• N’est-il pas dangereux d’abaisser trop le cholestérol ?

     

    Peut-être. Dans certaines études il a été noté une augmentation de la mortalité lorsque le taux sanguin de cholestérol est bas. Cette constatation allant à l’encontre des notions admises, l’hypothèse formulée est celle d’une maladie latente responsable de la chute du cholestérol et de la mort ultérieure. Cette hypothèse est cohérente, d’autant plus que l’on ne voit pas comment un cholestérol bas pourrait être mortel (il ne l’est pas dans les populations qui ont spontanément un cholestérol bas). Pourtant en 1992 est paru un rapport troublant[1] (publié de surcroît par les Américains) sur la relation entre le taux de cholestérol et la mortalité. Ce rapport est à prendre au sérieux (mais on n’en parle guère) à trois titres : d’abord, parce que la mortalité a été déterminée plus de 5 ans après le début de l’étude, laissant le temps à une maladie mortelle pour se déclarer (bien sûr ce délai paraît insuffisant à certains), ensuite, il porte sur 524000 hommes, 125000 femmes et 68406 décès ! Ce n’est pas rien, enfin, ces populations étudiées sont américaines, japonaises et européennes donnant un caractère quasi universelle aux conclusions.
    Quels sont les résultats de cette étude impressionnante ?
    En prenant comme référence la mortalité des sujets dont le taux est compris entre 1,60 g/l et 1,99 g/l : 
    - Que l’on soit homme ou femme un cholestérol inférieur à 1,60 g/l s’accompagne d’une surmortalité relative de 17p100 pour les hommes et 10p100 pour les femmes, cette surmortalité n’étant pas liée à une affection cardio-vasculaire (le contraire aurait été déprimant).
    - Entre 2 et 2,39 g/l la surmortalité cardio-vasculaire apparaît chez les hommes (sans augmenter la mortalité globale) mais pas chez les femmes.
    - Au delà de 2,40 la surmortalité cardio-vasculaire augmente encore chez les hommes élevant de ce fait la mortalité globale (car la mortalité liée aux autres causes ne s’élève pas)…Et toujours aucune surmortalité chez les femmes.
    Que conclure ? Chez les hommes il y a bien une corrélation (du type exponentiel, c’est à dire en s’accélérant) entre le taux de cholestérol et la mortalité cardio-vasculaire à partir de 2g/l, mais pas chez la femme (dont le taux des HDL, le « bon cholestérol », est élevé, au moins jusqu’à la ménopause). Dans les deux sexes un taux de cholestérol bas s’accompagne d’une surmortalité liée à des causes non cardio-vasculaires (les cancers mortels étant plus présents chez les hommes que chez les femmes).


    [1] Report of the Conference on Low Blood Cholesterol: Mortality Associations. Circulation 1992; 86, 3 : 1046-60


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  • Suivre un régime est difficile ! Prescrire un médicament contre le cholestérol ne serait-il pas plus simple ?

     

    Les tentations sont nombreuses et la vie est unique. Il est recommandé d'essayer un régime pendant 6 mois environ et de proposer un médicament que si le régime seul est inefficace. Malheureusement le régime même inefficace doit en principe être continué et même si le régime est efficace, on peut être amené à ajouter en plus un médicament. Les recommandations sont sans pitié.

    Diverses classes de médicaments ont été utilisés pour abaisser le cholestérol [hypolipémiants], deux d'entres elles sont le plus souvent prescrites : les fibrates et dérivés, depuis longtemps, mais de moins en moins et les statines plus récentes et plus efficaces, prescrites de plus en plus et dont les effets dépassent leur action sur le cholestérol. S'y ajoutent des médicaments qui visent à réduire l'absorption du cholestérol par l'intestin.

    Les fibrates ont l'avantage non seulement d'abaisser (modérément, moins de 10p100) le cholestérol total mais aussi les triglycérides et d'élever les HDL (le « bon cholestérol »). Chez les sujets qui n'ont pas encore de maladie coronaire (angine de poitrine et infarctus du myocarde) le risque d'en avoir une est réduit, mais là encore la mortalité globale n'est pas réduite et parfois en raison de la fréquence des morts violentes (accidents, homicides, suicides).

