• 167. L’échec de la véritable prévention

     

    La loi de santé 2014, comme toutes celles qui furent pondues par les différents gouvernements, insiste sur la prévention. La prévention est en effet « la tarte à la crème » préférée des gouvernants dépassés par les évènements et qu’ils lancent périodiquement à la tête de la population.

    Le postulat est le suivant : si l’on dépense suffisamment d’argent pour prévenir les maladies, elles n’apparaitront pas et nous n’auront plus à dépenser de l’argent pour les soigner. Mais ce postulat n’est vrai (voir l’article « 160. La prévention est-elle source d’économies ? » que dans domaines où la prévention permettrait d’éviter définitivement la survenue de maladies : les infections par les vaccinations (ce qui est fait), le diabète lorsqu’il est induit par une surcharge pondérale, les maladies provoquées par des intoxications volontaires comme l’alcool, le tabac ou les drogues, et il faut y ajouter les comportements sexuels à risques.

    Puisque tous les gouvernements successifs n’ont cessé de prendre des mesures dans ces domaines, quant est-il des résultats de leurs efforts pour cette prévention qui pourrait être efficace de façon radicale ?

    - La consommation d’alcool a certes diminué régulièrement en France mais la proportion de consommateurs excessifs reste stable à environ 10% de la population adulte, avec 20% des patients hospitalisés, et environ 30000 décès par an directement attribuable à l’alcool.

    - La proportion des fumeurs en France est passée de 31,4% en 2005 à 34% en 2012 avec 200 morts par jour.

    - Les jeunes français sont en tête des consommateurs de cannabis en Europe et la consommation des autres drogues ne fait qu’augmenter.

    - En 2012, 64000 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH. Entre 2011 et 2012, la découverte de l’infection à VIH chez les gays a augmenté de 14%.

    On ne peut que constater l’échec de l’Etat, mais ce n’est aucunement spécifique à la France.

    Quelles sont les mesures prévues en matière de prévention par le gouvernement actuel ? « Prévention du tabagisme : instauration d'un paquet neutre et encadrement de l'usage de la cigarette électronique dans les lieux publics.

    Prévention de l'alcoolisme chez les jeunes. La vente de certains produits favorisant la consommation d’alcool et notamment le « binge drinking » (ou alcoolisation accélérée) chez les jeunes devrait être interdite.

    Accès à la contraception d'urgence garanti pour les jeunes femmes mineures sans condition auprès de l'infirmière scolaire.

    Définition d'un cadre pour l'expérimentation de salles de consommation à moindre risque, dites « salles de shoot ». (Le Monde du 15/10/14).

    Il faut y ajouter le code couleur pour les aliments.

    Ce sont de louables intentions mais si ces mesures sont adoptées, je crains qu’elles ne changeront guère la situation (sauf pour la contraception). Mais il faut avouer que les solutions ne sont pas évidentes, que l’on se heurte à des comportements individuels où le choix peut alterner entre soins, culpabilisation et répression. A noter qu’une opposition à la cigarette électronique est assez paradoxale puisque la consommation de tabac a baissé pour la première fois depuis son introduction. Quant aux salles de shoot, elles ne diminueront sûrement pas la consommation de drogues.

    Le chapeau de la loi de santé est le suivant :

    "Notre système de santé est performant mais inéquitable, c'est pourquoi il est indispensable de le refonder. La loi de santé s'articule autour de trois axes : prévenir avant d’avoir à guérir, faciliter la santé au quotidien et innover pour consolider l'excellence de notre système de santé."

    J’ai toujours une certaine reticence devant les slogans publicitaires.

    « NaufrageRompus du 1/12/2014 »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 16:53

    Ce n'est pas en instaurant des salles de shoot, que l'o arrêtera la drogue chez les jeunes! Ils ne sont pas logiques !

