisan, comme les 3/5 des élus..."...alors ça, j'ignorais que vous faisiez partie des zheureux zélus... Moi, plus modestement, comme 20% des concitoyens, je veux bien que l'IVG soit encadré par la Loi, mais guère plus (mais, etc...) 

     

      • Samedi 11 Mars 2023 à 19:59

        Je crois que Macron a une conception très personnelle du consensus. Nous sommes donc d'accord pour la nécessité, je dirais même médicale, de l'IVG encadrée par la loi. L'inscription dans la Constitution est discutable, mais les droits ne sont jamais acquis définitivement.

      • Dimanche 12 Mars 2023 à 14:09

        Macron semble avoir des "conceptions très personnelles" de ce qui se disait et se faisait avant Lui, mais si on a élu le plus jeune président de la République jamais élu depuis le début de la Cinquième République, c'est pas pour qu'il nous fasse une politique de boomer aigri et cacochyme, non ?

         

         

         

        Complotiste comme je suis, vais-je finir par craindre que le passage d'une possibilité offerte dans certaines situations et strictement encadrée par la Loi à un droit constitutionnel inaliénable en ce qui concerne l'avortement, n'entr'ouvre une porte à une évolution de l'euthanasie jusqu'à présent également une "possibilité offerte dans certaines situations et strictement encadrée par la Loi" ?

        Non... je pousse un peu loin le bouchon et il faut être bigrement pernicieux et/ou inconscient pour voir le début du commencement d'une vague similitude entre ces deux gestes médicaux

        Faites comme si je n'avais rien dit

         

      • Dimanche 12 Mars 2023 à 14:38

        Le souhait d'inscrire le droit ou la liberté de l'IVG dans la constitution ressort du souci d'une fraction de la population de protéger davantage la loi Veil. Un souci qui est apparu après sa remise en cause aux USA. L'euthanasie est une question différente (les mettre sur le même plan tient de l'amalgame partisan) et une loi pour la permettre ou non sera logiquement débattue, ce qui n'aurait rien de scandaleux quand des pays voisins ont pris des décisions dans ce sens depuis de nombreuse années. Rien de machiavélique ou de complotiste.

      • Dimanche 12 Mars 2023 à 15:05

        La "Loi Veil" a tété bien défigurée et son contenu dépoussiéré... (Vous devez connaître ce contenu originel bien mieux que moi qui le redécouvre partiellement) C'est normal, la société évolue et la Loi doit évoluer en même temps... il faut "vivre avec son temps".

        Le reste n'est pas un "amalgame partisan" (je crois avoir déjà suggéré que je détestais les amalgames d'où qu'ils viennent et que les partis-pris a priori ne sont pas ma tasse thé habituelle),  c'est juste une l'expression de ma définition de la vie, que ce soit celle d'un fœtus ou celle d'un moribond. Définition toute théorique je l'avoue, n'ayant jamais été confronté à l'une de ces situations comme a pu l'être un soignant...

         

      • Dimanche 12 Mars 2023 à 15:25

        La définition de la vie .Vaste débat.

    2
    Souris donc
    Lundi 13 Mars 2023 à 09:10

     

    Du temps des boomers, il était interdit d'interdire, dans Charlie Hebdo est paru le "Manifeste des 343 salopes" illustré par Cabu. Et la loi Veil fut adoptée sans problème.

    Aux USA, chaque Etat légifère, ce qui provoque des inégalités de traitement du contentieux quand il y en a. Il est arrivé que le géniteur s'insurge contre une IVG et demande réparation, la Cour Suprême l'a débouté.

    Macron prend peut-être les devants : droit à l'IVG dans la Constitution, et les litiges seront réglés en Conseil Constitutionnel (les "Sages")

      • Lundi 13 Mars 2023 à 09:24

        La loi fut adoptée, mais pas sans problème. La séance au parlement a été houleuse et Simone Veil plus ou moins insultée.

      • Souris donc
        Lundi 13 Mars 2023 à 09:55

        Et pas qu'un peu : ses opposants ont osé comparer le foetus au Juif gazé par les Nazis.

      • Lundi 13 Mars 2023 à 10:29

        Ce qui était remuer le couteau dans la plaie.

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