    Les statines diminuent la production de cholestérol. Elles inhibent l'enzyme [HMG CoA réductase] présidant à la synthèse du cholestérol dans la cellule, obligeant celle-ci à se fournir à l'extérieur pour ses besoins auprès des LDL (le « mauvais cholestérol ») et à diminuer le cholestérol circulant. En prévention primaire (avant un accident cardio-vasculaire) chez les patients dont le risque est peu élevé par ailleurs, les statines, bien qu'efficaces pour abaisser le cholestérol (celui des LDL, elles élèvent peu celui des HDL et abaissent peu les triglycérides) ne semblent pas modifier de façon significative la mortalité globale (mais les morts violentes et les cancers mortels ne sont pas plus fréquents dans le groupe traité par une statine)

    Lorsque l'on traite des coronariens, les statines sont utilisés en priorité (sauf dans le cas où les triglycérides sont très élevées justifiant un traitement par un fibrate). En 1994 il a été montré qu'une statine (en prévention secondaire, après la survenue d'un accident cardiaque) était capable de réduire le taux de cholestérol, de réduire nettement le nombre d'évènements coronariens mais également la mortalité globale et dans la même proportion relative (30p100). Depuis, ces médicaments sont largement prescrits (parfois de façon imprudente, l'une d'entre elles a du être retirée du commerce).  On leur trouve des vertus allant au delà de leur effet sur le cholestérol, notamment sur l'évolution de la plaque d'athérome (stabilisation, régression), si bien que l'on a tendance à les prescrire chez les personnes menacées même lorsque leur taux sanguin du cholestérol est peu ou pas élevé.


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  • Modifier son alimentation est-il efficace ?

     

    Cela dépend sur quoi. La sélection alimentaire diminue le cholestérol de 10 à 15%, passer d'un cholestérol de 2,50 g/l à 2,20g/l paraît peu, mais il ne faut pas oublier que le risque coronarien est censé diminuer du double et c'est ce qu'on l'on observe à peu près dans la plupart des essais à condition de ne pas s'attaquer à des taux de cholestérol proches de 2 g/l et sans rechercher une corrélation étroite entre l'amplitude de l'abaissement du cholestérol et l'importance de la diminution du risque coronarien. Mention particulière pour une étude Lyonnaise parue en 1994 comparant le régime dit méditerranéen (enrichi en pain, légumes, fruits et poissons et allégé en viandes, beurre et crème remplacés par de l'huile d'olive) et le régime préconisé par l'American Heart Association (celui avec la calculette). Bien que les deux régimes aient eu un effet semblable sur le cholestérol total et les triglycérides, le régime méditerranéen (qui a eu tendance à élever les HDL - transporteurs du « bon » cholestérol - et à diminuer les LDL - transporteurs du « mauvais » cholestérol) s'est révélé supérieur sur la prévention des évènements coronariens (angine poitrine et infarctus du myocarde).

    Mais une autre question est de savoir si en diminuant les évènements coronariens par un régime on diminue également le nombre de décès pendant la période étudiée (en général autour de 5 ans). Lorsque l'on applique le régime à des personnes qui n'ont pas encore été atteint par une maladie coronaire [prévention primaire], il semble bien que la mortalité globale ne diminue pas, les gens meurent moins du cœur mais plus d'autres causes et la mort violente a été signalée comme l'une d'entre elles (affirmer que se priver de pâtisseries conduit au suicide serait une conclusion hâtive).

    Par contre lorsque la prévention diététique [prévention secondaire] s'applique à des coronariens, la mortalité cardiaque et globale diminuent et là le patient sait pourquoi il se prive.


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  • Que manger pour abaisser le taux de cholestérol dans le sang ?

     

    Dans les pays économiquement développés, la majorité de la population a une alimentation trop « riche » et le plus souvent déséquilibrée...bien que savoureuse.

    Mais avant de se mettre à la diète (ce qui est une démarche désagréable se répétant 3 fois par jour et pour longtemps), le taux de cholestérol doit être vérifié et s'il est confirmé qu'il est élevé, le médecin doit s'assurer que cette élévation n'est pas liée à une augmentation bénéfique des HDL et vérifier l'absence de maladie ou de traitement pouvant être à l'origine de l'élévation.

    Si le régime s'impose, commencer par maigrir si l'on est trop gros, surtout si l'on est diabétique, pas toujours facile et souvent déprimant, pour les hommes parce qu'ils se privent et qu'ils n'aiment pas ça, pour les femmes, car l'échec (fréquent) est mal vécu et le poids peut devenir une hantise alimentée (si j'ose dire) par une pression médiatique sous forme de merveilleuses créatures exposées au moindre prétexte.

