• schiele agony

     Egon Schiele "Agonie"

     

    AGONIE

     

    L’agonisant sur son grabat

    A déjà enfilé son crâne de squelette

    Sa peau a abandonné sa tête

    Noyé dans des couvertures en amas

    Aux couleurs vivantes et colorées

    Ses mains veulent peut-être prier

    Mais il n’est plus là

    Il n’a plus peur

    Il est ailleurs

     

    Le prêtre à tête de boxeur en colère

    Couronnée de sa tonsure

    Sa barbe noire en jugulaire

    Il prend, il ceinture

    Dans le cercle de ses bras écartés

    Tête basse prêt à foncer

    Son œil globuleux fixé

    Sur l’âme de l’agonisant

    Il veille plus qu’il ne prie

    Il surveille le mourant

    Il est à lui

     

    Mais l’agonisant s’est échappé

    Il est trop tard

    Il n’est plus à personne

    Il n’est nulle part

     

     

    Paul Obraska


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  • degas17
    Edgar Degas « Absinthe »

     

    LE LIEN

     

    Regard perdu dans un rêve désabusé

    La femme d’une tristesse épaisse

    Devant la liqueur opaline entamée

    Ses épaules lasses s’affaissent

    Ses bras pendent fatigués

    L’homme fume le regard ailleurs

    Etrangers

    Attablés ici pour vider leurs heures

    L’absinthe réunit le couple amer

    Côte à côte sans se toucher

    Pour vider quelques verres

    Pour se noyer l’esprit

    Chacun perdu et solitaire

    Les deux recherchent l’oubli

    Encore une fois devant un verre

    Ensemble et désunis

     

    Paul Obraska

     


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  • chagall paris
    Marc Chagall : « Paris par ma fenêtre » 1913
    .

     

    CHAGALL A PARIS

     

    Venu des plaines et des lacs du nord

    Il vole au-dessus de la ville tricolore

    Mais il emporte dans sa mémoire

    Le couple couché sur le brouillard

     

    Des wagons roulent à l’envers

    Leurs couples de roues en l’air

    Sur une chaise des fleurs coupées

    Dressées comme des épis de blé

     

    Sur le bord de la fenêtre

    Il offre au chat un visage humain

    De ses rêves colorés vont naître

    Êtres volants et mariés chevalins

     

    Homme au double visage

    Un cœur naïf dans le creux de la main

    Un regard en arrière vers son village

    Il restera unique sur son chemin

     

     

    Paul Obraska

     


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  • Egon Schiele : "Le danseur"


    LIBERATION

     

    Il avait bu, lui qui ne buvait jamais

    La face cramoisie levée vers les cieux

    Les bras tendus vers l’espoir, il criait

    Et pleurait et riait les larmes aux yeux

     

    Il tournait et dansait et titubait sur un pas maladroit

    Les spectateurs bienveillants soutenaient sa danse

    Le funambule déséquilibré, saoul d’alcool et de joie

    Passait de l’un à l’autre pour embrasser l’assistance

     

    Il finit par tomber de tout son long, épuisé

    Resta le dos à terre, les bras en croix

    Poitrine haletante, ne pouvant plus crier

     

    De sa voix cassée, il répétait pour lui :

    « On est libéré, les Américains ont débarqué….

    Les Américains ont débarqué, c’est fini… »

     

     

    Paul Obraska

     

     


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  • Salvador Dali « Portrait du frère mort »

     

    PAPIER GLACE

     

    Vieilles photos sur papier glacé

    Vous avez la froideur des natures mortes

    Fantômes foudroyés du passé

    Que l’oubli à nouveau vous emporte

     

    Mirage des bonheurs perdus

    Sourires figés dans la glace du papier

    Immuables dans le temps suspendu

    Papillons de couleurs épinglés

     

    Les revenants glacés nous dévisagent

    Avec le choc de leurs anciens visages

    Dans une époque à jamais révolue

     

    Les souvenirs soudain libérés

    Surgissent, cruels, sous la lumière crue

    Pour nous montrer ce que nous avons été

    Pour redonner chair aux disparus

    Dont il ne reste que papier glacé

     

     

    Paul Obraska


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  • Joan Miro « Tête d’homme »

     

    TÊTE A TÊTE

     

    Qu’y a-t-il dans une tête?

    Des pensées, plein de pensées

    Les unes poussent les autres

    Les autres naissent des unes

    Rien ne les arrête

    Des pensées en pagaille ou du prêt à penser

    Chaque seconde du matin jusqu’au soir

    Et même la nuit la tête est envahie

    De pensées qui prennent leur liberté

     

    Car le jour la tête se parle à elle-même

    En tête-à-tête

    Un monologue bavard

    Oh ! Le plus souvent ce sont des pensées ordinaires

    Sans intérêt et plutôt bêtes

    Comme : « Ai-je fermé la portière ? »

    Ou « J’ai mal au dos » ou « Je suis en retard »

     

    La pensée persiste même dans une tête vide

    Bien que fixe une pensée unique tourne en rond

    Elle occupe l’espace, la tête a horreur du vide

    Ou alors c’est la fin pour de bon

    Et puis il y a les pensées qui rouillent à force de tourner

    Elles prennent la tête et brouillent les autres pensées

    C’est parce qu’elles cherchent parfois une solution :

