• 394. Mort sans crédit

    394. Mort sans crédit

    Dans la seconde moitié du Moyen Age, en Europe, l’Eglise, qui s'était jusqu'alors opposée aux autopsies, admit la nécessité d’une connaissance de l’anatomie humaine. La dissection des corps humains fût permise à titre exceptionnel et selon un cérémonial. On se servait des criminels exécutés qui bénéficiaient alors de rites religieux et d’indulgences. Des officiels étaient invités, la bulle papale concernant la dissection était lue au préalable, la tête du sujet, siège présumé de l’âme, était souvent enlevée. La dissection commençait après une prière. Le cadavre était ouvert par un serviteur, le médecin ne le touchait pas et placé en hauteur et à distance, lisait à haute voix un passage de Galien en montrant avec une baguette les structures mentionnés dans le texte. Si texte et structures ne concordaient pas, on allait jusqu’à dire que Galien avait raison mais que l’homme avait changé depuis le IIe siècle. La dissection se terminait par un banquet, un concert ou une représentation théâtrale. Cette cérémonie durait au moins deux jours.

    Chacun a pu constater que l’autopsie est devenue un spectacle télévisuel habituel où un médecin légiste, souvent une femme dont la beauté contraste avec l’environnement, mais quand c’est un homme, il s’agit assez régulièrement d’un clown sans doute chargé de détendre l’atmosphère par ses saillies.

    Il semble que ce spectacle mortuaire réservé in vivo, si j’ose dire, au corps médical tente de sortir de la télévision pour s’offrir aux amateurs comme dans la seconde moitié du Moyen Âge, mais contre « espèces sonnantes et trébuchantes ». A Portland dans l’Oregon, 70 Américains ont déboursé 500 dollars pour assister le 17 octobre dernier à l’autopsie d’un homme de 98 ans, décédé de la Covid-19, effectuée par un médecin légiste retraité dans la salle de réception d’un grand hôtel. Après le prélèvement des organes dûment commenté, le public fut autorisé à enfiler des gants chirurgicaux et à manipuler le cadavre. 

    C’est l’organisme « Death Science » qui avait mis sur pieds l’événement en annonçant : “une autopsie médico-légale sur un cadavre complet", une “dissection anatomique qui offrira un regard unique sur ce qui se trouve sous notre peau, dans notre corps et comment tout cela fonctionne ensemble”. Et pour mettre en appétit les amateurs, le programme promettait enfin un “accès au cadavre avant, après et pendant les pauses. Ce qui fut fait. Le corps avait été légué à la science et la famille ignorait son exhibition posthume.

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  • Commentaires

    1
    Samedi 6 Novembre 2021 à 19:23

    On tremble à l'idée du menu servi au cours du banquet qui suivit le spectacle.

      • Samedi 6 Novembre 2021 à 23:39

        Les cuisiniers peuvent être distraits

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    2
    Samedi 6 Novembre 2021 à 20:31

    Quelle horreur ! Même gratuitement je ne voudrais pour rien au monde assister à une autopsie, les mises en bière dans la famille m'ont déjà beaucoup choquée !

    Décidément ces ricains ont de drôle de passe temps !

      • Samedi 6 Novembre 2021 à 22:27

        L'argent n'a pas d'odeur.

    3
    Souris donc
    Dimanche 7 Novembre 2021 à 11:32

    L'Empereur Frédéric II du Saint Empire Romain Germanique a été excommunié pour avoir encouragé les autopsies.

    L'excommunication était très grave : aucune cérémonie religieuse si l'Empereur était dans la ville. Or le Saint Empire n'avait pas de capitale, ou plutôt elle était "itinérante" et se trouvait là où se trouvait l'Empereur.

    Frédéric II, orphelin, avait été élevé en Sicile, où les Normands avaient confié l'Instruction aux Arabes. Lesquels n'avaient pas les scrupules des Papes vis à vis de l'autopsie.

    Donc, élevé par les Arabes, Frédéric II encourageait la science*, dont les autopsies et se déplaçait... avec son harem. Grands dieux, un harem !!!!, ça, et les autopsies, c'en était trop.

    Bonne aubaine pour l'excommunier. Mais en fait, la monarchie étant élective, le Pape voulait avoir un regard sur les Grands Electeurs (Princes, évêques, villes hanséatiques), et Frédéric II ne voulait pas que le Pape se mêle du pouvoir temporel dans son Empire.

    C'était ce qu'on a appelé la "Querelle des Investitures". 

    *Frédéric II a écrit des traités de fauconnerie et de droit.

      • Dimanche 7 Novembre 2021 à 11:46

        J'avais consacré un billet à ce souverain atypique "Voltaire, roi de Jérusalem".

      • Souris donc
        Dimanche 7 Novembre 2021 à 12:41

        Je ne connaissais pas votre blog, mais nous sommes d'accord !

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      • Dimanche 7 Novembre 2021 à 18:22

        Je n'ai pas lu ce livre, il en vaut sûrement la peine. Un mélange naturel mais aussi critique des cultures.

    4
    Dimanche 7 Novembre 2021 à 14:04

    Je me suis toujours posé la question (très puérile, je le reconnais) à propos des médecins légistes : comment peut-on faire tant d'années d'études pour aller s'enfermer dans un sous-sol réfrigéré à disséquer des cadavres toute la journée ?  

     

    PS : Il me semble que même à l'époque où la dissection était interdite comme acte médical, les cœurs et les viscères des rois de France étaient officiellement  prélevés pour être conservés ailleurs (dans un monastère, une cathédrale...) que le reste des corps (en général à Saint Denis)  

      • Dimanche 7 Novembre 2021 à 18:39

        Remarque judicieuse sur les morceaux prélevés de corps humain qui deviennent sacrés et même visitables à l'époque où l'on interdisait l'autopsie qui cherchait à faire progresser la science.

        J'ignore la motivation des légistes. Un patient mort est muet et sans revendications. Peut-être la passion de résoudre des énigmes avec peu de conséquences en cas d'erreurs.

        NB Parallèle César/De Gaulle. L'un a colonisé à l'avantage des colonisés. L'autre a décolonisé pour éviter une colonisation des colonisateurs avec un succès mitigé Quant aux aides au développement, elles ne cessent de se déverser en vain, sauf pour les dirigeants.

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