    Quant au régime préconisé pour abaisser le cholestérol... il est difficile à appliquer dans la vie courante : matières grasses constituant moins de 30p100 des calories absorbées, dont 250 à 300 mg/j pour le cholestérol, acides gras saturés : moins de 10p100 des calories, acides gras polyinsaturés jusqu'à 10p100 des calories ! Respecter à la lettre un tel régime conduirait le patient à vivre avec une table de composition des aliments, une balance et une calculette (d'autant plus que les proportions peuvent varier selon les conseils).

    Une simple sélection des aliments est déjà bien contraignante : limiter la consommation de viandes (surtout les abats particulièrement riches en cholestérol, la cervelle arrivant largement en tête...), des œufs (le jaune contient déjà la ration quotidienne de cholestérol permise) choisir plutôt les viandes « blanches » (dinde, poulet, canard, lapin, veau, jambon cuit) ou des morceaux maigres des autres viandes, se priver (un peu...) des coquillages (mais pas des crustacés...Dieu merci), favoriser celle de poissons même gras (mais « insaturés », sauf l'anguille qui - heureusement - n'est pas mon plat préféré), des légumes, des fruits et des sucres complexes : pain, céréales, féculents (mais pas les pommes de terre frites, les pâtes aux œufs et les biscottes). Les gourmets devront se passer du beurre et des fromages pourtant si séduisants par leur diversité et se contenter des margarines à base végétale et des laitages écrémés. Les gourmands verront passer sous leur nez : les charcuteries, les pâtisseries, les viennoiseries, les confiseries, le chocolat au lait, les glaces (se rabattre sans trop de regret sur les sorbets). Quant aux paresseux, ils devront renoncer à la facilité des plats et les sauces préparés du commerce. Les huiles, elles, ont fait couler beaucoup d'encre. Diverses huiles ont été conseillées (et à utiliser en principe en alternance !) : tournesol, maïs, pépins de raisin, noix, colza, soja...Mais les esprits ont été frappés par l'histoire de la Crète et de la fréquence moindre des maladies coronariennes dans le sud de l'Europe, si bien que l'huile d'olive ancestrale (mais pas l'olive, ce qui injuste) a toutes les faveurs. L'alcool et surtout le vin sont sur la voie d'une timide rédemption car - comme l'exercice physique - ils élèvent le taux des HDL à la dose d'environ 2 verres de vin par jour. Par contre une dose excessive d'alcool augmente le taux des triglycérides, le risque de mort prématurée de l'alcoolique et de ceux qui se trouvent sur sa route.


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  • En quoi le cholestérol peut-il être bon ou mauvais ?

     

    Le cholestérol qualifié de « mauvais » est celui transporté par les LDL, les lipoprotéines de basse densité, pourvoyeuses des cellules, et celles-ci acceptent ou non le cholestérol délivré à leurs portes selon leurs besoins et le nombre de portes qu'elles mettent à disposition. Le principal objectif des mesures de prévention vise à diminuer les transporteurs LDL et leur charge en cholestérol. Quant au « bon », il est transporté par les HDL, les lipoprotéines de haute densité qui suivent un trajet inverse de celui des LDL  et transportent le cholestérol des tissus périphériques vers le foie où il sera éliminé par la bile. Elles faciliteraient également la sortie du cholestérol des cellules macrophages qui, incapables de réguler son absorption, ont laissé entrer le cholestérol refusé par les autres. Les HDL ont un effet protecteur contre l'athérosclérose.

    Le cholestérol est « bon » ou « mauvais » selon la fonction et la direction du véhicule qu'il emprunte, vers la sortie ou vers l'entrée


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    Si l'excès en cholestérol provient de l'alimentation, pourquoi des personnes maigres ou mangeant peu gras ont un cholestérol sanguin élevé et qu'inversement des obèses ou de « bons convives » n'en n'ont pas ?

     

    L'alimentation n'est pas seule en jeu. Quel que soit l'apport alimentaire en cholestérol (20 à 40p100 du cholestérol total), son taux s'élève dans le sang s'il n'est pas épuré par les cellules.

