• Le Caravage "La prise du Christ"


    L'ARRESTATION

     

    On était sous l'Occupation

    Marqué il se savait menacé

    Par la police et les étrangers

    Prêts à mater toute rébellion

     

    Les collaborateurs de l'ennemi

    Prêts à vous donner pour rien

    On se cachait pour rompre le pain

    On se méfiait même de ses amis

     

    La milice vint au petit matin

    Conduite par son délateur

    Qui le désigna dans le jardin

     

    Il avait vécu la nuit dans la peur

    A présent il n'espérait plus rien

    Puisqu'il connaissait son destin

    Paul Obraska



    Le Caravage "Ecce homo"

    UN CAS DIFFICILE

     

    « Voici l'homme » dit le professeur Pilate

    En montrant un patient trentenaire

    Que l'assistant avait recouvert  

    D'un manteau écarlate

     

    Le professeur s'adressait à l'assemblée

    Venue pour entendre un verdict éclairé

    Sur cet homme emmené par l'entourage

    Et dont nul ne comprenait le langage

     

    Le patient portait une couronne d'épines

    Un roseau en guise de sceptre dans la main

    Pilate commenta tout en faisant l'examen

    Ce cas bien difficile dépassant la médecine

     

    Le patient se prenait pour Dieu

    Ce qui était assez banal en somme

    Mais en lui Dieu se prenait pour un homme

    Ce qui rendait son cas épineux

     

    Certains le prenaient aussi pour un roi

    Sans royaume il admettait sa royauté

    Et le professeur compta sur ses doigts :

    C'était une trinité de la personnalité

     

    La preuve était que les trois personnes

    En une se parlaient sans cesse entre elles

    L'une priait vers elle-même qu'elle lui pardonne

    Ou se faisait des reproches adressés au ciel

     

    Cet esprit n'était pas sain

    Conclut le professeur médecin

    Et il prescrivit un traitement

    Qui provoqua la mort du patient

     

    Ce cas difficile a fait couler beaucoup d'encre

    Depuis des siècles le monde se penche dessus

    Le professeur Pilate n'était qu'un cancre

    Et il faut mettre une croix sur sa cure indue

    Paul Obraska


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  • Tintoret "Le Christ lavant les pieds de ses disciples"


    LA CENE

     

    Je sais de quoi je cause

    J'ai assisté à la Cène

    Tout le monde était morose

    L'ambiance était malsaine

    Sans Passion

    D'ailleurs je n'ai rien mangé

    J'aurai préféré mourir d'inanition

    Ce fut un sacré dîner

     

    Pour commencer Il a dit :

    « Voici ce que sera l'Eucharistie :

    Mon corps est dans ce pain

    Mon sang est dans ce vin »

     

    Le silence est tombé sur la salle

    J'ai eu l'appétit coupé

    On n'est pas des cannibales

    Alors j'ai préféré jeûner

     

    Personne n'avait envie de se mettre à table

    Sauf Judas

    Judas semblait le plus aimable

    Et Lui souriait pendant le repas

     

    On a rompu le pain, regretté le vin

    Rouge comme du sang dans un carafon

    Sans toucher à rien

    Pourtant le pain paraissait bon

    Nous le savions

    Qu'Il était bon comme du bon pain

    Il a même voulu nous laver les pieds

    Pourtant nos vilains pieds salis

    N'étaient pas en odeur de sainteté

    Pas de quoi ouvrir l'appétit

     

    Il y avait sur le napperon une tache de vin

    Comme celles qu'on voit sur les peaux de lait

    Le vin gouttait du carafon trop plein

    Car personne n'en buvait

    Nous, on ne voulait pas verser du sang

    Nous, on tendait l'autre joue aux mécréants

    Je n'ai su qu'après, bien après

    Que du sang serait versé en notre nom

    Oh ! Pas quelques gouttes sur un napperon

    Oh ! Pas des carafons

    Des tonneaux pleins

    Pleins de sang à la place du vin

    Paul Obraska


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  • Rembrandt "La résurrection de Lazare"


    LE REVEIL DE LAZARE

     

    Je suis dans un sommeil sans rêves

    Très profond tel un repos éternel

    Et j'entends une voix qui m'appelle

    Je connais cette voix qui s'élève

     

    Que dit-elle ? Qu'il faut que je me lève !

    Et que je marche ! Et encore quoi !

    Moi je ne marche pas

    Je suis au frais dans un sommeil de rêve

     

    Je fais le mort et garde les yeux fermés

    Je n'ai pas l'intention de me lever

    Et subir encore les tracas de la vie

     

    Subir le joug de l'Occupation

    Subir les persécutions

    Jamais de la vie !

