-
Par Dr WO le 6 Septembre 2008 à 11:31
Chaim Soutine "Deux enfants sur la route"
DEUX ENFANTSIls sont seuls
Les deux enfants sur la route
Au milieu des champs labourés
Le garçon est l'aîné
Il tient par la main la petite fille
Et elle tient un petit panier
Que font-ils seuls sur la route
Ont-ils une famille
Ils ne vont pas à l'école
Ils n'en reviennent pas
Les enfants ça ne se promènent pas
Quand ils sont seuls ils jouent
Eux ne jouent pas
Alors que font-ils seuls
Sur la route à pied
Au milieu des champs labourés
Çà n'a pas de sens
Mais la vie a-t-elle un sens
Pour deux enfants abandonnés
Seuls sur la route
Sans savoir où aller
Paul ObraskaChaim Soutine "La petite fille à la poupée"
LA POUPEEAssise dans un fauteuil de bois
La petite fille de Soutine
Entoure de ses bras
Une poupée à triste mine
Pourquoi la poupée pleure-t-elle
Sait-elle qu'elle sera un jour jetée
Démembrée dans une poubelle
Quand la petite fille aura cessé de l'aimer
Et pourquoi la petite fille
A ce regard angoissé
Est-elle sans famille
Est-elle abandonnée
Elle craint peut-être un jour de l'être
Peut-être viendra-t-on un jour la prendre
Des étrangers peut-être
Qui feront d'elle des cendres
Son sort sera-t-il celui de la poupée
Qui pleure déjà entre ses mains
Avec la peur de ne plus être aimée
Avec la crainte de son destin
Si vous voulez sentir votre fragilité
Regardez les yeux des poupées
Paul Obraska4 commentaires
-
Par Dr WO le 1 Septembre 2008 à 16:53
Pierre Bonnard "Sieste"
CHALEURIl fait chaud
La femme nue assoupie
Etreint le lit
La tête dans ses bras en berceau
Il fait chaud
Le corps découvert alangui
Dans la beauté de son impudeur
Dans le charme de sa candeur
Une heure de sommeil
Volée sur la nuit
A l'ombre de la chambre fleurie
Dehors le soleil
Frappe sur les volets fermés
Au pied du lit
Les vêtements éparpillés
De trop
Et un chien endormi
Il fait chaud
La femme s'est s'abandonnée
Nue
Sans retenue
Dans la chaleur de l'été
Paul ObraskaPierre Bonnard "Homme et Femme"
APRESL'homme nu debout à l'écart se rhabille déjà
Sans un regard pour la femme sur le lit défait
La femme assise nue est laissée là
Dans le silence de l'après
La tête basse
Mélancolique
Impudique
Lasse
Qu'attend-elle ? De la tendresse ?
L'homme a eu ce qu'il voulait
Ce qu'il attend d'une maîtresse
Mais peut-être n'est-il pas satisfait ?
Peut-être vont-ils se quitter
Alors la femme reste nue sur les draps
Comme une coquille vide abandonnée
Une main sur une cuisse et une jambe repliée
Le talon devant son sexe qu'elle ne couvre pas
Paul Obraska6 commentaires
-
Par Dr WO le 29 Août 2008 à 15:10
Pierre Auguste Renoir "Jeune fille peignant ses cheveux"
RIDEAUQue c'est beau
Ces longs cheveux de femme défaits
Qui tombent comme un rideau
Sur un visage sans apprêt
Qu'il est fier
Ce mouvement de tête têtu
Qui ramène les cheveux en arrière
Et révèle le visage un instant disparu
Dehors le vent joue au magicien
Quand il tire un rideau ajouré
Sur les beaux visages féminins
Puis le soulève sur leur clarté
Et les hommes sont séduits par ce jeu
De la tête, du vent et des cheveux
Par le visage changeant de la féminité
Un jour lumineuse le lendemain voilée
Paul Obraska
Pierre Auguste Renoir "Gabrielle avec la boîte à bijoux"
BIJOUXDans les cités fantômes ensevelis sous la terre
On trouve comme des bouts de soleil dans la boue
Enchâssés dans le sable comme des éclats de verre
Les bijoux
Ils ont appartenus à des beautés antiques
Ces bracelets aux poignets et ces chaînes aux cous
Des douces chairs fantômes ce sont les reliques
Les bijoux
Des femmes qui portaient ces boucles d'oreille
Aussi intimes avec leur corps que des dessous
De leur séduction il reste ces merveilles
Les bijoux
On se prend à rêver devant le métal ciselé
A son dur éclat d'or sur des corps si doux