    Les transporteurs

    Le cholestérol et les lipides (insolubles dans l'eau) sont transportés dans le sang inclus dans de grosses molécules complexes : les lipoprotéines. Ce sont des agglomérats formés par du cholestérol, des triglycérides, des phospholipides et des protéines : les apoprotéines. La proportion de ces différents composants varient selon le type de lipoprotéine : les chylomicrons (riches en triglycérides) formés par la cellule intestinale à partir des graisses alimentaires, les lipoprotéines de très basse densité : les VLDL formées dans le foie, responsable également de la formation des lipoprotéines de basse densité : les LDL (riches en cholestérol), les lipoprotéines de haute densité : les HDL (riches en phospholipides et en protéines) naissent de sources diverses. Les apoprotéines sont la marque de reconnaissance par les cellules de ces différentes lipoprotéines et chaque catégorie a sa marque, par ex l'apoprotéine B 100 pour les LDL et les apo A1 et A2 pour les HDL. Les apoprotéines sont des signatures, mais également des clés pour pénétrer éventuellement dans la cellule.

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    Les serrures de la cellule

    Les LDL transportent 70p100 du cholestérol total du plasma, des récepteurs spécifiques de la membrane cellulaire les reconnaissent et permettent leur pénétration à l'intérieur de la cellule : ce sont ses serrures. Mais la cellule n'est pas goinfre et si la quantité de cholestérol à l'intérieur de la cellule est suffisante, elle inhibe l'enzyme principale de la synthèse du cholestérol (l'HMG Coenzyme A réductase) qui lui sert à fabriquer son propre cholestérol et diminue le nombre de récepteurs LDL, donc le nombre de serrures  permettant la pénétration du cholestérol extérieur dans la cellule.

    Des cellules portes ouvertes

    Les LDL « exclues » (20 à 30p100) iront alors ailleurs, là où il n'est pas nécessaire d'avoir une clé pour pénétrer dans la cellule car il n'y a pas de serrures efficaces : macrophages, cellules vasculaires lésées, incapables de régler elles-mêmes l'absorption des graisses, elles deviennent des cellules spumeuses qui jouent probablement un rôle dans la formation de l'athérosclérose.

    C'est l'hérédité qui fournit les serrures

    Le maintien d'un taux correct du cholestérol plasmatique dépend donc pour un grande part du nombre de récepteurs LDL fonctionnels et il est sous la dépendance du programme génétique. Ainsi dans l'hypercholestérolémie familiale (1 personne sur 500), la forme incomplète (hétérozygote) est caractérisée par une diminution de la moitié des récepteurs LDL fonctionnels avec 2 fois moins d'épuration et dans la forme complète (homozygote) par leur absence totale avec un taux plasmatique de LDL multiplié par 6. L'activité des récepteurs diminue également avec l'âge et la consommation excessive d'acides gras saturés par rapport aux acides gras insaturés (modifiables car pourvus au moins d'une double liaison chimique).

    Chacun transforme et épure le cholestérol à sa façon, ainsi a-t-on parfois un taux « immérité » de cholestérol sanguin.

    D'autres facteurs peuvent intervenir

    Mais à côté de la capacité de chaque individu à se débarrasser de son cholestérol en excès, des maladies peuvent augmenter le cholestérol : une insuffisance de sécrétion hormonale de la thyroïde [hypothyroïdie], une rétention de bile au niveau du foie [ictère par cholestase], une perte importante d'albumine par les urines [syndrome néphrotique], un diabète. Des médicaments et la contraception orale peuvent également augmenter la teneur en graisses du sang (triglycérides et VLDL surtout).


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  • Le cholestérol a très mauvaise presse, au point de devenir une hantise, ne sert-il à rien ?

     

    C'est un élément indispensable de l'organisme. Les cellules ont besoin de cholestérol préformé pour la création d'une nouvelle membrane (limite cellulaire) lorsqu'elles se reproduisent. Il est nécessaire pour la synthèse du cortisol par les surrénales, d'oestradiol par les ovaires, d'acides biliaires par le foie. En dehors des glandes endocrines, la plupart des tissus peuvent combler leurs besoins en cholestérol en le synthétisant et en le stockant sur place. Il faut également ajouter que les graisses [lipides], dont fait partie le cholestérol, sont très abondantes dans le système nerveux (Elles représentent plus de 50p100 des constituants non aqueux de l'encéphale)

     

    Puisque le cholestérol est indispensable, pourquoi est-il nocif ?