    2
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 16:57

    D'autant plus que depuis l'après guerre toute une série de pantalonnades du même style ont coûté des tas d'argent au contribuable et au cotisant sans aucun effet appréciable et parfois avec des conséquences contraires au but poursuivi. Comme vous dites, tout cela n'est que mauvaise publicité et marketing débile. Nous n'avons pas fini d'être sots!

    Amitiés.

    3
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 17:02

    LIVIA. Avec les salles de shoot, le consommateur de drogues devient un consommateur comme un autre.

    4
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 17:07

    NOURATIN. Beaucoup d'argent a été investi en pure perte et aux dépens des soins curatifs. Beaucoup de projets onéreux au destin éphémère.

    5
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 17:18

    Beaucoup trop d'argent dépensé dans cette prévention qui ne semble pas porter les fruits escomptés. Je me souviens encore de la vaccination H1N1 de Madame Bachelot.. Quel gâchis! Bonne soirée Doc. Bises et bonne soirée. ZAZA

    6
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 17:25

    ZAZA. Et vous ne connaissez pas le "dossier personnel ou partagé" qui engloutit l'argent depuis 10 ans (initiative de Douste) et qui à mon avis ne sert à rien. De plus, il n'esttoujours pas au point !

    7
    Bea
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 18:46
    Bea

    Mieux vaut également prévenir... la bêtise en lisant entre les lignes grâce à votre analyse très affûtée. J'aime beaucoup cet article.



    Bonne soirée.


    PS :


    A propos de prévention contre la drogue, vous avez sans doute noté comme moi que le gouvernement, en appuyant certaines pratiques médicales, favorise parfois au contraire les addictions puisque les prescriptions de psychotropes ont augmenté quasi exponentiellement ces dernières années (même chez les enfants à partir 6 ans) en France et pas toujours de façon appropriée. Mais il ne s'agit là que de drogues LEGALES... A méditer, sans doute.

    8
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 19:01

    Pour être honnête, l'Etat n'est pour pas grand chose dans la prescription des psychotropes. Par contre, il est directement responsable dans l'addiction au jeu.

    9
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 22:11

    Votre article est fort intéressant. On ne peut toutefois renoncer à prévenir plutôt que guérir, reste le choix des méthodes.

    Je ne comprends pas l'hostilité de nos gouvernants à la cigarette électronique, de même je ne comprends pas pourquoi les prothèses dentaires ou implants sont si peu remboursés alors qu'une bonne dentition évite des problèmes graves au niveau gastrique.. mais bon je suis ignorante en la matière.

    Bonne soirée Dr WO

    10
    Dimanche 30 Novembre 2014 à 23:26

    Bien sûr que la prévention est indispensable, mais il faut la faire avec plus de sincérité (ce qui impossible à demander à un politique). Il faut aussi ne pas engloutir des sommes en pure perte dans des projets sans lendemain ou inefficaces. La dentisterie est très cher d'où le terme "d'édentés" attribué à Hollande pour désigner les pauvres.

    11
    Bea
    Lundi 1er Décembre 2014 à 10:02
    Bea

    Cher Paul, je pense que si, que  l'Etat est responsable, quoique indirectement, de l'addiction médicamenteuse puisque le ministère de la santé est là pour veiller au grain, c'est lui qui chapeaute tout le système. Sinon pourquoi croyez-vous que les lobbyistes s'évertuent à se faire de bons amis parmi les députés européens, les ministres, ministrables et les hommes et femmes politiques de tous bords ?

    L' autorité sanitaire qu'est l'ANSM, qui est une agence de l'Etat, fixe les autorisations en s'en remettant aux dossiers financés par ceux-là même qui commercialisent un produit. Les "mises en garde", lorsqu'elles existent, ne sont pas une obligation à suivre pour les médecins, tout juste une petite sonnette pour dire qu'il y a des risques, mais ça, les médecins n'en auraient vraiment conscience que si pour certains médicaments, comme c'était le cas pour le Médiator, l'autorité en question avait la capacité et/ou la volonté de s'opposer à une AMM ou fixer des règles de prescription plus strictes. Mais que font-ils face aux visiteurs médicaux et à leurs méthodes ?