    Paul Obraska


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  •  


    Chagall "Le violoniste"


    LE PETIT JUIF ERRANT

    OU LA FUITE EN EGYPTE 



    Déjà juif si petit

    Un petit juif en Egypte, déjà errant

    Cependant, lui, reviendra au pays

    Pour y être fixé définitivement

     

    Alors il n'apprendra pas le violon

    Car pour un juif errant

    Le violon c'est épatant

    C'est un fidèle compagnon

    C'est petit, ce n'est pas encombrant

    On peut l'amener partout

    On peut en jouer n'importe où

    Même sur un toit

    Même dans le ciel

    Même chez les rois

    Même dans les ruelles

    Tout dépend de l'artiste

    Et quand fatigué d'errer

    L'artiste devient triste

    Il le fait sangloter

    Tout contre soi

    Planté dans sa chair

    Amer

    Il peut même verser une larme dessus

    Le violon, lui, comprendra

    Il ne se fâchera pas

    Emu

    Il jouera encore mieux

     

    Exilé en Egypte, un juif errant encore petit

    Aurait pu apprendre à faire chanter un violon

    Mais de retour au pays, il ne parlera que des cieux

    Ne jouant pas au violon, il jouera au Messie

    Et on finira par n'entendre que sa partition

    Sur la terre comme au ciel

    Surtout sur la terre

    Car dans le ciel personne n'est là pour écouter


    Paul Obraska


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  • Albrecht Dürer 1498 et 1526 

    LA VIERGE ET L'ENFANT

     

    Pour faire un tableau de la vierge et l'enfant

    Il est simple de prendre une belle jeune femme

    Même si elle n'est pas vierge depuis longtemps

    L'important est que son visage exprime son âme

     

     

    Le plus difficile à trouver est le modèle de l'enfant  

    Il doit être sérieux, laid et un peu hydrocéphale

    Avec le visage pénétré d'un adulte pensant

    Et s'il est circoncis ce n'est pas plus mal

     

    Vous voyez qu'un tableau de la vierge et l'enfant

    N'est pas si simple à faire même avec du talent

    Comment trouver un petit enfant qui convienne ?

     

     

    Les bambins ne sont guère tristes et sont plutôt beaux

    Les hydrocéphales sont soignés dans les hôpitaux

     Hélas ! On ne peut plus peindre à l'ancienne


    Paul Obraska

     

     

     

    Nicolas Poussin "La Sainte Famille"


    PHOTO DE FAMILLE

     

    Retouchée par Poussin,

    C'est une très vieille photo,

    Passant de mains en mains,

    De père en fils, depuis l'an zéro.

     

    L'artiste n'a pu empêcher les angelots

    De figurer nus sur le portrait de famille

    Et de jouer, facétieux, avec la charmille.

     

    On ignore jusqu'à ce jour les liens de parenté

    De la femme accroupie et de celle debout,

    Comme du petit rouquin, peut-être jaloux

    Du divin bambin qu'on lui a préféré.

     

    La mère est fière de son dernier-né.

    La rumeur dit que c'est son premier

    Et qu'elle n'a pas perdu sa virginité.

     

    Un voyant venu des cieux du nom de Gabriel

    A prédit à son enfant un destin exceptionnel.

    A le voir sur sa mère, il a déjà trouvé sa voie

    En écartant ses petits bras en croix.

     

    Le mari fait bonne figure, bien que marri,

    Cocu magnifique, il a trouvé son destin,

    Complaisant, il accepte le fait accompli.

     

    A son épouse, il ne s'est jamais plaint

    De cette grossesse involontaire.

    Même s'il n'y est pour rien,

    On peut compter sur lui :

     

    Il sera un bon père

    Pour cet enfant naturel,

    Procréation assistée du ciel.



    Paul Obraska


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  • Robert Campin "L'Annonciation"

    SECRET D'ALCÔVE

     

     

    Alors que l'Ange Gabriel s'est déplacé

    Pour porter des cieux le message à Marie,

    Celui de la naissance miraculeuse annoncée,

    La femme fidèle ne regarde pas l'intrus et lit.

     

    Elle est sans doute absorbée par la Bible,

    Sans savoir qu'une suite sera ajoutée,

    Sans savoir qu'elle est devenue la cible

    D'une insémination contre sa volonté.

     

    Cette histoire ne semble pas la concerner.

    Par contre, un abbé, par la porte entrebâillée,

    Alors que l'Enfant n'est pas encore né,

    Est déjà là par miracle et semble intéressé.

     

    Les prêtres écoutent volontiers aux portes

    Les murmures universels des confessions,

    Gardiens des secrets qu'on leur rapporte.