     

    L'apport nécessaire aux cellules serait faible. C'est un taux sanguin excessif en cholestérol qui peut être nocif, facteur favorisant l'athérosclérose artériel, en particulier dans sa localisation au niveau des coronaires, les artères du cœur dont les lésions provoquent l'angine de poitrine et l'infarctus du myocarde. Il y a plusieurs décennies, à partir d'études sur de larges populations [épidémiologie] a été établi le théorème suivant : plus le taux sanguin de cholestérol est élevé plus le risque d'avoir une maladie coronarienne est grand et ce risque s'accroît de plus en plus à partir de 2,50 gr par litre. Ce théorème a eu rapidement un corollaire établi sur les essais thérapeutiques visant à abaisser le cholestérol sanguin : toute diminution de 1p100 du cholestérol sanguin entraîne une diminution de 2p100 du risque coronarien. Le théorème et son corollaire sont basés sur des études surtout nord-américaines et nord européennes, zones géographiques particulièrement touchées par les maladies coronariennes. De là date le début de la croisade contre le cholestérol, l'expansion de l'industrie alimentaire des produits « allégés » et l'offensive des laboratoires pharmaceutiques. Mais le théorème a de nombreuses exceptions géographiques, sans doute par le biais des habitudes alimentaires : le Japon est peu touché par les maladies coronariennes, mais les Japonais le deviennent lorsqu'ils vivent aux USA, à cholestérolémie égale la morbidité et la mortalité d'origine coronarienne est 3 fois plus faible en France qu'aux USA et la mortalité 20 fois plus faible en Crète que dans les 6 autres pays étudiés simultanément en 1970. Ne parlons pas des pays où se nourrir est une question qui se pose plusieurs fois par jour.


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  • Est-ce que l'athérosclérose atteint toutes les artères ?

     

    Non. Ou plutôt de façon tellement inégale que cela revient au même. Des artères peuvent être pratiquement indemnes (de petites plaques de loin en loin), d'autres farcies de plaques juxtaposées. Les artères les plus visées sont celles du cœur, celles du cerveau et celles des membres inférieurs auxquelles il faut ajouter l'aorte, (le tronc de l'arbre artériel). Mais là encore il peut y avoir des inégalités paradoxales : un patient ayant les artères des jambes très atteintes peut avoir des artères du cœur ou du cerveau peu ou pas touchées et inversement. Mais lorsque l'un des trois territoires « privilégiés » a une athérosclérose évoluée, il vaut mieux se méfier des deux autres.

     

    Peut-on savoir si l'on a de l'athérosclérose avant que les complications n'apparaissent ?

     

    Oui, par l'échographie-doppler. Cette technique indolore, externe [non invasive] utilise les ultra-sons - comme le radar - pour donner une image de l'organe exploré en se réfléchissant sur les diverses structures qui le composent. Bien entendu l'organe doit être suffisamment accessible aux ultra-sons, C'est le cas de beaucoup d'artères : celles du cou, des bras, des jambes, de l'aorte abdominale, mais pas celles du cœur. L'échographie permet de voir les parois d'une artère, de juger de son épaisseur, de mettre en évidence les plaques d'athérosclérose plus ou moins denses, plus ou moins larges ou épaisses qui viennent saillir à l'intérieur de l'artère. L'application de l'effet Doppler (variation de la fréquence des échos réfléchis en fonction de la vitesse de déplacement de l'objet exploré, le sang dans le cas présent) permet de voir le courant sanguin sous forme d'une nappe colorée (bleu ou rouge selon le sens du déplacement par rapport à la sonde d'exploration appliquée sur la peau), de mieux cerner les contours de l'artère et de calculer la vitesse du sang qui augmente lorsqu'il existe un rétrécissement sur son parcourt. Aux lumières s'ajoute  le son dont les modifications apportent également son lot de renseignements.

    Pour avoir une image des artères, l'échographie-doppler est à la fois la méthode la plus simple, celle que l'on peut répéter si nécessaire et la moins onéreuse. Mais d'autres techniques existent, elles utilisent les rayons X après opacification de la lumière artérielle par l'injection d'un produit de contraste, l'image étant reconstituée à l'aide du scanner [tomodensitométrie] ou « photographiée » pour l'artériographie qui nécessite l'introduction d'un cathéter à l'intérieur de l'espace vasculaire.

    A côté des ultra-sons et des rayons X, l'application d'un champ magnétique puissant [angiographie par résonance magnétique], permet d'obtenir des images de bonne qualité. Ces techniques moins simples et plus onéreuses que l'échographie-doppler sont nécessaires lorsque les artères sont peu ou pas accessibles aux ultra-sons ou lorsque l'on envisage une intervention chirurgicale, l'artériographie, en particulier, donnant une image plus précise de la situation anatomique.

