• Ory soit qui mal y pense

    Invité le 20 octobre dans la matinale de France Inter, l’historien Pascal Ory, professeur à la Sorbonne, était venu présenter son dernier livre, Peuple souverain, sous-titré : "De la révolution populaire à la radicalité populiste". Un pont, en quelque sorte, entre la gauche radicale et la droite radicale, mais un pont le plus souvent à sens unique allant de la gauche vers la droite plutôt qu’en sens inverse : "on fait de bons populistes d'extrême droite avec des gens qui ont une expérience d'extrême gauche /…/ le fascisme est un populisme qui va jusqu'au bout et qui a reçu des leçons de Lénine".

    Il est visible que des thèmes sont communs à l’extrême droite et à l’extrême gauche comme : "la souveraineté populaire, la critique des élites et même le national". La différence porte surtout sur l'attitude vis à vis des minorités* et de l'immigration.

    De nombreuse personnalités de l’extrême gauche sont passés à l’extrême droite. En France, le cas le plus connu fut celui de Jacques Doriot, communiste devenu fasciste dans les années 1930. Mais le cas le plus caricatural est justement celui du créateur du fascisme, Benito Mussolini lui-même, qui fonda le Parti national fasciste en 1921 après avoir été le leader de la gauche radicale en Italie en 1914. Et notre bon professeur, manifestement insoumis, provoqua quelques perturbations dans la rédaction (notamment de Demorand qui a réclamé des éclaircissement à son invité)) et parmi les auditeurs, en déclarant que : "Mussolini, c'était le Mélenchon de 1914 en Italie /…/ On peut avoir été un Jean-Luc Mélenchon et devenir un Mussolini, mais ce n'est pas fatal". Autrement dit, il faut des circonstances pour le devenir éventuellement.

    Finalement l’historien s’étonne que les gens ignorent l’histoire et refusent de "regarder le résultat catastrophique du populisme mussolinien, hitlérien, léniniste"... et « vont donc déposer des bulletins populistes dans les urnes ».

    Sans parler des personnalités et des idées, on peut tout de même constater sans être un expert, mais aussi sans être aveugle, ce qui semble être le cas d’une grande partie de la population, qu’une fois arrivées au pouvoir l’extrême gauche comme l’extrême droite ont toujours installé des dictatures, des états policiers et des camps de concentration. La seule différence, en dehors des intentions proclamées et de la notion de race, réside dans l’économie. Les régimes communistes aboutissent à des faillites économiques en appauvrissant tout le monde en dehors des dirigeants, alors que les régimes fascistes avaient conservé une économie capitaliste leur permettant de faire des guerres qui ont causé leur perte. La Chine est une exception en réussissant une synthèse entre un régime à parti unique, avec ce que cela comporte de restriction des libertés, et une économie de marché avec une place importante laissée à l’initiative privée et au capitalisme, sortant ainsi du cadre de la définition même du communisme, tout en conservant ses structures totalitaires.

    Cependant, s’il ne faut pas sous-estimer la persistance et la vivacité des démangeaisons populistes de droite ou de gauche, il me semble de bon sens de rester prudent dans les comparaisons. Les circonstances historiques ne sont jamais les mêmes. Le communisme russe, le fascisme italien et le nazisme allemand furent les enfants monstrueux de la Première guerre mondiale. La Seconde guerre mondiale, elle, a accouché d’un enfant inattendu : l’Union européenne qui, quelles que soient les critiques que l’on peut lui faire, change la donne**, et il n’est pas étonnant que les extrémistes de droite et de gauche expriment leur hostilité à son égard.

    * Pangloss m'a rappelé dans un commentaire que l'antisémitisme était bien présent sous Staline. L'extrême gauche (et Marx en tête), ne manque pas en effet de s'y adonner (voir "L'idéologie française" de BHL) et en parlant aujourd'hui pudiquement d'antisionisme.

    ** Chacun a pu constater le rétropédalage de Marine Le Pen vis à vis de l’UE et de l’euro.

    « Les maladies liées au tabac ne seront plus à la portée de toutes les boursesHarcèlement médiatique »

  • Commentaires

    1
    Samedi 21 Octobre 2017 à 15:33

    J'avoue que je n'ai jamais compris comment après toutes les catastrophes humanitaires, politiques et économiques, provoqués par des régimes de gauche, il y encore des gens qui y croient car ces gens de gauche style Mélanchon (rien que le nom c'est tout un programme), ne sont pas plus que moi de gauche mais  veulent juste le pouvoir et racontent n'importe quoi pour caresser dans le sens du poils les imbéciles!

