• Sur un débat "inutile et incertain"

    Voilà longtemps, sur le Boulevard Magenta, je tentais de me frayer un chemin en voiture à travers une manifestation. Curieux, j’ai demandé au manifestant qui semblait mener la danse, quel était l’objet de cette démonstration et se penchant à ma portière, il me répondit que c’était pour que l’on respecte sa religion musulmane (déjà !) en réaction à je ne sais quelle provocation. Le manifestant qui m’avait répondu ne paraissait pas arabe et j’ai appris par la suite qu’il s’agissait du fils, converti à l’Islam, de Maurice Thorez qui avait été le secrétaire général du parti communiste français, comme quoi l’esprit religieux se transmet de père en fils.

     

    Et je me suis posé la question : pourquoi devrais-je respecter une religion, quelle qu’elle soit ? C’est en tant que personne, et non en tant que croyant, que je respecte celui ou celle qui croit. Le respect de la personne ne s’étend pas à ses croyances ou à ses opinions, par contre, il y a des opinions qui conduisent à ne plus respecter la personne qui les proclame.

     

    La croyance religieuse n’est qu’une adhésion à une légende et à une conception métaphysique indémontrable, placée confortablement hors de la raison et de l’erreur. Si elles ont évidemment du sens pour celui qui croit, elles n’en a aucun pour celui qui ne  croit pas, ce qui ne l’engage pas à les respecter.

    Par contre, le respect de la personne implique de respecter la liberté du croyant à pratiquer ses rites, à condition qu’il les suive dans la sphère privée ou dans un temple et sans les imposer aux autres. Il doit rester en accord avec les lois d’un pays laïc et celles-ci n’ont pas à être modifiées pour satisfaire la croyance personnelle en des légendes et des rites, même s’ils sont anciens et partagés par des millions d’individus. Le nombre, s’il n’est pas un critère de véracité, reste une force de pression à laquelle l’espace laïc et commun à tous doit résister.

     

    Mais lorsque le croyant affirme qu’il ne fait qu’un avec sa religion, c’est  une incarnation lourde de conséquences. Dans ce cas, ne pas respecter les conceptions métaphysiques de quelqu’un, aussi insensées paraissent-elles, serait ne pas respecter sa personne. L’ironie sur les croyances devient l’ironie sur la personne qui les incarne, ce qui soulève sa colère. Critiquer les excès d’une croyance revient à critiquer celui qui les admet et qui prétend alors être stigmatisé. Le rejet par un croyant d’une autre croyance aboutit au rejet ou à l’élimination de ceux qui croient différemment.

    Et c’est ainsi que les conflits naissent lorsqu’on ne peut plus séparer la personne de ses croyances.

     

    Imam prêtre rabbin JR

    « Ce que parler ne veut pas direDieu "inutile et incertain" »

  • Commentaires

    1
    Mardi 5 Avril 2011 à 19:05
    Excellent. J'ai apprécié tout particulièrement que vous mettiez l'accent sur le fait que lorsque la personne ne se détermine qu'en tant que croyant, qu'à travers sa croyance et que le fait de rejeter, critiquer ou même moquer la croyance (on a le droit, non?) est compris, de bonne ou mauvaise foi, comme un rejet (une stigmatisation, un ostracisme) de la personne.
    2
    Mardi 5 Avril 2011 à 19:19

    Je pense comme vous que c'est le noeud du problème, notamment pour l'Islam. Les fanatismes des religions viennent de là.

    Dr WO

    3
    Mercredi 6 Avril 2011 à 03:21
    Bonsoir,

    C'est malheureusement tellement vrai, mais c'est toujours un plaisir... De vous lire !
    Respect, maître mot de notre société d'aujourd'hui.

    Amicalement.

    Capucine
    4
    Mercredi 6 Avril 2011 à 09:25

    Merci et bienvenue. Je pense que beaucoup de gens pourraient être en accord avec cet article qui est constat, mais le diable se niche toujours dans les détails pour l'application de la loi de 1905.

    Dr WO

    5
    Mercredi 6 Avril 2011 à 09:27

    Le tout est de séparer ce qui est respectable de ce qui ne l'est pas.

    Dr WO

    6
    Jeudi 7 Avril 2011 à 14:12
    On ne saurait mieux résumer le problème. Assimiler par exemple le rejet de l'Islam à de "l'incitation à la haine raciale" comme le font certains tribunaux est totalement incompréhensible du point de vue philosophique et sémantique.
    7
    Jeudi 7 Avril 2011 à 17:37

    Confondre religion et groupe humain est stupide et dangereux. D'ailleurs arabe finit par disparaitre au profit de musulman, notamment dans le discours des politiques et des médias.

    Dr WO

    8
    Vendredi 8 Avril 2011 à 04:46
    Je crois fortement à la laïcité comme un rempart intelligent contre tout rapport 'passionnel'; ta conclusion le démontre fort bien. Comme la religion juive, l'islam comporte des lois au sein de sa religion. D'ailleurs, si mes souvenirs sont bons, c'est Napoléon qui jadis avait rencontré les rabbins pour instaurer un dialogue sur les lois religieuses et codes civils, de façon à s'entendre sur ce sujet. Dis-moi si je me trompe. C'est pourquoi, je suis pour un dialogue entre nos responsables politiques et représentants religieux MAIS PAS de la manière Copé et en période pré-électorale. Le peuple français est laïc ; à noter que la majorité de nos concitoyens français de confession musulmanne sont attachés et respectent la laïcité. J'ai confiance.
    9
    Vendredi 8 Avril 2011 à 10:52

    Le dialogue a été nécessaire dans l'histoire. Mais les lois sur la laïcité existent en France depuis plus d'un siècle, il suffit de les appliquer. Les croyances sont irrationnelles et doivent rester dans le domaine privé en respectant ces lois, s'y adapter et sans envahir l'espace public. Je pense en particulier au statut de la femme qui doit être le même pour toutes les femmes vivant en France.

    Dr WO

    10
    Olivier
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:08
    Magistral ! CQFD. Ah, que ça fait du bien de vous lire, on se sent moins seul ! Article à encadrer et à faire circuler, et je ne vais pas m'en priver.
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