     

    Mais quand doit-on faire ces examens ?

     

    L'athérosclérose n'entraînant le plus souvent aucun trouble, la curiosité en ce domaine risque de provoquer une anxiété et développer une hypocondrie. Par contre si l'athérosclérose s'est déjà exprimée dans un territoire artériel il est licite de la dépister par les ultra-sons dans d'autres territoires. Lorsque le risque d'avoir une athérosclérose évoluée paraît élevé et en cas de diabète, cet examen est également justifié. Si l'on envisage une intervention chirurgicale importante chez un patient ayant une forte probabilité d'athérosclérose, il est plus prudent de faire une échographie-doppler des artères destinées au cerveau (carotides) et de tester la circulation artérielle du cœur (coronaires) par des tests indirects (comportant sa mise à l'épreuve par un effort ou équivalent)

     

     

    Quelles sont les causes qui font évoluer l'athérosclérose au point d'en faire une maladie ?

     

    Pour l'instant nous ne connaissons pas les causes notamment celles à l'origine des poussées, l'inflammation joue un rôle qui paraît important (mais en réaction à quoi ? le rôle des infections est toujours débattu). Par contre, nous connaissons assez bien les facteurs favorisants (et on en découvre sans cesse ; en 1981 le compte était de 246, à présent on avance le chiffre de 400 !!!), on les appelle : les facteurs de risque, ils ont été mis en évidence pour les principaux par l'étude de populations entières sur de nombreuses années (étude pendant 26 ans sur 5000 sujets de la ville de Framingham débutée en 1948). Ceux qui ont le plus d'influence sur le degré et la rapidité d'évolution de l'athérome sont : un taux élevé de cholestérol dans le sang (en particulier pour les artères du cœur) le tabagisme (les artères des jambes y sont très sensibles), l'hypertension artérielle (dont l'effet est net sur les artères cérébrales), le diabète, l'âge, l'hérédité et le sexe masculin où l'augmentation du risque est surtout net avant 65 ans, car après les deux sexes sont exposés de la même façon. Pour le cholestérol, il s'agit de sa fraction liée aux graisses de basse densité [LDL] car sa fraction liées aux lipides de haute densité [HDL] a au contraire une action anti-athéromateuse, c'est le « bon cholestérol » dont le taux bas constitue lui-même un facteur de risque.

    Bien d'autres facteurs peuvent accentuer le risque : un taux élevé d'une autre fraction des graisses dans le sang : les triglycérides (formées à partir des sucres), l'obésité, le manque d'exercice physique, une vie « stressante. L'excès de poids, en particulier par adiposité abdominale, est un facteur de risque en lui-même, mais également parce qu'il favorise le diabète, l'hypertension artérielle et les anomalies des graisses dans le sang.

     

    En agissant sur ces facteurs de risque peut-on faire régresser les plaques d'athérome ?

     

    Un peu. L'action sur les facteurs de risque (notamment l'abaissement du LDL - cholestérol) freine leur évolution, prévient dans une certaine mesure leurs complications et diminue le nombre d'accidents cardio-vasculaires, mais la régression des plaques est pour l'instant minime, elle sera sans doute obtenue dans l'avenir par des traitements médicamenteux plus puissants que ceux que nous avons [statines].

    Pour les facteurs de risque constitués par des maladies  comme le diabète ou l'hypertension, leur traitement s'impose de toute façon et pour cette dernière, son contrôle assure une prévention efficace des accidents liés à l'athérosclérose, notamment cérébraux.

    Une partie de la prévention dépend de nous-mêmes, c'est le cas pour le tabagisme dont l'arrêt est efficace et conduit petit à petit à un risque équivalent à celui des sujets qui n'ont jamais fumé, une modification de l'alimentation joue également un rôle favorable en diminuant l'apport des graisses surtout d'origine animale riches en acides gras saturés, en cholestérol et en privilégiant l'apport des légumes, des fruits, du poisson associé à une petite dose d'alcool (1 à 2 verres de  vin par jour). Supprimer l'excès de poids est sûrement bénéfique, pas toujours facile d'autant plus qu'un éventuel arrêt du tabagisme associé provoque en général une prise de poids. Reste enfin les facteurs sur lesquels nous n'avons aucune prise : l'hérédité, l'âge, le sexe...et les stress.

