Quand on visite les lieux de culte du christianisme, il est rare que l’on n’ait pas une relique à admirer. Des bouts d’êtres humains soigneusement conservés et protégés à l’abri des convoitises. Je crois que c’est en Espagne que j’en ai vues le plus.

La religion chrétienne est née avec la torture par les Romains d’un homme bon de Judée qui fut par la suite divinisé. L'instrument de torture favori des Romains devint l'emblème des chrétiens et volontiers porté au cou des jeunes filles. Le christianisme est basée sur la mort et la résurrection présumée de Jésus de Nazareth. Son prépuce retiré quelques jours après sa naissance pour marquer sa judéité et éviter le phimosis devint la relique  la plus convoitée. Elle s'est miraculeusement multipliée à travers la chrétienté (voir "le prépuce astronomique").

La mort est présente dans la plupart des religions dont elles assurent la gestion et la consolation. Le record étant détenu par les croyances de l’Ancienne Egypte où les hauts dignitaires passaient leur vie à préparer leur mort, notamment leur tombeau que les pharaons voyaient immense et pyramidal.

Le goût des reliques atteint également des médecins, je me souviens que pour passer jadis l’oral de l’internat dans sa formule ancestrale, j’avais attendu à l’hôpital Necker dans un local où les murs étaient tapissés de bocaux contenant des restes humains dont des fœtus nageant dans un liquide qui n’était plus amniotique. Je me demande s’il n’y avait pas une certaine perversité à nous faire patienter en un tel lieu avant de passer une rude épreuve riche en palpitations.

La République cultive moins les reliques, du moins directement visibles. Une exception toutefois, celle concernant le cadavre de Léon Gambetta. Homme adulé en son temps qui mourut bêtement d’une appendicite que les nombreux médecins qui l’entouraient n’avaient pas voulu ou osé opérer. L’autopsie s’était avérée nécessaire le 2 janvier 1883 pour écarter les soupçons sur cette mort à l’âge de 44ans, à l’issue de laquelle on fut plutôt discret sur la cause de la mort provoquée par une faute médicale collective qui n’aurait probablement pas été commise pour un patient ordinaire. Par contre, le corps de Gambetta fut littéralement dépecé et des morceaux du grand homme emportés par les médecins présents, les morceaux étant choisis selon la spécialité de chacun d'eux. C’est ainsi qu’aujourd’hui : une mèche de ses cheveux figure à l’Assemblée Nationale, un de ses yeux se trouve à Cahors, son cerveau est au muséum de Paris (son volume aurait été décevant pour ses admirateurs), son cœur est au Panthéon, son bras droit a disparu de même qu’une partie de ses intestins et sa tête. Ce qui reste de son corps repose à Nice.

Illustration : Andrea Mantegna

Source pour l'autopsie de Gambetta : article du Pr Anne Carol paru dans La Revue du Praticien de 11. 2022