11 Mai 2025
Nous laissons sur la toile des traces quand nous y déposons des images et des écrits. Ces traces vont rester un certain temps après notre disparition. C’est un peu de nous-mêmes qui persiste sous la forme d’électrons qui peuvent reprendre vie si quelqu’un clique sur ces traces comme un auteur nous parle à travers le temps quand on lit ses écrits.
L’intelligence artificielle est maintenant capable de collecter les informations numériques d’une personne décédée et reconstituer à partir de ces informations un simulacre de sa personnalité et de son style sous la forme d’un agent conversationnel à qui on peut même prêter la voix du disparu. Ce fantôme peut être mis à la disposition des proches endeuillés (deathbots) avec lequel ils pourront converser, poser des questions et recueillir des avis. Le fantôme informatique du défunt évoluera au fil de son apprentissage et à partir de celui-ci le deadbot ira au-delà (si j’ose dire) de la répétition de paroles préalablement programmées, et possèdera la capacité de générer des propos que la personne décédée n’avait jamais proférés de son vivant, mais qu’il aurait pu dire. Il est souhaitable que dans ses déclarations post-mortem le défunt conserve sa dignité outre-tombe et que sa mémoire ne soit pas profanée.
On voit que les médiums, la chaîne des mains jointes autour d’une table remuante et les esprits frappeurs sont nettement dépassés, et iront peut-être rejoindre le cimetière des artisanats disparus.
Dans cette manipulation technico-macabre, la préservation de la dignité du défunt me parait bien secondaire à côté de celle de la santé mentale des vivants qui en s’obstinant à vouloir simuler la présence de la personne disparue ne feront que revivre par ce simulacre virtuel la souffrance authentique d’une perte irrémédiable.