     

    N'y a-t-il pas des médicaments qui pourraient aider à lutter contre les complications de l'athérosclérose ?

     

    Oui, ils existent et ils s'imposent en prévention secondaire c'est à dire après la survenue de ces complications. Mais la question débattue est de savoir s'il est licite de les utiliser chez des sujets en bonne santé apparente car il faut que le bénéfice que l'on attend d'eux soit nettement supérieur aux risques qu'ils font courir. Ce sont les sujets qui paraissent les plus menacés qui tireront le plus de bénéfice d'un traitement médicamenteux associé aux règles hygiéno-diététiques. Déterminer l'importance de la menace [risque global] consiste à tenir compte de tous les facteurs de risque selon leur implication et leur association en sachant que deux facteurs présents ne s'additionnent pas mais se multiplient.

    La prévention primaire (avant la survenue des complications) a beaucoup de défenseurs, elle est justifiée par de nombreuses études statistiques, mais les résultats de certaines d'entre elles ont été décevants lorsque les mesures de prévention ont été appliquées de façon systématique. Aussi peut-on se demander s'il est vraiment licite d'imposer un mode vie parfois contraignant à un sujet en bonne santé apparente sans être certain qu'il en tirera un bénéfice quelconque.


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  • Que veut dire athérosclérose ? Est-ce la même chose que l'artériosclérose ?

     

    Non, l'artériosclérose désigne le durcissement des artères. Ces vaisseaux qui distribuent le sang riche en oxygène à tous les organes sont normalement musclés, résistantes mais souples,  avec l'âge elles deviennent fibreuses et dures. Cette transformation peut avoir des conséquences sur la pression qui règne dans les artères, mais pas celles de l'athérosclérose (également appelée athérome ou athéromatose) qui débute par une infiltration de graisses dans l'artère à l'origine d'une cascade d'évènements possibles. Le point commun est : « sclérose », car dans les deux processus il existe une induration des artères et souvent des dépôts de calcium.

     

    L'athérosclérose est-elle liée à l'âge ou est-ce une maladie ?

     

    Oui et non. Les dépôts de graisses et notamment de cholestérol dans la couche interne de l'artère en contact avec le sang est le processus initial qui va conduire à l'athérosclérose. Mais ces dépôts peuvent apparaître dès l'enfance [cellules spumeuses, stries lipidiques, puis pustules lenticulaires] et les plaques d'athérome faites de graisses et de fibres peuvent déjà s'organiser à partir de la deuxième décennie en particulier dans les grosses et moyennes artères et là où  le courant sanguin est turbulent. Donc, oui, l'athérosclérose est liée à l'âge, mais on parle de maladie lorsque ces plaques qui finissent par saillir dans la lumière artérielle évoluent vite (le plus souvent par poussées), deviennent nombreuses, importantes et surtout lorsqu'elles se compliquent. Si le développement des plaques ne rétrécie pas l'artère au point de diminuer dangereusement l'arrivée de sang dans l'organe correspondant [ischémie] et si elles ne compliquent pas, l'athérosclérose restera inapparente [asymptomatique] toute la vie.

    Les complications sont, elles, très diverses et peuvent intéresser des plaques peu saillantes mais instables, car plus graisseuses que fibreuses, les fibres tendant à fixer la plaque. Les plaques peuvent ainsi s'ulcérer, se fissurer, saigner, se rompre, affaiblir la paroi de l'artère qui se laissera distendre par la pression du courant sanguin [anévrisme ou ectasie] ou laisser pénétrer le sang à l'intérieur même de la paroi [dissection]. Lorsque ces complications apparaissent - car elles peuvent ne jamais apparaître - elles s'accompagnent presque toujours d'un phénomène redoutable : la formation de caillots [thrombose] au niveau de la plaque, celle-ci peut d'ailleurs les inclure et ainsi s'agrandir, mais s'ils s'étendent, ils peuvent boucher l'artère sur place ou se détacher pour boucher une artère plus loin [embolie].

    Les anomalies anatomiques de la paroi de l'artère entraîne en outre des anomalies de ses fonctions, car l'artère n'est pas un simple tuyau, c'est un organe vivant qui secrète de nombreuses substances, normalement en équilibre pour assurer - entre autres - l'ouverture adaptée de sa lumière. L'athérosclérose de la paroi vient perturber cet équilibre avec une tendance au resserrement [constriction], parfois extrême [spasme].


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