7 Janvier 2013
Je n’ai pas encore lu le dernier ouvrage d’Elisabeth Badinter : « Le conflit. La femme et la mère », mais j’ai lu le précédent : « Fausse route », qui traitait du même sujet et j’ai entendu et lu les nombreux interviews de l’auteur, et pris connaissance de certaines réactions que son ouvrage a suscitées.
La thèse de Mme Badinter tente de démontrer que l’on est entré dans les pays occidentaux dans un mouvement de régression vis-à-vis de la femme. Un des arguments des opposants à cette thèse est de s’attaquer à sa personne en avançant qu’étant une riche héritière de Publicis, elle ne défendrait par son livre que les intérêts de la maison de publicité (argument avancé même par le Canard Enchaîné) et que pour d’autres, elle ferait mieux de distribuer son argent aux mères africaines. Croit-on vraiment que cette femme ait besoin d’un livre pour conserver ses avoirs ? C’est un argument qui ne grandit pas ceux qui l’utilisent et qui ressort plus de la haine jalouse que du débat d’idées.
Il est certain que depuis plus d’une décennie, les mères subissent de fortes pressions pour donner le sein à leur rejeton. L’OMS l’a recommandé, une directive européenne de mai 1999 a suivi et un décret au JO du 8 août 1998 encourage, dans les maternités, les sermons orientant le choix des nouvelles mères[1]. En 2000 un débat a eu lieu à la Chambre des Communes pour permettre ou non aux parlementaires britanniques d’allaiter leur bébé sous le regard de leurs collègues[2]. Les avantages du lait maternel sur la santé de la mère et de l’enfant sont mis en avant. Ce serait quasiment une panacée protégeant le futur adulte de nombreux maux allant des caries dentaires à la sclérose en plaques en passant par l’infarctus du myocarde !
Presque chaque semaine, je vois passer des articles, surtout américains, vantant les vertus de l’allaitement maternel. C’est à ce point, que trouvant suspect ce matraquage, je me suis demandé (avant la parution du livre de Mme Badinter) s’il n’y avait pas, outre-Atlantique, une influence des ligues, des sectes et des religions qui préfèreraient que les femmes restent à la place qui leur est assignée, c’est à dire au foyer (ce qui est une perspective de riches car la plupart des couples ont besoin de deux salaires pour vivre). Bien sûr que le lait maternel est presque toujours préférable au lait de vache, mais le retour au naturalisme doit être librement choisi sans rendre la mère coupable de ne pas se plier à ce diktat étayé par des arguments médicaux peut-être discutables, car les nombreuses générations élevées au biberon ne paraissent ni plus débiles ni plus fragiles que les générations allaitées. On parle de fusion de la mère et de l’enfant, c’est possible, mais elle ne garantit pas que la femme qui allaite se révèlera meilleure mère que celle qui ne le fait pas. Quant à l’enfant, il se moque totalement de cette fusion et ne sera aucunement reconnaissant à sa mère de l’avoir allaité.
Depuis de nombreuse années la vie des parents et notamment de la mère (car l’aide du père laisse parfois à désirer) a été simplifiée, ce qui a permis à la femme de devenir plus autonome, par l’introduction des petits pots pour nourrir l’enfant et des couches jetables pour son hygiène et voilà que pour revenir au naturalisme et satisfaire l’écologie, on propose de préparer soi-même la nourriture - de préférence bio - de l’enfant et de remplacer les couches jetables (il est envisagé de les taxer) par les anciennes langes que l’on peut réutiliser après les avoir lavées, et pourquoi pas à la main pour éviter les dépenses d’énergie exigées par le fonctionnement d’une machine à laver. Il y a tout de même d’autres sources de pollution autrement plus importantes sur lesquelles il serait nécessaire d’agir pour sauver la planète que les couches jetables !
Le combat écologique est en train de s’égarer jusqu’à devenir ridicule et oppressif. La foi écologique ne pousse-t-elle pas de plus en plus d’Anglo-Saxonnes à réutiliser la coupe menstruelle après l’avoir vidée, lavée et stériliser toutes les douze heures ? En effet, rien qu’en France, 4,8 millions de tampons et serviettes hygiéniques sont brûlés chaque année, ce qui est, sans aucun doute, désastreux pour le réchauffement climatique. A vous de choisir, mesdames !
[1] D’après Elisabeth Badinter (« Fausse route », éd Odile Jacob 2003)
[2] Le Point du 12/05/2000