Au parfum évanoui qui devait escorter
Les bijoux
Comme s'étonner que les femmes les aiment
Que leurs yeux brillent devant l'éclat des cailloux
Ils sont un peu d'elles-mêmes
Les bijoux
Paul Obraska3 commentaires
-
Par Dr WO le 17 Juin 2008 à 17:18
Berthe Morisot "La lecture"
LECTUREJeune fille absorbée dans le livre ouvert
La page blanche éclaire ton visage pur
Tu es partie légère dans un autre univers
Transportée dans des rêves par ta lecture
Un monde imaginaire se déroule dans tes mains
La page peuplée de petits signes noirs
T'emporte loin des plantes du jardin
Dans le récit muet de belles histoires
On ne sait dans quel monde t'emporte ta lecture
Les petits signes noirs se pressent en rangs
Et te donnent les clefs des serrures
Pour voyager dans l'espace et le temps
Tu as dans tes mains de la pure magie :
Le livre jette un charme, celui de l'oubli
Paul ObraskaSir John Everett Millais "La fille aveugle"
L'ENFANT RACONTEEt l'enfant raconte le lourd ciel assombri
Au-dessus de la maison aux tuiles rouges
L'étal en arc dans les gouttes de pluie
Des entrailles de lumière, du violet au rouge
Elle raconte l'herbe piquée de noirs oiseaux
L'accouplement des fleurs et des papillons
Et le museau humide enfoui des animaux
Les pattes dressées dans la pâture à foison
Elle raconte les arbres comme des naufragés
Perdus au milieu des vagues douces du champ
Et la lumière des flaques d'eau à leurs pieds
L'aveugle attentive écoute les paroles de l'enfant
Elles bâtissent le monde, mais le nom des couleurs
Réveille en elle le sombre regret d'un ancien bonheur
Paul Obraska1 commentaire
-
Par Dr WO le 15 Juin 2008 à 09:51
Marc Chagall "Autoportrait avec Muse (rêve)"
LA MUSE DE CHAGALLL'âne, le bœuf et l'agneau aux yeux sereins
Offrent leur chaleur innocente aux humains
Le coq pointe son bec aigu aux épousailles
La mariée blanche fleurie de bleu
Est prête dans son bel attirail
Les mariés s'envolent dans le ciel bleu
Comme des feuilles mortes
Que le vent amoureux emporte
Les bêtes se mêlent aux hommes
Et les hommes au ciel et le ciel à la terre
Dans les volutes d'azur d'un maelström
Les corps ondulent en apesanteur dans l'air
Des flammes de bougie sortent des maisons de bois
Sang sur la neige étalée comme une robe de mariée
On ne sait pourquoi
Un peu déplacé
Surgi de loin, de n'importe où
Un christ triste sur sa croix
Peut-être là pour se faire pardonner
Mais le violoniste le bois contre la joue
Ne le regarde pas
Les petites gens affolés
Courent en tous sens
Ne le regardent pas
Dans l'indifférence de leur souffrance
Eux aussi portent leur croix
Paul Obraskavotre commentaire
-
Par Dr WO le 2 Juin 2008 à 10:28
Sir John Everett Millais "Bulles"
LA BULLEUne petite merveille ronde
Naît de la pipe du gamin
Démiurge aux petites mains
Il vient de créer un monde
La belle bulle de savon irisée
Courbe les reflets de lumière
S'élève gracieuse et légère
Au-dessus de l'enfant étonné
S'il est fier, il parait s'inquiéter
Encore combien de temps
Sa merveille va-t-elle durer ?
Il sait qu'elle va bientôt crever
Résigné, il attend ce moment
Et se tient prêt à la remplacer
Paul Obraska2 commentaires
-
Par Dr WO le 30 Mai 2008 à 09:56
Pablo Picasso "La tragédie"
COMMISERATIONUn homme disait n'importe quoi
Il disait qu'il était heureux
Sans la moindre preuve
Ça va de soi
Dire que l'on est heureux !
Pas étonnant que les gens s'en émeuvent
L'être peut-être mais le dire !
Et à des gens qui ne le sont pas
Ou qui ne parlent que du pire
Ou sont peut-être heureux
Mais ne le savent pas
Ou le cachent bien
Pour ne pas provoquer le destin
Montrer que l'on est heureux
Ce n'est pas malin
C'est de la méchanceté
Ça rend les autres un peu malheureux
Alors les gens attendent d'être vengés
Oh ! sans se l'avouer
Ils ne sont pas envieux
Qu'allez-vous penser !
