7 Janvier 2013
L’article précédent pourrait faire croire que je regrette l’intervention omniprésente de la technique dans la pratique médicale, ce n’est pas le cas. J’ai assisté à l’avant et à l’après et je peux vous dire que ce n’est pas une évolution mais une révolution, et que je suis en admiration devant les cadeaux offerts par les biologistes et les physiciens à la médecine : marqueurs biologiques de maladies, imagerie du corps par rayons X (scanner), par ultra sons (échographie), par isotopes à courte durée de vie se fixant sur certaines parties du corps (scintigraphies) ou par résonnance des noyaux d’hydrogène sous l’effet d’un champ magnétique donnant une image quasi anatomique du corps (IRM). Revenir à un examen purement clinique serait stupide et d’une bien moins grande efficacité, quelle que soit la qualité du médecin.
La question est banale, c’est celle de la relation de l’homme avec la machine : qui doit dominer l’autre ? Si, par exemple, un médecin, après son interrogatoire et son examen clinique, soupçonne une anomalie du foie et qu’il demande à la machine de confirmer ce soupçon, il domine la machine. Mais s’il n’a aucune idée préalable et s’il demande à la machine de lui en donner une en faisant systématiquement l’examen, c’est la machine qui le domine. De la même façon si vous rechercher sur internet un renseignement, vous utilisez la machine selon votre idée, mais si, au contraire, vous errer sur internet sans idée préconçue, c’est la machine qui vous domine en vous révélant ce que vous n’avez pas recherché, même si cette errance peut vous distraire.
Ce n’est pas parce que nous sommes capables de faire une chose que nous devons obligatoirement la faire (c’est en particulier le cas pour les examens et les traitements « agressifs »). Il faut d’abord réfléchir et savoir pourquoi on la fait et si, selon le résultat, le malade en tirera ou non un bénéfice et avec le moindre risque.
L’efficacité des machines peut très bien conduire à une paresse d’esprit et à une véritable démission de la pensée médicale en les faisant intervenir systématiquement. On peut très bien faire un « scanner corps entier » (avec une irradiation non négligeable) sans signe d’orientation et trouver, par exemple, un cancer dont il n’existait aucun signe apparent, alors qu’il est possible que ce cancer n’aurait jamais évolué.
Mais on pourrait me répondre : pourquoi pas ? En effet, la discussion est ouverte. Pourtant, il n’est pas certain que l’on rende service au patient en découvrant par hasard une pathologie dont il ne souffre pas et dont nous n’avons peut-être aucun traitement. Il faut ajouter que, tôt ou tard, nous n’aurons plus les moyens d’avoir une telle attitude, surtout si l’examen le plus performant a été fait en dernier après une avalanche d’examens préalables.