7 Août 2013
Les étrangers disent des Français qu’ils sont cartésiens et ces derniers l’admettent, non sans fierté. Les éloges n’ont pas cessé de couvrir la « méthode » de raisonnement du philosophe, elle est même considérée comme une source du progrès scientifique. Méthode basée sur des principes qui se veulent indiscutables (dont le fameux cogito) admis comme vrais s’ils sont évidents et clairs. La garantie de cette véracité étant la perfection de Dieu dont tout découle et il est exclu que dans sa bonté le divin créateur puisse induire le penseur en erreur. Le doute qui fait partie des principes cartésiens ne s’appliquant évidemment pas à l’existence de Dieu qui, étant parfait, a nécessairement l’attribut de l’existence (belle tautologie).
A partir de ces évidences claires révélées « intuitivement » et garanties par Dieu, on peut expliquer la totalité du monde par le raisonnement déductif. Descartes n’admet le résultat des expériences que si elles viennent conforter son système et ignorent celles qui ne lui conviennent pas. Il est ainsi à contre-courant de son époque en matière scientifique où l’on partait, depuis des années, des expériences réalisées ou observées pour appréhender la réalité (comme le fit Galilée, Pascal et bien d’autres).
Il faut se rendre à cette l’évidence claire : en appliquant sa fameuse méthode, Descartes n’a pas cessé de faire des erreurs et d’échafauder des théories fantaisistes purement métaphysiques et sans aucun fondement ou démonstration autre qu’intellectuelle.
C’est ainsi qu’il créa les animaux-machines pour bien montrer que l’homme n’était pas un animal, que la jonction de l’âme et du corps se situait au niveau de la glande pinéale (épiphyse) parce qu’unique et au milieu du cerveau, que la lumière se déplaçait de façon instantanée (sa vitesse fut mesurée peu de temps après, c’est une erreur tout à fait admissible, mais il ne serait pas venu à l’idée de Descartes de tenter de la mesurer), que sa théorie du mouvement des corps célestes ne résista pas à celle de la gravitation de Newton, et plus grave, il trouva que la circulation sanguine, parfaitement décrite par Harvey, était erronée car cette description ne cadrait pas avec sa logique « hors sol », ce qui le conduisit à en faire une autre remplie d'erreurs (et j’en oublie).
Que diriez-vous d’une méthode qui n’aboutirait le plus souvent qu’à des erreurs ? Pensez-vous que le raisonnement et la construction intellectuelle sont les sources de toute vérité en négligeant l’expérience et la réalité des faits ou en ne les considérant seulement que comme complémentaires ? Êtes-vous toujours fier d’être cartésien ?
Une analyse des conceptions cartésiennes fut remarquablement faite par Jean-François Revel en 1976 dans son "Descartes inutile et incertain".
Louis-Michel Dumesnil : Descartes fait une démonstration de géomètrie devant la Reine Christine de Suède