      • Samedi 21 Octobre 2017 à 15:35

        C'est ce qu'on appelle le populisme.

    2
    Samedi 21 Octobre 2017 à 17:08

    Le stalinisme était très antisémite et, en Russie soviétique, les Juifs étaient persécutés. Nombre d'entre eux finissaient au Goulag. La mort de Staline a enrayé un processus mortifère qui avait commencé par la dénonciation du "complot des blouses blanches".

      • Samedi 21 Octobre 2017 à 17:38

        Vous avez raison. L'antisémitisme est une espèce de constante mystérieuse qui finit par faire partie de toutes les idéologies, et elle ne manque pas à gauche (rectificatif à apporter à mon article), ce que BHL a bien démontré dans "L'idéologie française".

    3
    Samedi 21 Octobre 2017 à 17:14

    Joli billet Doc, et je suis d'accord avec votre synthèse. Tant que l'Europe subsistera, nous pourrons peut-être éviter de nous retrouver avec un Mélenchon à la tête d'un pays.

    Bonne soirée

      • Samedi 21 Octobre 2017 à 17:55

        Mais l'UE ne se porte pas très bien, elle a besoin d'un remontant.

    4
    Samedi 21 Octobre 2017 à 17:34

    L'extrême (gauche ou droite) n'est jamais source d'harmonie puisqu'il faut éradiquer toute pensée divergente ! Alors, l'Europe, toute mal fichue et imparfaite qu'elle soit, j'y tiens. Comme je tiens à mes racines judéo-chrétiennes... Non mais ! smile

      • Samedi 21 Octobre 2017 à 17:56

        Ne divergez pas de votre pensée. yes

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    5
    Souris donc
    Samedi 21 Octobre 2017 à 17:50

    Intéressant entretien de J. Julliard avec F-X Bellamy sur la notion de populisme et sur le fossé qui s'élargit entre les élites et le peuple. Le premier paragraphe en lecture libre sur le FigaroVox, remonte à l'étymologie démos (communauté civique) et ethnos (communauté culturelle). Et, en adéquation avec votre papier, la différence entre populus (corps social) et plebs (partie deshéritée de la population). Tous cela s'agite, entre en contradiction, brandit des codes culturels incompatibles entre eux.

    Et un produit du système, comme Mélenchon, tente de capter le ressentiment des classes populaires contre une élite nomade et formatée.

      • Souris donc
        Samedi 21 Octobre 2017 à 18:16

        PS. Dans la version papier du FigMag, Julliard part en guerre contre le populisme fantasmé d'un Mélenchon qui pour faire peuple, enlève sa cravate et s'affuble de vestes de chantier  :

        Le peuple n'est pas populiste. Il n'aime pas le débraillé. Pourquoi le général de Gaulle était-il populaire dans les milieux sociaux très éloignés du sien ? Parce qu'il avait une certaine idée de la France. Parce qu'il avait une vraie hauteur de vue.

      • Samedi 21 Octobre 2017 à 18:35

        Je trouve cette distinction peuple / élite très simplificateur en latin ou pas. Il y a dans la population une infinité de gradations selon la culture acquise, la profession, les revenus, la religion et même l'origine ethnique qui correspond à une histoire etc..On peut aussi entendre par "peuple" ceux dont les besoins ou les désirs ne sont pas satisfaits et qui de ce fait sont prêts à suivre le meneur (populiste) qui promet avec simplisme de les satisfaire. Des "élites" peuvent se joindre à ce mouvement revendicateur soit par opportunisme, soit par idéologie (justice, égalité etc...)

      • Samedi 21 Octobre 2017 à 18:37

        Oui, "faire peuple" en se déguisant, c'est le mépriser.

      • Souris donc
        Samedi 21 Octobre 2017 à 20:06

        Oui, Dr Wo, sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde. Pareil pour la polysémie des mots/maux, comme populisme. Revenir aux racines permet de rétablir la signification première. Et universelle, comme en botanique.

      • Samedi 21 Octobre 2017 à 20:41

        La signification première est toujours intéressante, mais le sens des mots change avec l'usage que l'on en fait ce qui conduit a des dérives comme celle qu'a subie par ex. le mot "racisme". Les mots changent et font changer le réel. C'est d'ailleurs le but du langage "politiquement correct" et de l'écriture inclusive qui souffre, la pauvre, de malformations de naissance.

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