• 46. Histoires de remèdes (2)

    Un remède servi avec le café et le chocolat

    Jusqu’au XVIIe siècle le seul vrai médicament dont disposaient les médecins était l’opium, probablement  l’unique ingrédient actif de la fameuse thériaque mise au point par le médecin de Néron, Andromaque le Crétois et qui a été utilisée pendant près de deux mille ans !… C’est alors que l’écorce de quina-quina, utilisée par les indiens du Pérou pour traiter la fièvre est importée en Europe par les jésuites espagnols et portugais. D’emblée médicament et appât du gain sont liés, et les jésuites s’en réservent l’exclusivité, ce qui ne contribue pas à leur attirer les sympathies.

    L’Anglais Thomas Sydenham comprend immédiatement l’intérêt du quinquina et en fait une préparation. Un de ses élèves, le pharmacien Robert Talbor émigre à Versailles, à l’époque infestée par le paludisme, pour la vendre chèrement à Louis XIV et aux nobles de la Cour. Bien entendu la Faculté avec son inénarrable doyen, Gui Patin, s’oppose au « remède anglais ». Mais l’efficacité est telle que le Roi l’impose. Madame de Sévigné en fait l’apologie. Racine écrivait à Boileau: " On ne voit à la cour que des gens qui prennent du quinquina et bientôt, à la fin des repas, on commencera à en servir avec le café et le chocolat ».

     L’arbre refusant de pousser en France malgré les efforts d’Albert de Jussieu, guérir des fièvres restait un luxe. Ce n’est qu’en 1820 que les pharmaciens français Joseph Caventou et Pierre Pelletier isolent le principe actif, la quinine, ce qui leur vaudra d’être  baptisés bienfaiteurs de l’humanité avant Pasteur et statufiés en haut du Boulevard Saint-Michel  à Paris. Les statues étaient en bronze, elles ont été fondues lors de la guerre 1939-1945. Pendant une guerre les bienfaiteurs de l’humanité passent logiquement au second plan. Néanmoins au 105 Bd St Michel il existe actuellement une fontaine avec les médaillons des découvreurs et au-dessus une femme alanguie peu voilée qui prétend être une allégorie de la guérison.

    La quinine a permis les conquêtes coloniales, l’essor des Empires européens et les grands travaux comme le percement du canal de Panama. Mais les hématozoaires responsables du paludisme, découverts par le médecin militaire français Charles Laveran, et les moustiques anophèles qui les véhiculent ne se laissent pas faire. Les moustiques deviennent résistants aux insecticides et le parasite réfractaire à la quinine, ses dérivés et autres antipaludéens. Il ne reste plus aux indiens qu’à découvrir un autre médicament efficace. Ils trouveront toujours des intermédiaires pour en profiter.

                                                                                   

    Un remède enivrant

    Le laudanum eût aussi son heure de gloire. C’est une solution alcoolique d’opium inventée par Paracelse au XVIe siècle. Une centaine d’années plus tard, Thomas Sydenham « l’Hippocrate anglais », pour son usage personnel, y ajouta de la cannelle, des clous de girofle, et du vin blanc. Cet excellent élixir qu’il avait concocté pour calmer ses douleurs de goutte et celles provoquées par sa lithiase rénale (dont il devait mourir), eut un succès phénoménal jusqu’au début du XXe siècle, non seulement auprès des médecins qui le prescrivirent pour à peu près tout, mais encore auprès des artistes, écrivains et membres de la haute société qui pouvaient ainsi se droguer et s’imbiber en même temps. Lord Byron, Charles Dickens, Edgar Poë, Modeste Moussorgsky (Portrait) y firent honneur.[1]



    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora

    [1] C’est en voulant guérir un morphinomane que Sigmund Freud redécouvrit l’action anesthésiante de la cocaïne. Il l’essaya sur lui-même et devint cocaïnomane. La même mésaventure advint au célèbre chirurgien américain William Halsted.

    « Mais qu'allait-il faire dans cette galère ?AINSI VA LA VIE XVIII »

  • Commentaires

    1
    Mercredi 7 Janvier 2009 à 21:15
    On en apprend tous les jours avec vous!
    2
    Mercredi 7 Janvier 2009 à 23:17
    Et réciproquement.
    Dr WO
    3
    seb
    Jeudi 8 Janvier 2009 à 09:09
    Quid des préparations empiriques des herboristes ? Meilleurs vœux Docteur et que 2009 voit se réaliser tous tes projets !
    4
    Jeudi 8 Janvier 2009 à 11:09
    Le bouillon d'onze heures et la poudre d'héritage étaient plus efficaces que bien des médicaments.
    5
    Jeudi 8 Janvier 2009 à 17:34
    P.S.: Dans leur genre, bien sûr!
    6
    Jeudi 8 Janvier 2009 à 17:53
    Mes meilleurs voeux également. L'essentiel est d'avoir encore des projets. Sur les plantes, j'ai fait un article "44. Cette bonne nature" dans les "chroniques médicales".
    Dr WO
    7
    Jeudi 8 Janvier 2009 à 18:00
    Navré, mais j'ai besoin d'une explication sur ces deux "remèdes"
    Dr WO
    8
    Vendredi 9 Janvier 2009 à 19:47
    Et le cannabis? Il paraît que lui aussi...
    9
    Vendredi 9 Janvier 2009 à 22:13

    Le cannabis a été et est toujours très prisé. Il existe dans le cerveau des récepteurs au cannabis comme il en existe pour l'opium.
    Dr WO

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