• Soulagement égoïste

    st-thoscope.jpgJe n’ai jamais prescrit de Médiator ou alors, comme le disait Jacques Brel dans « Ces gens-là » : « …J'ai jamais tué de chats. Ou alors y a longtemps. Ou bien j'ai oublié… »

    Mais j’aurai pu. Ce médicament avait une autorisation de mise sur le marché depuis 1976 ! Un médecin ne peut que faire confiance aux experts qui donnent cette autorisation, même s’il doit rester méfiant car il sait très bien qu’un médicament peut avoir des effets secondaires tardifs que personne ne peut prévoir après les études initiales. Les exemples ne manquent pas.

    Le nombre estimé de patients à avoir été exposés au chlorhydrate de benfluorex est estimé entre 1,5 et 2 millions depuis 1976.

    Le Médiator était indiqué pour abaisser le taux des graisses dans le sang chez les diabétiques et en 1990 s’est ajoutée l’indication de la surcharge pondérale. En 1998, le laboratoire Servier avait sollicité auprès de l’Afssaps une nouvelle indication thérapeutique dans le diabète de type 2 en première ligne, demande pour le moins osée car le médicament avait été interdit aux USA l’année précédente. Cette nouvelle indication lui fut refusée.

    Je n’ai jamais prescrit de médiator, bien sûr j’ignorais au début qu’il pouvait détériorer les valves  cardiaques par un de ses métabolites de transformation dans l’organisme[1], mais je pensais que ce médicament n’avait aucun intérêt par rapport aux autres et par principe je me méfie des médicaments prétendant faire maigrir car ils se sont avérés soit inefficaces, soit dangereux et l’interdiction du Médiator en 1997 aux USA est venue renforcer mon attitude, sans accuser les Américains de vouloir faire obstacle à la diffusion d’un produit français. Car il s’agit d’un produit français et il a fallu attendre 2009 pour l’interdire en France.

    Les avertissements ne manquaient pourtant pas, notamment de la part du Dr Irène Frachon, pneumologue (et non pas cardiologue !) à l’hôpital de Brest qui depuis des années luttait en vain pour son interdiction, jusqu’à écrire un livre avec sur la couverture : « Médiator, combien de morts ? », bandeau dont le laboratoire Servier avait rapidement obtenu le retrait.

    La réponse à cette question serait une probabilité de 500 morts (après une enquête de la Cnam sur 303000 patients). Le laboratoire Servier fait remarquer que ce chiffre n’est qu’une extrapolation (il est donc possible qu’il soit plus élevé…).

    Et je suis égoïstement soulagé, car je n’ai pas participé à ce massacre. Rien n’est plus intolérable pour un médecin que de provoquer une maladie par un traitement donné pour en  soigner une autre.

    Après avoir rédigé ce texte, je viens d’apprendre par le Canard Enchaîné que «le 6 novembre, le patron de l’Agence sanitaire remettait au président de la commission d’Autorisation de mise sur le marché une belle Légion d’honneur. ».

    Ne serait-il pas temps d’interdire aux experts chargés d’évaluer le rapport risque/bénéfice des médicaments toute relation d’intérêt et de façon définitive avec les laboratoires pharmaceutiques ?



    [1]Le risque de développer une complication valvulaire apparaît principalement dans les deux premières années d’utilisation, persiste dans les deux années qui suivent l’arrêt du traitement et devient très faible au-delà.

    « Sens interditLa carte et le territoire »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 17:29
    Billet très intéressant Doc. J'ai suivi cette information de près, car j'ai (comme beaucoup de monde d'ailleurs) un diabétique dans la famille qui prenait ce médicament.
    Cette petite brestoise aurait du être prise au sérieux bien plus tôt. Mais comme tu le dis en fin de billet, à quoi servent ces experts, si ce n'ait pour parader, et permettre aux laboratoires pharmaceutiques de faire leur beurre.
    Bonne soirée.
    ZAZA
    2
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 17:33
    Vous avez raison: il faut se méfier des médicaments, de leurs effets secondaires (surtout quand un de ces effets est la mort) ET des gens qui sont décorés de la Légion d'Honneur.
    3
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 17:48

    Aucun expert en ce domaine ne devrait être soumis à la moindre pression.

    Dr WO

    4
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 17:50

    Il est vrai que cette distinction devrait rendre suspect le décoré.

    Dr WO

    5
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 17:58
    Hélas, tant que l'argent et l'appât auront plus de valeur que la vie humaine ce genre d'aberration se reproduira ! Bravo à vous d'avoir ét "sage".
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    6
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 18:06

    De justesse.