Ils guettent seulement l'homme heureux
Ses yeux rieurs et son sourire
En espérant le voir s'évanouir
Ils guettent l'ombre d'une peur
Ils guettent un petit soupir
Ils guettent un petit malheur
Parce que le malheur ça arrive tout le temps
Alors ils attendent le moment
Patiemment
De le plaindre de tout leur cœur
En écrasant une larme en soupirant
De bonheur
Paul Obraska
3 commentaires
-
Par Dr WO le 26 Mai 2008 à 18:14
Constantin Korovin "Un pauvre tir"
LE CHASSEURQu'il est doux le chasseur
Qui fait peur aux oiseaux
En tirant à terre
Et le nez en l'air
Les regarde s'envoler
Un envol d'oiseau
Est bien plus beau
Qu'un oiseau tué
Météorite de chair
Le sang sur les ailes
Empêche de voler
Le sang qui s'en va
Ne rend pas plus léger
Il est si lourd sur les corps
Qu'il les écrase sous son poids
Les couche contre terre
Et même
Le sang qui s'en va
Les fait entrer dedans
Le sang n'est pas fait pour être dehors
Il est fait pour tourner
Dans une valse à trois temps
A l'abri bien au chaud
Et dehors il fait toujours froid
Il ne fait jamais un temps
A mettre le sang dehors
Et pourtant
Il sort
Paul ObraskaSalvador Dali "Le voyeur"
LE VOYEURA travers ses lunettes
A travers sa fenêtre
A travers son écran plat
Le voyeur voit les autres
Ça ne le concerne pas
Ça n'arrive qu'aux autres
Il n'intervient pas, il compatit
Même s'il a parfois de la peine
Un spectateur reste assis
Et ne monte pas sur scène
Devant l'accident, il ralentit
Les tôles froissées, les valises éventrées
L'intimité étalée sur la chaussée
Un cadavre et une flaque de sang
Fascinant, de quoi émouvoir
Et passer son chemin
Ça n'arrive qu'aux autres
Un désespéré tordu sur le trottoir
Comment peut-on se suicider ?
Un clochard sentant le vin
Peut-être un drogué, un vaurien
Comment peut-on se droguer ?
Ça n'arrive qu'aux autres
Pas aux siens
Et les agressions, le sadisme, le viol
C'est à la télévision
Pour donner le frisson
Entre deux réclames frivoles
La faim, la misère
Les tortures, les bombes, les tueries
Et les guerres, les putains de guerres
Ça n'arrive qu'aux autres
Loin d'ici
Et la maladie, le fauteuil roulant, la mort
Ça n'arrive qu'aux autres
Quoique...
Paul Obraska1 commentaire
-
Par Dr WO le 12 Mai 2008 à 10:05
Camille Pissaro "Jeune paysanne portant un chapeau"
LA SOUPE A LA CAMPAGNEC'est beau la nature
C'est beau la verdure
Un peu ennuyeux peut-être
Que faire de ce calme champêtre ?
Que faire sinon se promener et penser
Penser fatigue bien davantage que marcher
Alors on regarde autour, mais il n'y a rien à voir :
Des champs verts à perte de vue ornés de corbeaux noirs
Et des bovins qui mâchent entre leurs pattes leur pâte à mâcher
On regarde les vaches qui daignent un regard mou en vous voyant passer
Les poumons étonnés aspirent à pleines narines le pollen emporté par le vent
On crotte ses souliers de ville dans la terre boueuse mâtinée d'excréments
Les fourmis en cavale vous courent dessus si l'on s'assoie sur une racine
On surveille d'un œil inquiet le vol hésitant des guêpes assassines
On chasse les mouches qui trempent leurs pattes n'importe où
Les molosses découvrent leurs crocs et tirent la laisse au cou
Vigiles attachés aux fermes que l'on observe sans entrer
Avec les poules caquetantes occupées à becqueter
Dans la boue aux rigoles serpentines de purin
Et sous les abois on passe son chemin
Et toi jeune paysanne de Pissarro
Qui porte si joliment ce chapeau
Tu as l'air aussi triste que rêveuse
Les mains déjà rougies et calleuses
Tu rêves peut-être de la ville où l'on ne voit plus la terre
Et où les fleurs sages sont en rang dans des parterres
Où l'herbe disciplinée est enfermée dans des grilles
Où tu n'auras plus l'ennui de souper en famille
Paul Obraska2 commentaires
-
Par Dr WO le 9 Mai 2008 à 09:29
Gustave Caillebotte "Intérieur"
ENNUILa femme debout regardait par la fenêtre fermée
Elle regardait sans regarder
Elle ne se souvenait pas de son dernier rire
Et poussa un discret soupir
Son époux était dans son dos
Il lisait son journal sans dire mot
Installé dans son fauteuil
Il tournait les grandes feuilles
Dans un bruit de papier froissé
Faisait-il semblant d'être absorbé ?
Quel ennui !
Depuis combien de temps n'avait-elle pas ri ?
Elle avait des choses à dire
Mais pourquoi les dire ?
Il n'écouterait pas
Des enfantillages encore une fois
Dira-t-il d'un air indulgent
En abaissant son journal brièvement
Alors elle eu un petit rire silencieux
En s'imaginant dans un geste malicieux
Faire avaler son journal au triste mâle
Content de lui
Qui lui servait de mari
Paul Obraska1 commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique