13 Juin 2016
Des supporters russes au stade Vélodrome, à Marseille, le 11 juin 2016, pendant le match Angleterre-Russie. BERTRAND LANGLOIS / AFP
Comment ne pas être touché par cette fièvre contagieuse.
Comment ne pas être transporté par ces hommes en caleçon qui se vendent à prix d’or dans les foires aux joueurs, après examen des muscles et des articulations (les dents importent peu).
Comment ne pas être fasciné par leur maîtrise lorsque se tordant à terre de douleurs, ils réussissent malgré leurs souffrances à garder un œil attentif sur l’arbitre et sa poche miraculeuse d’où peut sortir à tout moment un carton coloré du meilleur effet.
Comment ne pas haleter, le souffle court, pendant l’attente longue, très longue, très très longue, aussi longue que l’attente de la femme désirée, avant que l’élu tire son coup décisif dans la vulve des buts.
Comment ne pas être bouleversé par l’orgasme intense qui s’empare alors de lui, au point de le faire courir tel un possédé en soulevant son maillot, pour se dresser à un coin du terrain face à ses supporteurs en délire comme le coq après s’être farci une poule.
Comment ne pas être ému jusqu’aux larmes par la fraternité qui s’empare alors de ses camarades, soucieux de partager avec lui cet orgasme sans pareil en l’enfouissant les uns après les autres sous leurs corps en une superbe partouse homosexuelle lubrifiée par leur sueur commune.
Comment des foules soumises à ce spectacle bouleversant pourraient-elles échapper au footisme, à cet état second qui les conduit à se déguiser, à chanter, à hurler, l’insulte à la bouche à défaut de bave, de préférence raciste, et prêtes, dans leur délire, à en venir aux mains ou aux couteaux pour que « leur sang abreuve nos sillons ».
Comment ne pas ne pas subir de contagion devant ces faces peintes aux couleurs nationales masquant une hébétude qui parvient à atteindre même les gens sobres, même les gens intelligents, même les gens cultivés.
Comment ne pas être pris de vertige devant un tel spectacle, et échapper à cette maladie qui transforme à ce point l’individu qu’elle permet de sonder de façon quasi expérimentale les profondeurs de la connerie humaine…
Mais le footisme ne provoque pas seulement un délire agité et bruyant transformant la personnalité, il peut se compliquer de convulsions violentes, parfois stimulées par le spectacle des joueurs ou même le sifflet de l’arbitre, mais le plus souvent, à distance, dans les rues avec un impérieux besoin du contact humain, de préférence sur la tronche des supporteurs de l’équipe adverse. Les convulsions se terminent parfois par une phase comateuse favorisée par l’ivresse, fréquemment retrouvée dans cette pathologie, conduisant à l’hospitalisation ou par un état d’agitation nécessitant l’intervention musclée des équipes de secours.
Le footisme est une maladie universelle qui n’épargne aucun pays, aucun peuple, quelle que soit sa culture ou sa religion. Certains sont cependant réfractaires, évitent la contagion, se réfugient où ils peuvent en attendant que l’épidémie passe.
Nous ne connaissons ni les mesures préventives ni le traitement. Se pencher sur la question n’est pas sans risque pour les experts dont la plupart ne sont aucunement à l’abri des ravages provoqués par le ballon rond.