    Dr WO

    7
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 20:36

    Je crois me souvenir de vous et je vous remercie de votre commentaire. Internet est tout de même une chose étonnante.

    Dr WO

    8
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 20:42

    A l'hôpital, c'est l'interne ou l'assistant qui fait les prescriptions ou qui continue les prescriptions faites en ville. Il n'y avait à l'époque aucune raison d'arrêter ce médicament puisque ses effets nocifs possibles n'étaient pas encore connus.

    Dr WO

    9
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 21:31
    Si vous aviez cher docteur le nombre d'ordonnances que j'ai du delivrer ou le benfluorex etait prescrit pour faire maigrir des personnes non diabetiques et pleines d'espoir !. J'ai cependant la conscience tranquille car j'ai SYSTHEMATIQUEMENT annoncé au patient que c'etait un usage detourné en dehors de l'AMM et qu'il y avait deja eu des problemes avec son cousin l'isomeride ...
    Jai parfois vu des prescritions à 2 fois 3 / jour ce que je refusais alors
    j'aiaussi eu la pression pour en delivrer sans ordonnance et me suis faite traitér parfois de trop sévére ...
    je rapelle maintenant- certains d'eux en leur demandant de se rapprocher de leur medecin et ils me disent vous aviez raison! .
    Malheureusemnt ce médicament touchait l'aùmaigrissement domaine ou abus de tous côtés ont lieu ...
    Merci de faire par de la pneumologue ( et non pas cardio comme j'ai entendu aussi !!)elle mérite effectivement qu'on la mentionne ...
    10
    Jeudi 18 Novembre 2010 à 23:56

    Ah ! c'est donc moi qui ait arrêté le Médiator. Il faut croire que dès cette époque je n'avais guère de sympathie pour ce médicament. Heureux que la toile m'ait permis d'avoir de vos nouvelles.

    Dr WO

    11
    Vendredi 19 Novembre 2010 à 00:03

    L'amaigrissement était en effet un détournement de l'AMM. Les mises en garde des autorités sanitaires n'étaient pas assez énergiques.

    Dr WO

    12
    Vendredi 19 Novembre 2010 à 00:04

    D'une façon générale il faut éviter tous les médicaments censés faire maigrir.

    Dr WO

    13
    Vendredi 19 Novembre 2010 à 00:06

    Oui, et ça peut aboutir à des catastrophes.

    Dr WO

    14
    Christine VILLEROY
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:12
    Vous n'avez jamais prescrit de MEDIATIOR,mais vous m'avez hospitalisée à Hopital Valére Lebevre, a 3 reprises. Sur recommandation du docteur SEGOND médecin de L'OREAL, et de votre patient Monsieur Yves HONNORATY, et grâce a vos soins,je suis encore vivante, et je vous en remercie. C'était en 1993,je suis toujours le traitement que vous m'avez
    prescrit,les cardiologues n'ont jamais les médicaments qui réussissent
    MERCI encore. Christine VILLEROY
    15
    Christine
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:12
    C'est sur les rapports d'hospitalisation en1993 à 'LHOPITAL VALERE LEFEVRE au RAINCY que mon médecin le Docteur Maurice HADDAD a constaté que lors des hospitalisations, je prenais 2 MEDIATOR jour.
    Encore MERCI, c'est grâce à VOUS ,si je suis toujours en vie envie en 2010.
    Bien respectueusement.
    Christine VILLEROY
    16
    Christine
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:12
    Mon Merci n'a rien d'ironique ! ! ! J'étais votre cliente et c'est bien VOUS
    qui lors de mon hospitalisation à l'hôpital à arrêté la prise du MEDIATOR
    et m'a très bien soigné,et vous m'avez même envoyé voir le Professeur
    Gangebac( je ne connais pas l'orthographe de son nom) à HÖPITAL de la SALLE PETRIERE.
    Désolée de mettre fait mal comprendre. christine VILLEROY
    17
    Marie-Hélène
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:12
    Dans mon entourage je connais 2 femmes qui ont pris du mediator pendant plusieurs années, heureusement elles ont échappé au pire Je me suis toujours méfié de ces médicaments
    censés faire maigrir.
    18
    leonie
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:12
    Le problème c'est qu'il y a pas mal de médicaments détournés pour faire maigrir, dans un but mercantile évidemment parce que le vouloir maigrir occupe une place importante dans les têtes et dans le business, à cause du dictat de la minceur et c'est plus facile d'avaler un médicament que d'essayer de maigrir par des solutions naturelles qui demandent des efforts personnels.
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