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Paquet cadeau
Aujourd’hui j’ai descendu triomphalement les Champs Elysées, cela faisait des mois que je ne l’avais pas fait. Beaucoup de monde. Beaucoup de femmes entièrement voilées sortant des beaux hôtels ou des beaux magasins. Le pétrole devait couler à flots, à moins que ce soit le gaz, bref, du fossile. J’en ai profité pour voir l’œuvre posthume de Christo et de sa femme Jeanne-Claude, un rêve qu’il faisait depuis longtemps et qu'il n'a pas vu se réaliser : l’empaquetage de l’Arc de Triomphe. Christo avait la manie de recouvrir les monuments fameux et plus ils étaient fameux plus il était content. Je n’ai jamais été vraiment emballé par ses empaquetages. On ne peut pas dire que le monument devenu invisible est plus beau que lorsqu’il est visible, s’il l’était ce serait un affront à l’œuvre entièrement cachée aux yeux des passants. Mais le drapé qui recouvre le monument ne manque pas de beauté, un immense drapé dont on sait qu'il sera éphémère et ce provisoire, cette inutilité donnent à l'ouvrage une certaine grandeur comme une image de la vie. Je crois que Christo disait que l’œuvre une fois empaquetée devenait « sensuelle ». Curieusement, ainsi recouvert, l'Arc de Triomphe est devenu triste comme une pleureuse, et cette tristesse n'est-elle pas le revers de tout triomphe ? Pour ma part, un des intérêts que j’y vois, tout en admirant le travail nécessaire pour le faire et pour si peu de temps, est de transformer le monument en un paquet cadeau que l’on va ensuite déballer, le découvrir, pour l’offrir une deuxième fois au regard des passants.
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Commentaires
L'Arc de Triomphe emballé n'a plus rien de triomphale comme vous le faites remarquer c'est plutôt triste !
Je n'ai jamais compris pourquoi on laissait ce soit disant "artiste", emballer nos plus beaux monuments et en plus d'appeler "art" ces emballages !
C'est d'une bêtise inouïe ! Est-ce encore un signe de notre dégénérescence !
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Mardi 14 Septembre 2021 à 11:23
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Tout est raccord... Dans les beaux quartiers (et certainement les moins beaux et les carrément moches aussi ?) de la Ville Lumière : des -riches- femmes voilées (symbole de notre avenir ?) et un des symboles les plus forts de notre histoire voilé (symbole de notre passé...). Qu'est-ce qu'on a comme cadeaux ! On méritait pas tout ça..
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Mardi 14 Septembre 2021 à 11:31
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Si je comprends bien que l'empaquetage du premier monument ait pu avoir un sens artistique réel, je ne comprend pas pour les autres. Ca ressemble à un filon qu'on veut exploiter jusqu'au bout, à un fond de commerce de petits boutiquiers créant des variantes de couleur d'un unique produit qui a marché.
Et c'est le neveu qui s'y colle en déclarant que c'est feu son tonton qui a eu l'idée. Ben oui, il a dû évoquer tous les monuments du monde ( à part la muraille de Chine)
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Mardi 14 Septembre 2021 à 12:41
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5Souris doncMardi 14 Septembre 2021 à 13:45Les catégories plastiques sont : la couleur, l'espace, le support, le rythme, l'outil, le geste, la matière.
Avec Christo, on est dans l'espace et le support. Comme le land art.
A quoi s'ajoute une dimension psychologique : chacun connaît le monument emballé, et superpose les drapés et les arêtes visibles à ce qu'il sait de sa réalité.
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Mardi 14 Septembre 2021 à 13:55
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Je trouve ça beau. J'étais allé voir avec mes enfants, il y a déjà longtemps, ce qu'il avait fait sur le Pont-Neuf. Et j'avais aimé. Sans chercher des motivations ou des explications. Ce qui me plaît aussi, c'est le côté éphémère de la chose: autant qu'une oeuvre, c'est un événement, un spectacle qui a un début et une fin. Et, puisque c'est du provisoire, ceux qui n'aiment pas n'auront pas longtemps à attendre pour retrouver l'Arc de Triomphe dans- je vais choquer- sa laideur.
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Mardi 14 Septembre 2021 à 18:43
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7Souris doncMercredi 15 Septembre 2021 à 08:44Il faut inscrire Christo dans une filiation par les approches monochromes : Malevitch, dès 1913, avec son "Carré blanc sur fond blanc". Puis achromes. Ryman, Zangs, Manzoni, qui se vouent alors à la texture. Que l'on peut plisser, nouer, friper, draper... Enfin le land art, éphémère, qui prend l'espace comme support et matériau.
Christo, mais aussi Nils Udo qui construit des nids géants dans lesquels l'artiste se blottit, James Turrell qui joue avec la lumière, l'espace et la désorientation de l'acteur-spectateur (sa piscine au Confort Moderne à Poitiers, cloisonnée de séparations en plastique transparent, où il fallait plonger et ressortir dans un ailleurs où le haut et le bas se confondaient). L'installation impliquant le spectateur, mais ceci est une autre histoire...
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Mercredi 15 Septembre 2021 à 08:56
Je suis impressionné par votre culture dans ce domaine et j'avoue que les noms de la plupart de ces artistes me sont inconnus. Je ne doute pas de l'originalité de ces productions ou démonstrations, mais est-ce de l'art ? Peut-être que oui, mais est-ce de la beauté ? Mais on pourrait me répondre : il ne faut pas confondre l'art et la beauté. Perplexité. Tout est dans le ressenti de chacun en rejetant tout snobisme.
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Souris doncMercredi 15 Septembre 2021 à 10:57
Le détournement de formes premières est aussi vieux que l'art. Le premier (?) théoricien, Léonard de Vinci, disait (en gros) : dès que l'homme regarde un nuage et y voit une forme, un objet, il est dans une démarche artistique.
Du coup les psychanalystes et autres historiens de l'art se mettent à sortir des théories du nuage.
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Mercredi 15 Septembre 2021 à 11:35
Un peu hermétique, du type masturbation intellectuelle. Pour moi, de façon élémentaire, l'art a une face artisanale (la maîtrise d'une technique) et une face émotionnelle. Mais je peux être séduit par le côté intellectuel ou farceur des surréalistes, comme Magritte ou de Dali. Par contre beaucoup d'oeuvres contemporaines m'apparaissent comme des escroqueries, ni drôles, ni intelligentes, ni émouvantes; les monochomes en font partie, je les trouvent inférieures aux trouvailles des peintres en bâtiment.
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On pourrait aussi considérer que l'escamotage tient de l'art du magicien. J'espère que vous allez bien.