     

    Le secret intime de Marie de sa gestation

    Sera mis malgré elle sur la place publique,

    Et fera de la Vierge une star évangélique.


    Paul Obraska 


     


    Alessandro Botticelli "L'adoration des mages"

    SQUATTERS

     

    Si ce n'est pas malheureux de voir ça !

    Ce n'est pas chrétien d'en arriver là !

    Ce sont des braves gens bien éduqués

    Pas des immigrés

    L'homme a du travail

    La femme n'a jamais fauté

    Ils sont pourtant sur la paille

    C'est dans une étable qu'elle a du accoucher

    Entre un âne et un bœuf

    D'un enfant beau comme un dieu

    Blotti dans une crèche, c'est scandaleux !

     

    Les associations se sont mobilisées

    Les autorités ont été alertées

    C'est une étoile jaune qui les a guidés

    Des messieurs ont fini par venir à leur secours

    Avec un psychologue dans une cellule

    Dans l'étable ils sont restés incrédules

    Alors il y a eu de beaux discours

    Ils se sont pris pour des rois mages

    Ils ont fait semblant d'adorer le nouveau-né

    Pour donner d'eux une belle image

    Heureusement qu'il y avait les bergers

    Pour donner à la famille de quoi manger

     

    Pour finir, pérorant dans l'étable, les autorités

    Devant l'homme, la femme et le nouveau-né

    Devant le bœuf, l'âne, les bergers et leurs agneaux

    Sont montés sur leurs grands chevaux

    Et ont dit avant de partir : « plus jamais ça ! »

    Espérons que Dieu les entendra


    Paul Obraska


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  •  

    D-rer-Albrecht-Christ-afflig--1493.jpg


    Albrecht Dürer "Christ affligé"

    LA MAUVAISE EDUCATION

     
    C’est un spectacle muet où les étoiles crépitent
    Et le Cosmos explose dans un silence abyssal.
    Les éclats incandescents roulent comme des pépites
    Dans la noirceur du vide glacial.
    Des confins de l’Univers sans frontières,
    Dans la sidérante immensité sidérale,
    Voyagent leurs éternelles lumières.
     
    Et Dieu dans tout ça ?
    Et le royaume des cieux ?
    Ils sont quelque part. La place ne manque pas.
     
    L’Homme est à l’image de Dieu,
    Dieu est blanc
    Dieu est jaune
    Dieu est noir
    Mais Il n’est pas Femme
    Et Il est barbu
     
    Aux Cieux, les anges et les vierges sont séparés.
    Le sexe des anges est incertain et la prudence s’impose.
    La volière des vierges s’épuise et doit être préservée,
    Aux suicidés assassins de les consommer.
    Dans l’ennui éternel, le sexe rend moins morose.
     
    Dans l’infini de l’Univers,
    Parmi les myriades de galaxies,
    Dieu ne s’intéresse qu’à la Terre.
    Il écoute chacune des innombrables prières
    Et les appels gratuits qui montent vers lui,
    Il envoie des livres, Il envoie des anges,
    Il a même envoyé son Fils sur la Terre.
    Les Hommes moins gâtés que pourris,
    L’ont renvoyé, mal en point, en échange.
    Mauvaise éducation.
    Bien que le sacrifice du Fils fût dans Ses intentions
    Pour les punir, le Père laisse faire le Malin.
    Et s’en lave les mains

    Paul Obraska

     


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  •  MECREANCES II
     Rembrandt "L'ange arrêtant Abraham avant le sacrifice d'Isaac à Dieu"

    CHICHE !  

    « Stop ! » dit l’ange du Ciel En arrêtant le bras du père Armé de la dague sacrificielle, Prêt à égorger son fils à terre. En sacrifiant son descendant, Il obéit à l’ordre du Père Eternel, Jusqu’à devenir bourreau d’enfant.   Le père tremblant lâche sa dague, Il ne comprend plus rien. Alors l’ange lui dit, badin : « Voyons, Abraham, c’était une blague » « On ne comprend plus l’humour juif ? » « Sacrifie le bélier à la place de ton fils » « Et tu auras de la viande et du suif ». Et le Ciel rit encore de ce faux sacrifice.

