Le poids des mots
« On a obtenu gain de cause, ma mère sera incinérée vendredi [1/10/10] à Toulouse [alors que la famille habite Bordeaux], car il y a un crématorium qui a des portes plus larges » a expliqué la fille de la défunte, qui avait dénoncé ce week-end la discrimination post-mortem qui touchait sa mère.
Pourquoi la fille parle-t-elle de discrimination ? Simplement parce que sa mère, sans doute atteinte d’une obésité pathologique, ne pouvait pas entrer dans le crématorium bordelais et accuse de ce fait les responsables de ne pas avoir prévu son cas. Et il s’agit en plus (ou en moins) d’une discrimination post-mortem.
A la suite d’une circulaire, pour le moins maladroite pour ne pas dire stupide, mentionnant spécifiquement les Roms, Viviane Reding, responsable de la Justice et des Affaires intérieures à la Commission Européenne, s’est élevée contre une telle stigmatisation qui n’avait d’égale à ses yeux que celles appliquées lors de la Seconde Guerre Mondiale, protestation, qui sans le dire, faisait référence au port par les Juifs de l’étoile jaune afin de les distinguer du reste la population, avant de les exterminer en masse, de façon méthodique, du bébé au vieillard, de la Bretagne aux plaines d’Ukraine. Et pour faire bonne mesure les Allemands y avaient ajouté les Tziganes et les homosexuels.
Toujours à propos de l’expulsion de Roms, certains journaux étrangers ont parlé de déportation, non pas par un voyage interminable vers la mort dans des wagons plombés dans lesquels on pouvait mourir étouffé avant d’arriver dans les mouroirs, mais dans des avions pour ramener les Roumains dans leur pays d’origine, sans avoir été maltraités et nantis d’un petit pécule (qui leur permettra éventuellement de revenir).
Certains mots ont une telle connotation historique que leur signification en devient plus lourde. Les employer à tort et à travers finit par les dévaluer et par banaliser les faits historiques auxquels ils se réfèrent.
Bien sûr, nous devons rester vigilants, mais certains mots ont acquis un tel poids qu’il ne faut les employer qu’à bon escient et sans faire appel avec beaucoup trop de facilité aux évènements et aux protagonistes de la Seconde Guerre Mondiale. Ce que nous vivons aujourd’hui n’a heureusement rien à voir avec cette sombre période de l’Histoire.