    Il est à noter que les laboratoires ne sont pas inquiétés ou lorsqu'ils le sont, ce n'est pas du fait de ces autorités mais d'un médecin ou de malades qui lancent une alerte et qui doivent attendre souvent des années avant que quelque chose ne bouge (lorsqu'ils sont encore en vie et si quelque chose bouge).

    Les centres de pharmacovigilance (encore l'Etat) ne font dans la plupart des cas pas grand chose à part couvrir ceux que les lanceurs d'alerte pointent du doigt. En outre, ils ne vont pas directement chercher l'information.

    Par ailleurs, nombre d'associations de patients mises en place par le biais de lobbyistes "chevronnés" mais non officiels, sont subventionnées par l'Etat, qui n'effectue aucune recherche quant à l'éthique ou à la valeur de telles associations. Et ces associations prônent bien souvent la médication des laboratoires, dont les psychotropes lorsqu'ils s'agit de troubles associés au comportement.

    Entre autres sources :

    • Pr Even & Pr Debré, Guide des 4.000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux (Cherche Midi, 2012)
    • Dr Alain Gérard, "Du bon usage des psychotropes - Le médecin, le patient et les médicaments" (Albin Michel, 2005)
    • Philippe Pignarre, "Le grand secret de l'industrie pharmaceutique" (Poche, 2004)
    • Dr Sauveur Boukris, "La fabrique de malades - ces maladies qu'on invente" (Cherche Midi, 1999)
    • John Virapen, "Médicaments effets secondaires : la mort", (Cherche Midi, 2014)
    • Diverses recherches sur le DSM (dont livre de Maurice Corcos et un autre d'un collectif de psys)
    • Diverses recherches sur le TDAH (nombreux ouvrages et magazines, videos, émissions, témoignages...)
    • Irène Frachon, "Mediator 150mg Combien de morts ?"
    • Nombreux ouvrages sur les maladies mentales et leurs traitements

    J'ai suivi moi-même une formation de visiteuse médicale par un grand laboratoire et j'ai bien analysé le fonctionnement, qui n'est pas "joli-joli". J'ai refusé l'offre très attrayante du labo en question pour des raisons éthiques car, notamment, les cas de réaction mortelles à certains médicaments étaient soigneusement cachés aux médecins.

    J'ai, par contre, travaillé pour une association à but sanitaire et là aussi j'ai pu faire le bilan d'un fonctionnement anormal mais néanmoins très courant.

    Je continue mon combat pour que le public ouvre les yeux mais aussi les médecins. Je vois que vous êtes parmi les plus éclairés et j'espère que vous continuerez à participer à la mise en lumière du fonctionnement actuel de la santé en France, qui est depuis quelques années passé à un mode managérial et financier. Au grand dam des patients.

    A bientôt et encore bravo pour vos excellents articles.

    12
    Lundi 1er Décembre 2014 à 11:20

    Je vous remercie vivement pour cet excellent commentaire bien étayé. Oui, vous avez raison, l'Etat a sa part de responsabilité par la carence de ses services de contrôle (il existe en plus des contrôles européens) et l'intrication entre les politiques et les entreprises pharmaceutiques. Mais celles-ci sont des sociétés marchandes avec ce que cela implique. Pourtant, sans argent pas de recherche. C'est triste et parfois dangereux, mais il faut constater que le privé est supérieur au public en cette matière (à ma connaissance, l'URSS n'a sorti aucun médicament en 70 ans). Il y a un équilibre à trouver et une vigilance à observer.

    13
    Lundi 1er Décembre 2014 à 14:39

    Les Français ne sont pas partisans de la prévention. Malgré toutes les mauvaises expériences, malgré les "si j'avais su", ils continuent d'aller voter.

    14
    Lundi 1er Décembre 2014 à 14:57

    Et en ne votant pas changerait-on les choses ? Peut-être, mais en pire.

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