• Un étrange féminisme

     

    Les députés viennent de voter la pénalisation du client en matière de prostitution. Cette loi était dans les tuyaux depuis plusieurs années et à ce propos j’avais publié un petit article en novembre 2013 : « Le client ne sera-t-il plus roi ? »  où il me semblait que prétendre faire disparaître la prostitution en taxant la clientèle me paraissait illusoire :

    Les siècles passent, les empires trépassent, les monarques se succèdent, les républiques changent de numéro, les gouvernements tombent, les lois changent, et la prostitution est toujours là. Interdiction, déportation des prostituées, dépénalisation, ouverture ou fermeture des maisons closes, encadrement légalisé…De nombreuses formules ont été essayées pour contrôler ou « humaniser » la prostitution, aucune n’est évidemment satisfaisante pour lutter contre la marchandisation du sexe.

    Quant à l’argument de la marchandisation du corps de la femme, c’est une notion bien complexe. Peut-on mettre sur le même plan : la traite et l’esclavage des femmes, la "travailleuse sexuelle", la call-girl, l’escort-girl, l’actrice des films pornographiques, l’assistante sexuelle, l’utilisation du corps féminin dans la publicité, et la grossesse pour autrui ?

    Cette loi passe outre la notion de consentement, considérant que la femme est toujours une victime non consentante quelles que soient les affirmations des intéressées. « Les abolitionnistes en viennent toujours à mettre en question le principe du libre consentement, donc à accuser les prostituées de mentir ou de s'illusionner lorsqu'elles déclarent qu'elles ne sont soumises ni à un proxénète ni à un réseau mafieux… Cette vision paternaliste et victimaire implique un refus de considérer les prostituées comme des sujets libres et responsables. Elles doivent se contenter de leur statut de victimes, pauvres créatures destinées à être rééduquées. » (Pierre-André Taguieff).

    Dans les pays comme la Suède où le client est pénalisé, il est vrai qu’il y a moins de prostituées dans les rues. Mais la prostitution ne se développe-t-elle pas ailleurs ? Racolage par internet, prostituées dans les appartements et pour certaines séquestrées par les proxénètes, avec ce que cela comporte de dangers : précarisation, risques sanitaires accrus, multiplication des réseaux clandestins.

    Si on peut douter de l’efficacité de la mesure, si ses aspects négatifs ne sont pas à négliger, pourquoi pénaliser le client et entraver le « travail sexuel » de celles qui veulent l’exercer librement ?

    L’opinion de Taguieff qui vient de publier : « Des Putes et des hommes, Vers un ordre mondial androphobe » est que cette loi a été votée sous l’influence des « néo-féministes » chez lesquelles domine la haine des hommes :

    « Les néo-féministes ont notamment imposé leur vision négative de l'homme, du mâle humain, en tant que violent, dominateur, exploiteur et violeur potentiel. Si les clients doivent être pénalisés, c'est avant tout parce qu'ils sont des hommes. Cette vision androphobe ou misandre s'inscrit dans une véritable conception du monde, fondée sur la thèse selon laquelle la « domination masculine » ou le «patriarcat» explique la plupart des malheurs du monde. Elle implique de classer tous les humains en dominants et dominées, coupables (hommes) et victimes (femmes), et ainsi alimente la guerre des sexes. L'alibi des abolitionnistes est la décriminalisation des prostituées, qui passent ainsi du statut de délinquantes à celui de victimes innocentes. Les clients, quant à eux, sont coupables par nature, puisqu'ils sont du sexe dominant et exploiteur. Ils peuvent donc être criminalisés, et assimilés plus ou moins aux proxénètes. Cette vision manichéenne empruntée à un féminisme punitif et androphobe est au principe du projet de loi…Ce paternalisme d'État est inquiétant en ce qu'il revient à s'immiscer dans la vie privée des citoyens. Mais, plus fondamentalement, sa visée purificatrice s'inscrit dans le champ des utopies futurocentriques qui ne peuvent tenir leurs promesses sans donner naissance à des formes de dictature. »

    Ceci est un extrait de l’entretien que Taguieff a donné au Figaro le 6/04/16 et lorsque le journaliste lui pose la question sur l’étrange silence des féministes après les évènements de Cologne, je retranscris une partie de sa réponse :

    « L'affaire des agressions sexuelles de Cologne permet de mettre en lumière, tout à la fois, les récentes métamorphoses du féminisme gauchiste et la banalisation de ce racisme culturel émergent qu'est le racisme anti-Blancs, alimenté par la mauvaise conscience des Européens qui se dénigrent eux-mêmes en tant qu'ex-colonisateurs, impérialistes ou racistes. Antiracistes avant tout, et sur le mode anti-islamophobe, les néo-féministes n'oublient leur antisexisme frénétique que dans un seul type de situation : lorsqu'elles perçoivent un risque de «stigmatisation» des immigrés de culture musulmane, incarnant à leurs yeux le type de la victime maximale…La dénonciation de l'«islamophobie», devenue le nouveau péché mortel, lorsqu'elle s'inscrit dans la culture de l'excuse, provoque un retournement spectaculaire de l'indignation morale: il consiste à minimiser ces violences sexuelles de masse en raison de l'origine ou de l'identité religieuse des agresseurs, tout en dénonçant les discriminations ou l'«islamophobie» dont ces derniers seraient les victimes, ou les «instrumentalisations racistes», par «l'extrême droite», des dites agressions contre des femmes européennes ».

    C’est comme ça que nous serons baisés avec l’aide des idiotes utiles.

    « "Le Monde" dégouline de délationsMiséricorde »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 10 Avril 2016 à 16:51

    Le sujet est trop vaste et trop complexe pour faire l'objet d'un débat ici. Mais on peut quand même constater, en analysant les qualificatifs utilisés, que Taguieff n'aime pas beaucoup le féminisme, en général: (féminisme gauchiste, néo-féministes, antisexisme frénétique, féminisme punitif et androphobe). 

    Il en fait même, comme vous le résumez bien, les "idiotes utiles" de l'islamisme  radical.

    Je trouve ce genre d'arguments curieux : pour moi , si L'Europe est, culturellement,  hors de portée de l'idéologie islamiste, c'est un peu beaucoup en raison de tous ces acquis féministes que les femmes (et les hommes qui les aiment)  n'accepteront jamais de perdre.  

     

    2
    Dimanche 10 Avril 2016 à 17:20

    Attention, je ne crois pas qu'il parle du féminisme en général mais de ce qu'il appelle le néo-féminisme qu'il qualifie d'ailleurs de gauchiste, que l'on entend peu dans la défense de la femme musulmane et n'ayant pratiquement pas protesté après les agressions sexuelles de Cologne. A tort ou à raison il semble penser que ce néo-féminisme s'oppose plus à la masculinité (de préférence de l'homme Blanc) qu'aux attaques contre les femmes. Il parle d'une métamorphose du féminisme et ne discute pas son rôle antérieur.

    3
    Mardi 12 Avril 2016 à 11:45

    Il est illusoire de vouloir trouver une solution à un problème insoluble par sa trop grande complexité et par les innombrables cas particuliers qu'il comporte.

    4
    Mardi 12 Avril 2016 à 11:49

    En tout cas la solution adoptée par cette loi me semble avoir plus d'inconvénients que d'avantages

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