    Paul Obraska        

    MECREANCES II

     
    Titien "David et Goliath"


    DAVID, GOLIATH ET LE CIEL
     
    Et David se tourna vers le ciel
    Les deux mains en prière vers les nues
    Et demanda à l’Eternel :
    « L’ai-je bien descendu ? »
     
    A cheval sur le bras puissant de Goliath
    Colosse renversé à la tête tranchée
    Au milieu d’une flaque écarlate
    « L’ai-je bien décapité ? »
    Demanda encore le berger
     
    Et le ciel resta silencieux
    Mais qui se tait consent
    Alors David remercia les cieux
    Faisant du Tout Puissant
    Son allié victorieux
     
    Il regarda la tête qui semblait dormir
    Et le tronçon rouge du cou béant
    Du ciel il avait accompli le désir
     
    Le silence du peuple des cieux
    Permet de lui faire dire
    Tout ce que l’on veut


    Paul Obraska


    caravaggio22.jpg  
    Le Caravage "Judith décapitant Holopherne"

    LE GENERAL QUI PERDIT LA TÊTE  

    Charmante Judith à la peau si blanche Au visage si lisse bien qu’un peu dégoûté Est-ce bien raisonnable de couper une tranche D’un Holopherne séduit par votre beauté   Charmante Judith si innocente Décapiter un homme même infâme N’est guère un travail de femme Les giclées de sang sont si salissantes   Charmante Judith si virginale Que de force vous avez déployée Pour détacher la tête du général Qui même enivré semble hurler   Charmante Judith si volontaire Le plus difficile reste à faire Les vertèbres sont à peine entamées Et la vieille attend tendant son tablier

    Paul Obraska
     


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  •  

    CONTE AVEC RIMES ET SANS RAISON  

    1  Il était une fois des dieux groupés en un collectif du Destin. Chaque peuple avait les siens, semblables aux noms différents. Chacun avait sa fonction et ses caprices dans l’espace aérien. Gamins querelleurs, ils jouaient volontiers de la foudre et du trident. Il était rassurant pour les hommes de voir leurs faiblesses d’humains Et pour quelques divinités leur goût polisson pour les êtres mortels. Heureusement imparfaits, on pouvait les acheter par une offrande. Des prières obligées et quelques bakchichs liaient la Terre et le Ciel, Il suffisait ensuite de faire au spécialiste divin son humble demande.  

    2  Vint un homme avec des trous de mémoire, En quête d’une idée simple à retenir. Pour mettre de l’ordre dans cette divine foire, Il décréta que pour le Passé et l’Avenir, Il n’y aurait désormais qu’un seul Dieu. Les autres trouvèrent que c’était peu, Mais conquis, ils finirent par s’y faire Et les ennuis commencèrent.   

    3  Un Dieu unique ne pouvait que s’ennuyer dans le vaste Univers. La Création du Monde ne Lui avait demandé que quelques jours. Pas de querelles ou d’amitiés possibles avec des congénères. Il était certes aimé mais déclenchait des catastrophes en retour. Il faut le comprendre, Il n’avait que Ses créatures pour Se distraire Et comme l’homme L’avait fait parfait et omniscient, Quoi qu’Il fasse, Sa perfection Le rendait innocent.  

    4  Ainsi, lassé d’être seul, Il se révéla trois fois à ses affiliés. La première fois dans un buisson ignifugée, en toute discrétion. La deuxième fois dans le ventre d’une femme (après l’avoir annoncé). La troisième fois, Il se contenta d’envoyer un chargé de mission.  

    5  Bien que les croyants vers Dieu aient la même prière, Les hommes obstinés les uns contre les autres, affirmèrent, Meurtres à l’appui, que Celui qu’ils avaient vu était le bon Et que les autres, infidèles, n’avaient pas compris la leçon. Mais tous se retournaient contre ceux qui ne croyaient rien. On trouvait toujours des hérétiques à occire au nom du Bien. Les motifs de querelles entre les hommes ne manquaient pas, Dieu, dans sa miséricorde et sa magnificence les multiplia.  

    6  On ne peut que regretter le peuple des dieux imparfaits Leurs faiblesses et leurs distrayantes disputes de Titans. Avec eux les hommes auraient détruit leur planète en paix, Sans toujours invoquer Dieu pour leurs débordements.  

    7  C’est une histoire déraisonnable dont les hommes ne se lassent jamais

     
      

    LA LETTRE ANONYME
      Elle fut écrite dans les temps anciens Servant de preuve dans un livre sacré On ignore le nom du délateur écrivain Un ermite du désert ou un mari trompé   Elle accusait la femme du premier des péchés De la honte d’avoir été chassés du jardin d’Eden D’avoir dévoilé le bien et le mal à l’humanité A l’origine de l’exil de l’homme et de ses peines   Depuis la femme est en garde à vue Sur cette calomnieuse dénonciation Par une lettre écrite par un inconnu   Voilà des millénaires qu’elle vit sa punition Dans une geôle qu’elle porte parfois sur elle Sous les cieux où les lettres restent éternelles

    Paul Obraska
        


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