    Dans les têtes qui se posent des questions

     

    Car la tête peut avoir de profondes pensées

    Comme : « Qui suis-je, d’où viens-je, où vais-je ? »

    Les pensées profondes sont des questions sans réponses

    La profondeur est telle que la tête perd pied

    Et prise de vertiges elle s’enfonce

    Avec ses lourdes pensées

     

    Mais la tête est parfois pleine de réponses sans questions

    Comme : « Je crois en Dieu » ou « Je possède la vérité »

    Dans une tête les réponses toutes faites sont redoutables

    Elles ne sont pas discutables

    Elles ne se posent pas de questions

    Elles sont acquises pour toujours

    Et occupent la tête comme dans les rêves la nuit

    Mais les pensées de nuit ne sont pas faites pour le jour

     

    Et puis il y a les pensées sordides, les pires

    Elles sont tapies au fond de la tête

    Elles ne demandent qu’à sortir

    Toujours prêtes

    Elles attendent l’occasion

     

    Paul Obraska


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  •   

    PORTRAITS XIX


    Chaim Soutine « La folle »

     

    LA FOLLE

     

    Je suis folle

    Ma bouche rouge prête à mordre

    Ça se voit non

    J’ai la face en désordre

    Rien ne colle

    Rien n’est bon

    Les moitiés de mon visage ne s’emboîtent pas

    De guingois

    Mes yeux sont deux billes de noirceur

    Elles n’ont pas la même grosseur

    Un gros sourcil et l’autre effacé

    Un nez écrasé de boxeur

    Mes cheveux jamais peignés

    Et mes doigts qui n’ont pas assez de paume

    Et vous avez vu sur ma tête

    Mon chapeau pointu de gnome

    Vert

    N’est-ce pas la preuve que je suis folle

    C’est ainsi que Soutine m’a faite

    De travers

    Mais avec mes yeux inégaux de folle

    Je vous regarde sans détourner la tête

    Vous fuyez mon regard

    De folle Indiscrète

    Sans égard

    Je me moque de ce que vous pensez de moi

    Et je vous vois tels que vous êtes

    Et je ne vous envie pas

    Paul Obraska


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  •   

    PORTRAITS XVIII


    Pablo Picasso « La buveuse d’absinthe »

     

     

    EVE BRÛLEE

     

    Coule maudite absinthe

    Telle une eau brûlante

    Pénètre la femme éteinte

    Cendres mortes et mort lente

    Cloporte des bars assassins

    Assise mains tremblantes

    Bras croisés sur ses seins

    Tête lourde sur une main

    Les yeux comme des fentes

    Regard lointain perdu ailleurs

     

    Les petites gorgées brûlantes

    Brûlent amertume et rancœurs

    Réchauffent la femme éteinte

    Remuent ses cendres vacillantes

    Ferment ses paupières peintes

     

    Et elle part à la dérive

    Emportée et captive

    Elle est Eve, elle fut la beauté

    Dans ses rêves elle sourit, édentée

     

    Et les hommes évitent son regard

    Regardent à la dérobée

    S’ils rient de leurs écarts

    Ils pleurent sur Eve brûlée

     

     

    Paul Obraska


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  • Egon Schiele "Lutteur" 1913


    LUTTEURS

     

    Contre qui contre quoi

    Le lutteur de Schiele jeté dans l’arène

    Est-il tendu aux abois

    Avec ce regard de peur et de haine

     

    Son visage aigu comme une lame

    Sa bouche comme une goutte de sang

    Sa main en griffe comme une arme

    Le corps replié pour bondir en avant

     

    Il est né la veille de la Grande Guerre

    Où les corps harnachés se sont affrontés

    Pour mourir au fond des cratères

     

    Dans les fosses grouillantes des tranchées

    Les corps des lutteurs côte à côte terrassés
    Les sangs des ennemis s’unissant à la terre

    Paul Obraska


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  • Joannes Vermeer "Le verre de vin"


    TENTATION

     

    L'homme attentif la main sur le carafon

    Regarde la belle boire le premier verre

    Celui qui ouvre la porte des tentations

    Et la jeune fille naïve se laisse faire

     

    L'homme est si beau et si prévenant

    Ses yeux bruns si doux et caressants

     

    Elle boit le verre de vin clair

    Ses joues se colorent de rose

    Elle sourit en reposant le verre

    Et se sent d'un coup moins morose

     

    L'homme est si beau et si prévenant

    Ses yeux bruns si doux et caressants


    Paul obraska 



    Joannes Vermeer "La jeune fille au verre de vin"


    IVRESSE

     

    L'homme tentateur penché sur la belle

    L'invite encore à boire un verre de vin

    Sourire perfide et mots de miel

    Il le pousse doucement de la main

     

    Et la belle enivrée sourit béatement

    Alors qu'un compère venu entre-temps

    Fait semblant de dormir dans un coin

    Pendant que son ami prépare le chemin

     

    Je sens que cette histoire va mal finir

    Je ne veux pas en voir la fin

    Et me retire plutôt que de médire


    Paul Obraska


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