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Leurres sémantiques
Des mots et surtout des périphrases viennent enrichir la langue, apportant une signification symbolique ou politique, en remplacement de mots qui existent déjà, qui ont le même sens et que l’on veut voir disparaître pour obéir en particulier au « politiquement correct ». Sémantique de substitution qui ne change rien aux situations ou aux faits réels et qui pourrait être qualifiée d’hypocrite. La chose ayant une connotation injustement honteuse plutôt que changer le regard des gens sur la chose, on change le mot qui la désigne en espérant que le regard suivra.
Cette sémantique est pleine d’imagination et parfois de poésie. Prenons le terme bien connu de « techniciens de surface », il implique la possibilité de « techniciens des profondeurs » périphrase qui pourrait désigner soit des égoutiers soit des philosophes. Par contre remplacer élève par « apprenant » n’apporte rien d’autre que de la bêtise.
Umberto Eco dans son livre « A reculons, comme une écrevisse » donne des exemples que je me permets de commenter :
Une personne n’est plus emprisonnée mais « socialement séparée »,elle n’est pas privée de liberté, mais vient rejoindre les pensionnaires d’un asile d’aliénés et même les misanthropes, les ermites ou les religieux qui font retraite dans un monastère. Ceci afin que l’on n’accuse pas la société de vouloir punir quelqu’un pour ses méfaits.
Un cow-boy devient un « fonctionnaire de contrôle bovin » ça fait moins péquenot, mais cow-boy avait plus de prestige.
Tremblement de terre devient « correction géologique », là je pense qu’il s’agit d’un canular de la part d’Umberto Eco, car la terre se fiche pas mal qu’on l’accuse de trembler.
Le clochard est une personne à « résidence flexible », ça c’est une périphrase de toute beauté, on a presque envie d’en acquérir une.
Une femme facile est « horizontalement accessible », ce n’est plus un défaut : c’est une qualité.
Un homme blanc est « un manquant de mélanine », ça c’est manifestement un défaut et implique la supériorité du noir sur le blanc.
Il faut aussi y ajouter toutes les périphrases qui tentent de diminuer un handicap :
Une personne à mobilité réduite pour qualifier un handicapé moteur qui utilise souvent un fauteuil motorisé.
Un impuissant est « à érection limitée » L’érection n’est pas absente, elle manque seulement d’efficacité, ce qui, entre nous, revient au même.
La calvitie est « une régression folliculaire » et c’est vrai que la calvitie est rarement totale, mais je trouve que le terme de régression est péjoratif. Je propose de remplacer cette périphrase par « disposition folliculaire choisie » (pas par le chauve mais par les follicules).
Et bien sûr tous le positif/négatif de l’handicap Ce sont en particulier les périphrases unanimement appliquées de non-voyant pour aveugle et de mal entendant pour sourd. Ce qui sous-entend qu’il est honteux d’être aveugle ou sourd. Mais le positif/négatif attribue à l’handicapé la faculté manquante et ajoute sa suppression qui parait ainsi presque volontaire. Ce qui ne change évidemment rien à l’handicap et aux aménagements nécessaires pour le diminuer.
Ce n’est qu’un modeste aperçu de l’hypocrisie de la société qui va parfois jusqu’à la bêtise (et je ne parle pas de la phraséologie imposée aux enseignants), de la valeur donnée au verbe pour usurper et masquer les faits, pour ménager la susceptibilité exacerbée de certains ou consoler ceux qui ont du mal à assumer ce qu’ils sont.
Article déjà publié en 2008 dans « Bâtons rompus » sous le titre « Poésie sémantique ».
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Commentaires
1PanglossMardi 4 Octobre 2011 à 18:35Je vous propose de remplacer "politicard" par "présumé innocent".RépondreVoilà un article que je qualifierais volontiers d' "humoristiquement riche" !Je suis satisfait de cette "contribution approbatrice consensuelle" (j'aime beaucoup ce dernier mot)
Un jeune blogueur très intéressant (année bac)a passé quelques temps en Amérique pendant ses vacances, et à mis en com, sur l'article que vous m'avez inspiré !
On ne dis plus "Blanche Neige et les sept nains" au pays de l'oncle Sam, mais :
< Jeune fille très pâle avec sept hommes de très petites tailles > : On ne peut même plus faire rêver les fillettes avec un beau conte de fée !
NettoueLe com a capoté en partie : On ne dis plus Blanche Neige et les sept nains, mais : Femme à la peau blanche et les sept petits hommes !
Nettoue reBeau travail Doc....!!!!!J'ai beaucoup aim" le chapitre sur handicap. Bravo. ZAZAD'ailleurs à la pâtisserie plus personne n'ose demander un nègre en chemise ou pire une tête de nègre !
Quant aux enseignants...les pauvres ! Etre obligé de parler de "référentiel bondissant" pour "ballon"...Et pour les pets de nonne ? Le Vatican ne dit rien ? Pour la phraséologie de l'éducation nationale, il est impossible d'y pénétrer sans avoir le vertige : du zéro de l'intelligence à l'infini de l'absurde.
Excusez le com précédent DR WO, mais je crache des clous. me voici à mon tour capturée dans le bug OB empêchant certains blogs de pouvoir faire partir les commentaires dans les blogs ayant coché le clic droit !
Certains sont dans ce cas depuis trois mois et notre hébergeur n'en vient pas à bout !Jusqu'ici j'étais épargnée.
Bon, je ne l'ai pas coché et tout le monde peut venir chez-moi, mais c'est embêtant car moi je ne peux pas aller chez tout le monde du moins pas laisser de com.
Alors je vérifié avec "essai", si ce n'était pas votre cas !
NettoueAppelons un chat un chat .... na !!!
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